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L’hiver est là, le charbon brûle, les Balkans suffoquent

décembre 5, 2018 15:00, Last Updated: décembre 5, 2018 15:10
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Les vendeurs de purificateurs d’air sont seuls à se frotter les mains: l’hiver venu, les villes des Balkans suffoquent, empoisonnées par les voitures et le charbon de chauffage. Asthmatique de 69 ans, Fuad Prnjavorac, est monté sur le mont Trebevic, au-dessus de Sarajevo « se remplir les poumons d’oxygène »: « C’est terrible en ville, impossible de respirer, de sortir faire un tour. Je tousse sans répit, j’étouffe. »

La ville se cache sous un nuage blanc d’où n’émerge que l’émetteur de télévision de la colline de Hum. Les cheminées y fument par milliers, pour chauffer au charbon ou au bois 100.000 foyers de cette ville où circulent chaque jour 150.000 voitures dont l’ancienneté moyenne est de 18 ans. Le mal est régional. Mardi, l’application spécialisée AirVisual plaçait Skopje en Macédoine au troisième rang des villes les plus polluées au monde, Sarajevo arrivant 5ème, devant Delhi.

Egalement habituées du classement dès que les températures chutent, Belgrade ou encore Pristina et ses deux centrales à charbon bâties sous le communisme, aussi cruciales à la production d’électricité du Kosovo que toxiques pour l’atmosphère.  Cinq villes des Balkans comptent parmi les dix d’Europe les plus saturées en particules fines, selon un classement de 2017 de l’Organisation mondiale de la santé (OMS): Tuzla (Bosnie), Pljevlja (Monténégro), Skopje, Tetovo et Bitola (Macédoine).

Le coût économique et humain est effarant. Dans une étude de 2016, l’OMS avait estimé qu’en 2010, la pollution atmosphérique avait tué plus de 37.000 personnes dans les Balkans occidentaux (pour 23 millions d’habitants), soit six fois plus qu’en France en proportion de la population. Depuis, aucune mesure structurelle n’a été prise. Selon un document de janvier 2018 de l’ONU, en Bosnie-Herzégovine, « 44.000 années de vie sont perdues chaque année » à cause de la pollution atmosphérique, dont le coût représente « plus de 21,5% du PNB », en jours de travail et d’école perdus, dépenses de santé, etc.

« Les purificateurs d’air se vendent comme des petits pains. Les gens vident leurs portefeuilles pour respirer de l’air propre au moins à la maison », dit Vanco, vendeur de Skopje, également enclavée dans une cuvette. L’équipement coûte 400 euros, soit environ un salaire moyen. Mais les habitants « empruntent même pour s’acheter un purificateur », « surtout les familles avec enfants », assure Vanco, 48 ans, qui ne dit pas son nom. Le ministère de la Santé macédonien a annoncé la distribution des masques à 43.000 malades chroniques. Jane Dimeski, militant du groupe citoyen « STOP air pollution », y voit une « réponse à court terme  plus qu’une lutte sérieuse contre la pollution ».

A Sarajevo, ville de 340.000 habitants où les transports en commun sont dans un état déplorable, est relevée en ce début décembre une moyenne de particules fines de 320 µg/m3, avec des pics supérieurs à 400 µg/m3. « Je pense qu’il n’y a pas actuellement une autre ville dans le monde où il y a 400 µg de poussière par m3 pendant douze heures en continu », dit Martin Tais, spécialiste bosnien de la qualité de l’air. Pourtant, la municipalité a mis quatre jours pour limiter la circulation de voitures. Les écoles n’ont pas été fermées, malgré l’appel de l’association des parents.

A Skopje, une institutrice, Vesna Delevska, 56 ans, décrit aussi une situation « insupportable »: « En trois décennies d’enseignement, je n’ai jamais vu autant d’enfants tousser et tomber malades. Les pires jours, beaucoup de parents n’envoient même pas leurs enfants à l’école. » Pour spécialistes et militants, il faut prendre des mesures de fond, accélérer la transition vers le passage au chauffage au gaz, mobiliser les aides publiques. Mais les pays des Balkans sont pauvres et la prise de conscience tardive.

Anes Podic, responsable de l’association bosnienne Eko-Akcija, dénonce une « irresponsabilité du pouvoir criminelle ». « Quelqu’un a jugé que les poumons des habitants de Sarajevo sont cinq fois plus résistants que ceux de Paris », a-t-il ironisé dans une interview récente, allusion au niveau d’alerte fixé à 80 µg/m3 dans la capitale française.

D.C avec AFP

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