COVID-19

Les États européens détruisent 4 milliards d’euros de vaccins anti-Covid inutilisables – Pfizer fait pression pour continuer les livraisons

janvier 5, 2024 17:41, Last Updated: avril 15, 2024 12:53
By

Il s’agit peut-être de l’un des gâchis les plus coûteux de l’histoire de l’Europe occidentale. Pas moins de 215 millions de doses de vaccin anti-Covid ont été tout bonnement mises à la poubelle par les États membres de l’Union européenne, a dévoilé en décembre 2023 le média Politico, qui évalue ce gaspillage à 4 milliards d’euros. Un calcul réalisé sur la base des prix par dose révélés dans la presse pour chaque fabricant de vaccin, ou bien alors d’un prix moyen de 19,39 euros s’agissant des pays où seul le nombre total de doses détruites a été communiqué.

Le gouvernement d’Emmanuel Macron garde le secret sur les stocks détruits

Ce chiffre de 215 millions n’est toutefois qu’approximatif et pourrait être largement sous-estimé, prévient Politico. En effet, certains États européens n’ont pas voulu notifier le nombre de doses dont ils se sont débarrassés. Au premier chef, la France, deuxième pays le plus peuplé de l’UE. Toutefois, l’on sait qu’au printemps 2022, les autorités françaises avaient dû jeter environ 3,6 millions de doses de vaccins AstraZeneca. Combien de sérums Pfizer ont-ils été détruits ? En octobre de la même année, Le Parisien soulignait que près de 30 millions de doses de première génération des vaccins Pfizer et Moderna risquaient de ne pas trouver preneurs, alors que 40 millions de doses adaptées au variant Omicron étaient alors sur le point d’être livrées…

Comme le souligne sur X l’eurodéputée Virginie Joron, également membre de la commission spéciale du Parlement de l’UE sur le Covid-19, la France affichait encore un stock de plus de 350 millions de doses de vaccin en octobre 2023, apprend-on via datagouv.fr, pour une valeur estimée au-delà de 7 milliards d’euros, si l’on se base sur un prix moyen par dose de 20 euros. Ce, dans un contexte où le taux de rappel en France est de 15,1% pour la quatrième dose et de 3,5% pour la cinquième, d’après le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

Est-ce « à cause de ces chiffres importants » que « la France ne voulait pas communiquer à Politico le stock de doses vaccins Covid qui lui reste sur les bras ? », s’interroge la femme politique.

La Pologne, la Hongrie, la République tchèque et la Grèce font également partie de la liste des pays réfractaires. Pour les autres, Politico a, soit obtenu les données directement des États – certaines étant déjà vieilles de plusieurs mois, soit s’est basé sur les informations diffusées dans les médiaux locaux. En termes de volume, l’Allemagne, à elle seule, a jeté 83 millions de doses, et l’Italie, près de 50 millions. Suivent ensuite les Pays-Bas (plus de 16 millions) et l’Espagne (13,8 millions). Quand le nombre de doses jetées est rapporté au prorata de la population, l’Estonie détient le plus mauvais ratio, avec 1,1 dose jetée par habitant.

10 injections par habitant commandées par la Commission européenne

Pour rappel, l’Union européenne a acheté au total 4,6 milliards de doses, dont 2,4 milliards à Pfizer, pour les 447 millions d’habitants qui la composent. Soit… près de dix doses par habitant. Il s’agit du volume passé et à venir (jusqu’en 2027) pour les Vingt-Sept, depuis fin 2020, déterminé par onze contrats conclus entre la Commission européenne et huit laboratoires (ou alliances de laboratoires) fabriquant des vaccins contre le Covid-19, pour un coût total estimé à 71 milliards d’euros.

Depuis la fin 2020, les États européens ont reçu la livraison de 1,5 milliard doses de vaccins, soit plus de trois par habitant. Les 4,6 milliards de doses commandées, dont la vaste majorité l’a été de manière anticipée, devront-elles être réglées réglées et livrées au cours des prochaines années ? À ce jour, cette question reste sans réponse.

