Les confinements dus au Covid-19 en Chine et les baisses des taux font chuter le yuan et exacerbent la sortie des capitaux étrangers.
« L’incertitude est vraiment le mot clé, parce qu’il n’y a aucune perspective, aucune idée de la durée de cette situation et de ce qui se passera après Shanghai », a déclaré Massimo Bagnasco, vice-président de la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine, à Bloomberg le 17 mai.
En mars, les investisseurs de Hong Kong ont vendu pour un montant record de 24,2 milliards de dollars de dettes libellées en yuan. L’exode des investissements est lié aux craintes d’une diminution de la croissance chinoise, à la baisse du rendement obligataire et à la hausse des taux des investissements américains.
Alors que les États-Unis et d’autres pays occidentaux augmentent leurs taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, la banque centrale chinoise envisage de les réduire pour stimuler l’économie. En avril, la banque centrale a réduit le taux de réserves obligatoires pour les devises étrangères de 9% à 8% pour libérer de la monnaie.
Les investisseurs échangent leur yuan en dollars, ce qui fait monter le dollar et baisser le yuan. Depuis quatre semaines, le cours au comptant du yuan a perdu plus de 6% par rapport au dollar. Les analystes d’UBS s’attendent à ce que le yuan connaisse une nouvelle dépréciation et franchisse le seuil de 7 pour un dollar américain. Barclays a également revu à la baisse ses prévisions concernant le yuan à 6,9, mais a déclaré que le yuan pourrait avoisiner 7 si les fermetures et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement se poursuivent.
Les investisseurs avaient déjà commencé à retirer leur argent de Chine en 2021 en raison des confinements continus liés au Covid, des problèmes de chaîne d’approvisionnement et des mesures de répression prises par Xi Jinping dans de nombreux secteurs d’activité, notamment la technologie et l’éducation. Ces problèmes se sont accompagnés d’une crise de la dette en cours, avec des entreprises de premier plan, comme Evergrande, menacées d’insolvabilité, ainsi que d’un refroidissement général du secteur immobilier, généralement un moteur important de l’économie globale.
Depuis le début de l’année, la guerre en Ukraine et les sanctions potentielles contre la Chine ont effrayé de nombreux investisseurs et les ont incités à abandonner leurs actifs libellés en yuan. Les prévisions de croissance à la baisse du PIB des grandes banques et institutions financières ont exacerbé les sorties de capitaux.
Le 18 mai, Goldman Sachs a réduit ses prévisions de croissance du PIB chinois à 4%. Même les prévisions légèrement plus optimistes de l’Economist Intelligence Unit (4,4% à 4,7%) sont bien en deçà de l’objectif de 5,5% fixé par Pékin.
En avril, les actions chinoises (.SSEC) ont perdu 6% de leur valeur, et leur poids dans les portefeuilles des marchés émergents est passé de leur pic de 38,3% fin 2020 à 29% en avril. Les investisseurs étrangers ont désinvesti 6,2 milliards de dollars d’obligations d’État chinoises en avril, marquant trois mois consécutifs de ventes, la plus longue liquidation depuis 2015. Becky Liu, responsable de la stratégie macroéconomique de la Chine chez Standard Chartered Bank Plc, a émis l’hypothèse qu’une forte baisse du yuan alimente également ces ventes.
Malgré les problèmes évidents que connaît l’économie chinoise, certains banquiers d’affaires restent optimistes. En avril, Jean-Charles Sambor, responsable adjoint des obligations émergentes chez BNP Paribas Asset Management, a déclaré qu’en dépit des hausses de taux aux États-Unis et des baisses de taux en Chine, les obligations chinoises offraient toujours un rendement plus élevé après correction de l’inflation.
Aninda Mitra, responsable de la stratégie macroéconomique et d’investissement en Asie chez BNY Mellon Investment Management, s’est montrée moins optimiste quant aux perspectives de la Chine, affirmant que la poursuite des hausses de taux aux États-Unis pourrait accroître les sorties de capitaux.
