Après avoir passé une grande partie de sa vie au sein des missions médicales internationales cubaines, le Dr Orazal Sanchez s’estime encore prisonnier d’un « système d’esclavage » selon lui déguisé sous la forme d’une « fausse solidarité ».
Le jour où il a décidé de quitter ce réseau de blouses blanches fortement imprégné d’idéologie, il se trouvait au Botswana, dans le désert du Kalahari, où, décrit-il, « le sable ressemble à du talc » et où « la vermine vous guette ». Comme lui, ses collègues féminines Delia Estelles et Yolanda Garcia ont déserté d’un programme qui représente une source cruciale de revenu pour la grande île caribéenne.
Les trois médecins relatent des choses concordantes: avoir été conduits dans des lieux qu’ils n’avaient pas choisis, avoir dû remettre leur passeport à un « superviseur », être interdits de voyager dans le pays où ils se trouvaient, être incités à dénoncer si besoin leurs collègues. Résultat, les trois professionnels de santé partagent la même désillusion au sujet de l’internationalisme médical cubain, un système décrit par la majorité de ses participants comme coercitif et non volontaire, selon l’ONG Prisoners Defenders.
Selon cette organisation, tout refus de partir en mission se traduit par des conséquences terribles pour la carrière et la famille du médecin frondeur. Et les médecins envoyés ne reçoivent que moins d’un quart de leur salaire versé par le pays hôte, le reste étant prélevé par les autorités cubaines. Ces pressions et représailles familiales sont une torture à distance pour les « déserteurs ». Les trois médecins ont d’ailleurs demandé à témoigner sous un pseudonyme afin de protéger leurs proches restés à Cuba.
« Le plus triste est qu’on continue à se sentir esclaves. Nous pensons être libres, mais tant que nous gardons de la famille à Cuba, nous continuons à faire partie de ce système », confie Orazal Sanchez, un endocrinologue de 40 ans. Il explique avoir jeté l’éponge au Botswana non pas en raison des conditions difficiles de sa mission humanitaire, mais parce qu’il ne supportait plus « la surveillance extrême, le contrôle permanent, la répression ».
Pendant 60 ans, les médecins ont été, avec les soldats et les enseignants, les ambassadeurs de la révolution cubaine, sous l’impulsion de Fidel Castro, qui se voulait le chantre de l’anti-impérialisme dans le monde. Il restait fin 2018 plus de 34.000 agents de santé cubains déployés dans 66 nations de la planète, parmi lesquelles 25 bénéficient d’une aide gratuite, selon les autorités de La Havane.
Le Dr Delia Estelles, 37 ans, est interdite de rentrer à Cuba, où elle est accusée de « trahison à la patrie ». Elle qui a travaillé au Guatemala et au Brésil détaille son dégoût à l’égard du « harcèlement », y compris « à teneur sexuelle », qu’elle dit avoir subi, des « contributions forcées » au Parti communiste cubain, de « l’endoctrinement politique ».
Pour Yolanda Garcia, le pire probablement fut le trucage imposé des statistiques au Venezuela, où selon elle « les Cubains contrôlent tout ». « Il fallait inclure des faux noms et documents pour que cela corresponde à la quantité de patients dont nous étions censés nous occuper chaque semaine », relate-t-elle. Le comble, ajoute-t-elle, était de devoir faire disparaître des médicaments apportés de Cuba, où ils étaient manquants, afin que leur consommation présumée corresponde à leur utilisation faussement déclarée.
« Haïti fut un choc avec le réel », confie de son côté le Dr Sanchez. Il se souvient que les pauvres y parvenaient à s’acheter des médicaments de base, tandis qu’à Cuba, « le prétendu paradis où tout fonctionne bien », les diabétiques manquaient d’insuline et les patients en étaient réduits à réutiliser les seringues jetables.
Le Dr Garcia a décidé de continuer sa vie au Brésil, où quelque 8.000 médecins cubains ont cessé d’exercer après que le président d’extrême droite Jair Bolsonaro, farouche anticommuniste, a mis en question leurs compétences et dénoncé leurs conditions de travail proches de « l’esclavage ».
Delia Estelles souffrait, elle, de constater toutes les carences de Cuba chaque fois qu’elle y retournait en congé. « Quand j’ai vu que le fils de Fidel Castro, qui est médecin, faisait des croisières en yacht en Turquie, j’ai pensé: Où va mon argent? »
D.C avec AFP
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