Au 5 octobre 2023, selon l’ECDC, le nombre de doses de vaccins anti-Covid administrées dans l’ensemble des pays de l’Union européenne depuis le début de la crise sanitaire se chiffre à 981 millions, bien que l’Agence européenne des médicaments soutienne que seules 768 millions de doses ont, en réalité, été administrées. L’écart de 213 millions reste encore à ce jour inexpliqué.

À la même date, le taux de rappel des Européens était de 14,7% pour la quatrième dose et de 2,4% pour la cinquième, toujours selon l’ECDC. Autant dire qu’un gaspillage d’un coût de plusieurs dizaines de milliards d’euros se profile à l’horizon si les livraisons se poursuivent, dans la droite continuité de ce qui a d’ailleurs commencé à se produire ailleurs dans le monde : en juillet 2022, le Financial Times rapportait déjà qu’1,1 milliard de doses avaient été jetées et gaspillées à l’échelle de la planète.

Des sur-commandes donc, qui avaient fait l’objet d’une question posée à la Cour des comptes européenne en octobre 2022 par Virginie Joron, qui n’hésite pas à soupçonner un détournement de fonds public : « Est-ce que vous avez trouvé l’étude de la Commission ou de ces laboratoires qui permettent de justifier l’achat d’une telle quantité de doses ? Pourquoi la Commission en a-t-elle autant commandé sachant qu’aujourd’hui, il y a à peu près 447 millions de citoyens européens ? […] Est-ce que cette sur-commande de doses ne pourrait pas être qualifiée de détournement de fonds publics ? »

La Pologne dans le viseur de Pfizer

Alors que plusieurs États européens veulent stopper les livraisons de vaccins anti-Covid, Pfizer fait pression, en dépit de leur incapacité à épuiser ne serait-ce que les stocks excédentaires. En novembre dernier, le géant pharmaceutique a ainsi décidé de trainer en justice la Pologne, qui avait décidé, deux mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine, en avril 2022, de mettre fin aux envois de vaccins.

Pour motif, Varsovie avait invoqué la clause de force majeure du contrat avec Pfizer, expliquant avoir dû accueillir le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens en Europe. Au total, plus de onze millions de personnes avaient franchi la frontière polonaise pour échapper au conflit, indiquaient en mai 2023 les gardes-frontières. Et depuis, 1,5 million d’Ukrainiens sont restés dans le pays, comme le précisait un courrier du ministre de la Santé Adam Niedzielski envoyé, le 2 mai 2023, au laboratoire américain : « Le coût financier de ces actions (le gouvernement polonais a fourni à ces personnes un abri, des soins de santé, une éducation, un accès au marché du travail et d’autres services, ndlr) est immense », martèle-t-il. Et d’ajouter : « Le profit dans les affaires devrait aussi avoir ses limites. […] C’est totalement inutile du point de vue de la santé publique, car la plupart d’entre elles seront détruites en raison de leur durée de conservation limitée et de la demande restreinte ».

Si un responsable de la Commission européenne avait, malgré cela, confié à Reuters en mai 2022 que le pays « n’a pas de raison » de revendiquer la clause de force majeure, estimant que le conflit ne changeait rien à ses besoins en matière de vaccination « si ce n’est […] la vaccination des réfugiés », l’institution supranationale l’avait néanmoins autorisé, en mars 2023, à renégocier son accord sur les livraisons de vaccins.

En raison de la pression croissante de plusieurs autres pays européens désireux de renégocier les clauses de ce contrat polémique, puisqu’il les oblige à se faire livrer des doses inutiles, la Commission européenne avait annoncé le 26 mai 2023 avoir renégocié son accord avec le géant pharmaceutique.

Selon elle, Pfizer a accepté d’étaler les livraisons sur quatre ans, jusqu’en 2027, et le nombre total de doses a également été réduit, sans qu’aucun chiffre ne soit toutefois communiqué. Des nouvelles conditions rejetées par la Pologne. Il n’est pas impossible d’imaginer que Pfizer exige notamment que la réduction des livraisons initialement prévues soient conditionnées à des frais d’annulation « qui représentent la moitié du prix d’une dose qui n’a même pas été produite », comme le fustigeait M. Niedzielski.

