Courant octobre, le député socialiste Philippe Brun a réussi un coup d’éclat en s’invitant au ministère de l’Économie, assisté par un magistrat, pour exiger l’accès à des documents relatifs au projet de nationalisation d’EDF. Exerçant ainsi son droit de parlementaire à contrôler l’action gouvernementale – dans une situation, dit‑il, où les documents demandés ne lui avaient pas été envoyés par le ministère – il a en même temps franchi la ligne invisible de bienséance convenue entre gouvernement et élus : on est habituellement tenu d’écrire, d’interpeller dans l’hémicycle, mais pas de venir accompagné d’un juge pour exiger des notes internes.
Cependant, Monsieur Brun a ainsi pu avoir accès aux documents qu’il recherchait, qui contenaient suffisamment pour relancer une vague d’articles autour du mot‑clé « Hercule ». Hercule, projet dont l’exécutif dit qu’il a été définitivement enterré en 2021 et qui prévoyait la scission du géant EDF en trois entités : une, entièrement nationale, pour le nucléaire, une autre ouverte aux investissements privés pour les énergies renouvelables et la distribution, une dernière pour l’hydro‑électrique. Avec cette restructuration, l’État entendait redevenir stratège pour les investissements d’avenir dans le nucléaire, et pragmatique pour les secteurs émergents et l’efficacité opérationnelle du quotidien.
La question du jour est donc de savoir si Hercule le restructurateur a bien disparu ou, si, comme le héros mythologique, il s’est caché dans un palais, l’Élysée, déguisé en femme, avant de resurgir.
C’est une phrase issue d’une note ministérielle du 27 juin 2022 qui met le doute. Celle‑ci indique, d’après l’AFP que la nationalisation d’EDF, annoncée par la Première ministre Elisabeth Borne, permettrait de « préparer sur une base nouvelle les négociations à venir avec l’ensemble des parties prenantes. » Quelles négociations ? Philippe Brun affirme que d’après les notes circulant à Bercy, 30% des activités liées aux énergies renouvelables pourraient être cédées.
Le « géant », le « fleuron » EDF est, de l’avis des experts, miné par des années de gestion indigente et a laissé filer les expertises techniques uniques qui avaient permis à toute la filière de formidables percées dans les années 1980. En témoigne la Bérézina du chantier EPR de Flamanville – 10 ans de retard, 10 milliards d’euros de dépenses en plus que prévu. Le groupe est miné par un mode de gestion quasi‑socialiste et subit le bras de fer constant avec ses syndicats. Ceux‑ci ont ainsi réussi au mois d’octobre à obtenir 200 euros minimum de revalorisation salariale, une prime de 2600 euros… tout cela augmentant les coût salariaux de l’entreprise de près de 10% alors que les agents EDF, rappelle Nicolas Lecaussin, ancien directeur de l’iFRAP, bénéficient d’un emploi à vie, travaillent 32 heures par semaine, bénéficient de vacances à 20% du prix normal dans les centres du comité d’entreprise (CCAS.), ils paient l’électricité et le gaz à 10% du tarif normal, ont le droit à 85 jours de repos par an… sans compter les primes : 2 mois de salaire pour un mariage, 1 à 2 mois de salaire pour chaque naissance etc. etc. Et un salaire d’embauche 30% au‑dessus du SMIC pour les salaires les plus bas.
Mais la menace violente d’une grève dure, alors que les risques de coupure d’électricité sont déjà forts, a mis le levier du côté des syndicats, alors même qu’EDF est endetté de plus de 60 milliards d’euros et – à cause de l’arrêt des réacteurs nucléaires pour maintenance – perdra plus de 30 milliards d’euros sur son résultat cette année. De là à penser qu’une restructuration profonde est nécessaire et qu’elle est annoncée par l’arrivée aux commandes ce mois‑ci d’un nouveau PDG, Luc Rémont, il n’y a qu’un pas.
Le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gabriel Attal, choisit cependant de continuer de démentir : « L’objectif de la montée à 100% au capital d’EDF est clair, c’est renforcer la politique nucléaire de la France » pour « la construction notamment de six EPR. » « Ça n’aurait aucun sens de monter à 100% au capital d’une entreprise comme EDF pour la démanteler ou la vendre par appartements, ce n’est absolument pas le sujet », insiste‑t‑il.
En juin sur Europe 1, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier‑Runacher annonçait pourtant vouloir « travailler sur la trajectoire actionnariale d’EDF » pour permettre l’essor du nucléaire et des renouvelables. Hercule aura peut‑être changé de nom, mais c’est sans doute bien plus que douze travaux qui l’attendent pour redonner de l’efficacité et de l’avance technique au fleuron qu’a été EDF avant que l’État‑stratège ne s’endorme, la tête appuyée sur un transformateur.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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