Bien que la monnaie et l’économie chinoises semblent s’affaiblir, le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé le 14 mai qu’il allait augmenter la pondération du yuan dans le panier de devises des droits de tirage spéciaux (DTS). La pondération du yuan est passée de 10,92% à 12,28%. Il s’agit de la première révision depuis que la monnaie a été ajoutée au panier en 2016. La pondération du dollar a également été augmentée, passant de 41,73% à 43,38%, tandis que la pondération de l’euro, du yen japonais et de la livre sterling a diminué.
La décision du FMI a été prise sur la base des gains de valeur réalisés par le yuan au cours des six dernières années. Toutefois, le yuan reste une monnaie indésirable pour les investisseurs et les banques centrales, puisqu’il ne représente que 2,79% des réserves mondiales de devises étrangères.
En réponse à l’augmentation de sa pondération dans le DTS, la banque centrale chinoise s’est engagée à ouvrir davantage ses marchés financiers et à améliorer la communication d’informations. Cette décision survient quelques jours seulement après que les autorités chinoises ont cessé de déclarer certaines transactions effectuées par des étrangers. Depuis le 11 mai, China Foreign Exchange Trade System, la principale plateforme de négociation d’obligations pour les investisseurs étrangers, a cessé de rendre compte des liquidations. Cette mesure a peut-être été prise pour éviter que les autorités n’aient à reconnaître qu’il y a eu une importante liquidation, les investisseurs perdant confiance dans le yuan.
Outre la chute de la monnaie et le fait que les investisseurs étrangers se détournent des obligations d’État chinoises, les chambres de commerce des États-Unis et de l’Union européenne signalent que leurs membres suspendent leurs investissements en Chine. Les perturbations de la chaîne d’approvisionnement et la menace de confinement sont les principales raisons invoquées. Si Shanghai fait l’objet de la plus grande couverture médiatique, au moins 32 villes étaient encore soumises à des mesures de confinement en date du 13 mai.
Les confinements ont provoqué de nombreuses perturbations avec des conséquences de grande ampleur. Les usines ont perdu des jours de production. Des pénuries de main-d’œuvre et des perturbations dans la logistique et les chaînes d’approvisionnement ont également eu lieu. D’autre part, les confinements ont entraîné la fermeture de ports, l’arrêt du trafic routier à certains endroits et empêché les employés étrangers d’entrer dans le pays ou de se rendre dans leurs bureaux en Chine.
Michael Hart, président de la Chambre de commerce américaine en Chine, a déclaré à Bloomberg le 17 mai que, même s’il ne s’attend pas à un exode immédiat des entreprises étrangères, il prévoit une diminution des investissements en Chine au cours des prochaines années.
La Chambre de commerce de l’UE a indiqué le 16 mai que nombre de ses membres ont cessé d’investir en Chine et envisagent de quitter le pays. La Chambre de commerce allemande a indiqué qu’une enquête menée auprès de 460 membres avait révélé que 30% de leurs employés étrangers prévoyaient de partir en raison des confinements.
Le président de la Chambre de commerce de l’UE, Joerg Wuttke, a déclaré que la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis entraînerait une fuite des capitaux hors de Chine. Par conséquent, Pékin devrait renforcer le contrôle des sorties de capitaux afin d’éviter une nouvelle dépréciation du yuan. Dans le cadre d’une mesure draconienne visant à empêcher les liquidités de quitter le pays, Pékin a annoncé le 13 mai une interdiction pour les citoyens de voyager hors du pays pour des raisons non essentielles.
Antonio Graceffo, docteur en philosophie, a passé plus de 20 ans en Asie. Il est diplômé de l’Université des sports de Shanghai et titulaire d’un Master of Business Administration de l’Université Jiaotong de Shanghai. M. Graceffo travaille en tant que professeur d’économie et analyste économique de la Chine, et écrit pour divers médias internationaux. Parmi ses ouvrages sur la Chine, citons « Beyond the Belt and Road : China’s Global Economic Expansion » [Au-delà de la Ceinture et Route : L’expansion économique mondiale de la Chine, ndt.] et « A Short Course on the Chinese Economy ». [Bref cours sur l’économie chinoise, ndt.]
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