Si l’affaire ne faisait depuis plus parler d’elle, Pfizer a visiblement saisi l’opportunité de l’arrivée au pouvoir en Pologne du progressiste et pro-Union européenne Donald Tusk pour obtenir gain de cause devant une cour de justice bruxelloise. « Le timing interpelle, puisqu’il vient après les élections polonaises d’octobre qui ont vu le PiS (le parti nationaliste conservateur, ndlr) perdre sa majorité au pouvoir » et Donald Tusk, « qui veut maintenir de bonnes relations avec Bruxelles », pourrait bien « se sentir contraint d’honorer les accords négociés » par la Commission, note Politico, qui précise : « Cela arrive à un moment où l’économie polonaise, habituellement robuste, se trouve dans le marasme. Pour Pfizer, cependant, c’est un signal clair à tous les pays qui voudraient éviter de payer ce qu’ils doivent. »

De son côté, l’entreprise américaine, par le biais d’un porte-parole, a justifié sa décision d’entamer une action en justice « à la suite d’une rupture contractuelle prolongée et d’une période de discussions de bonne foi entre les parties ». Une « bonne foi » qui avait toutefois été remise en question par l’ancien ministre polonais de la Santé dans son courrier de mai 2023 : « Malgré toute ma volonté de trouver un compromis, Pfizer n’est pas prêt à faire preuve d’un niveau de flexibilité satisfaisant et à faire des propositions réalistes répondant à l’évolution de la situation [sanitaire] en Europe ».

Cette affaire est « la conséquence directe du SMS gate »

Le contrat controversé que Pfizer entend faire appliquer a été négocié en 2021 par la Commission européenne au nom des États membres et prévoit la livraison de 1,8 milliard de doses de vaccins contre le Covid-19. Cet accord fait d’autant plus polémique que les soupçons planent toujours sur les SMS échangés par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avec Albert Bourla, le directeur général de Pfizer, à propos de sa négociation.

Comme le notait le 26 novembre l’eurodéputée Michèle Rivasi dans l’un de ses derniers posts sur X trois jours avant son décès, « ce surplus de vaccins et les milliards d’euros gaspillés pour des doses qui périment dans les entrepôts européens est la conséquence directe du #SMSgate, le scandale du méga-contrat négocié par SMS entre Pfizer et la présidente de la Commission européenne… Depuis, la Commission européenne a renégocié en secret son contrat avec Pfizer. Mais la Pologne n’a pas accepté le deal en refusant d’acheter les vaccins dont elle n’a pas besoin jusqu’en 2027 et de payer 10 euros pour chaque dose annulée ». Et de conclure : « L’opacité de la Commission européenne et de nos gouvernements doit cesser. Nous, contribuables européens, avons le droit de savoir combien de milliards d’euros nous devons encore payer à Pfizer et pourquoi. La balle est dans le camp des enquêteurs européens, depuis longtemps. »

Pour lever le voile sur les SMS échangés avec le PDG de Pfizer, deux plaintes ont été déposées contre Ursula von der Leyen. La première par le New York Times en janvier 2023, et la seconde en avril 2023 par Frédéric Baldan, un lobbyiste belge de 35 ans. L’année précédente, la Médiatrice européenne Emily O’Reilly avait demandé l’accès à ces échanges de textos. Mais le 29 juin 2022, la commissaire à la Transparence lui avait répondu que la recherche des messages n’avait « donné aucun résultat », laissant par ailleurs entendre que l’exécutif européen n’était pas obligé de conserver une trace des textos… Auraient-ils été détruits ? En ce cas, si les plaintes aboutissent, reste à savoir si la justice conclurait à une destruction de documents administratifs.

Dans l’attente, Ursula von der Leyen ne semble pas particulièrement préoccupée par les actuelles procédures judiciaires à son encontre et les accusations de conflits d’intérêts avec Pfizer qui lui sont reprochés. Alors que des dizaines de millions de doses de vaccins anti-Covid périmées sont détruites, la femme politique s’est rendue au Rwanda le 18 décembre pour inaugurer le lancement de la branche africaine de BioNTech, partenaire de Pfizer, dans l’optique de « booster » la production de vaccins anti-Covid sur ce continent.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.

Voir sur epochtimes.fr
PARTAGER