La bataille s’est engagée mercredi en commission à l’Assemblée nationale, où la majorité tente de torpiller une proposition d’abrogation de la retraite à 64 ans, face à des oppositions vent debout contre une tentative de les « museler ».
Les débats ont démarré par un imbroglio autour du manque de places assises dans une salle bondée, que les journalistes ont été contraints de quitter. Dans une ambiance survoltée, la gauche n’a pas manqué « d’alerter sur des conditions d’examen » empêchant « un débat serein ».
À l’initiative de cette proposition de loi avec le groupe indépendant Liot, le rapporteur Charles de Courson a revendiqué une « occasion de sortir par le haut » de la contestation de la réforme des retraites, promulguée mi-avril. « Il existe de nombreuses pistes qui n’ont pas été explorées », « une contribution plus élevée des revenus du patrimoine pourrait par exemple être envisagée », a réclamé l’élu centriste.
Dans le camp présidentiel, le député Renaissance Sylvain Maillard a aussitôt dénoncé une « arnaque » d’une proposition de loi « inconstitutionnelle » et qui « ne sera jamais votée au Sénat ». Et il a critiqué le revirement de Charles de Courson, longtemps une « référence de rigueur budgétaire ». Cet examen est un premier round pour le texte, attendu le 8 juin dans l’hémicycle. Mais chaque camp espère déjà marquer des points décisifs.
Embarras de l’exécutif
Car malgré les faibles chances qu’a cette initiative d’aboutir sur le plan législatif, elle maintient la flamme des opposants à la réforme, avant une nouvelle journée de mobilisation le 6 juin. Et elle embarrasse l’exécutif, inquiet de l’impact politique d’une éventuelle abrogation du texte par l’Assemblée nationale, quelques semaines à peine après la promulgation de cette réforme très contestée.
La Première ministre Élisabeth Borne a accusé mardi les oppositions de mentir aux Français « en portant, avec la plus grande démagogie, un texte dont chacun sait ici, pertinemment, qu’il serait censuré par le Conseil constitutionnel ». « Nous ferons bloc » pour contrer cette proposition de loi, a promis la cheffe de file des députés macronistes, Aurore Bergé. Avec ses alliés Horizons et Modem, elle a qualifié d’« atteinte grave » aux institutions la décision du président de la Commission des Finances, Éric Coquerel (La France insoumise), de déclarer la proposition de loi de Liot « recevable ».
Selon l’exécutif, abroger la réforme des retraites coûterait plus de 15 milliards d’euros. Or, l’article 40 de la Constitution dispose qu’une proposition de loi ne doit pas créer de charge publique. Mais M. Coquerel a invoqué « les droits des oppositions » et une « pratique communément admise » de ne pas faire barrage à ce titre à des textes d’origine parlementaire.
Coup de billard à plusieurs bandes pour la majorité
Le camp présidentiel n’a pas baissé les armes et échafaudé un plan pour contrer la proposition de loi de Liot. Il espère réussir à supprimer l’article d’abrogation des 64 ans en commission, où le rapport de force lui semble plus favorable que dans l’hémicycle. S’il y parvient, le groupe Liot se verrait contraint de réintroduire sa mesure par un amendement avant le 8 juin. Un scénario qui autoriserait la présidente de l’Assemblée à brandir elle-même le couperet de la recevabilité financière, et d’empêcher ainsi un vote dans l’hémicycle. « Je prendrai mes responsabilités », a assuré Yaël Braun-Pivet, membre de Renaissance, après avoir été critiquée dans son propre camp pour ne pas avoir fait barrage plus tôt.
Pour que ce coup de billard à plusieurs bandes aboutisse, la majorité compte sur la promesse des dirigeants Les Républicains de lui prêter main forte. « Je pense que la majorité des députés LR n’ont pas envie de participer à cette facétie qu’est cette proposition de loi », a déclaré le chef de file du groupe de droite, Olivier Marleix, tandis que la gauche et Liot espèrent que certains LR leur prêteront main forte.
Toutes les oppositions pour l’abrogation
« Nous ne laisserons pas l’exécutif museler la représentation nationale », ont prévenu les quatre groupes de la coalition de gauche Nupes, promettant d’utiliser « tous les moyens possibles » pour riposter au camp présidentiel. Ils organisent un rassemblement près du Palais Bourbon à 13h00. Le groupe RN de Marine Le Pen a prévu pour sa part de soutenir le texte d’abrogation « face aux tentatives de sabordage de la macronie ».
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