ENTRETIENS EPOCH TIMES

« L’institution scolaire n’est ni un lieu thérapeutique, ni un lieu de gestion des délinquants », estime Anne-Sophie Nogaret

octobre 26, 2024 8:39, Last Updated: octobre 26, 2024 11:07
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ENTRETIEN – Ancienne professeur de philosophie, auteure d’une newsletter consacrée au frérisme , Anne-Sophie Nogaret analyse pour Epoch Times la montée de la violence des jeunes dans les établissements scolaires.

Epoch Times : Vendredi 18 octobre, au collège Alexandre Dumas à Maurepas dans les Yvelines, un élève a roué de coups sa professeur après que celle-ci lui a demandé son carnet parce qu’il chahutait en cours. Il y a deux semaines, à Tourcoing, une élève a giflé une enseignante qui lui avait demandé de retirer son voile. Quelle est, selon vous, la source de cette violence exacerbée chez certains jeunes ?

Anne-Sophie Nogaret : De manière générale, je dirais que cette violence provient d’une dévalorisation générale de l’autorité, du refus de l’exercer et de celui de s’y plier. Cette situation est particulièrement prégnante à l’école.

Depuis des décennies, le système scolaire a complètement délégitimé l’autorité pour lui substituer le dialogue, les accommodements « au cas par cas », les négociations dans le bureau du proviseur. C’est un pis-aller qui s’est mis en place autour d’un dogme à ce jour toujours en œuvre : il est impossible d’exclure un élève du système scolaire public, quoi qu’il ait fait. Dans le pire des cas, on le change d’établissement, mais il restera dans le système scolaire.

J’ai, à deux exceptions près, toujours entendu les mêmes arguments pour justifier l’absence de conseils de discipline ou d’exclusion, dans des cas qui l’exigeaient pourtant de façon évidente : mieux valait ne rien faire, puisque le système mis en place, à savoir le déplacement d’un élève dans un autre lycée, prévoyait que le lycée en question nous envoie en retour un de ces éléments ingérables. « On sait ce qu’on a, on ne sait pas ce qu’on va récupérer », disait-on…

À ce système d’échanges qui n’a aucun sens, s’ajoutait la culture de l’excuse. Si l’élève s’était montré violent, c’était parce qu’il était en souffrance, sociale, psychique ou que sais-je ; à ce titre, il était hors de question de « briser son avenir » en l’excluant. La rhétorique de la perpétuelle « seconde chance » a fait beaucoup de mal, créant un sentiment d’impunité chez les élèves dont certains, de culture exogène, ne respectent au contraire qu’une autorité fortement marquée.

En réalité, ces jeunes gens sont très souvent en demande de limites, mais le système actuel leur propose exactement l’inverse. Ceci ne fait qu’exacerber leur mal et repousse constamment les limites de la violence qu’ils manifestent.

L’Éducation nationale a-t-elle aussi une responsabilité dans cette montée de la violence ou seulement les parents ?

De toute évidence, l’Éducation nationale a une grande responsabilité dans cette montée de la violence. Malheureusement, elle est aujourd’hui coincée par l’idéologie qu’elle a mise en pratique : à partir du moment où elle considère qu’il lui incombe d’inclure tout le monde, sans jamais exclure personne du système scolaire public, elle se condamne elle-même à l’échec.

Il y a des enfants qui n’ont rien à faire à l’école publique, parce que, pour diverses raisons, ils sont incapables de se plier à la règle commune et de respecter les autres. Dès lors que l’Éducation nationale considère qu’il faut garder à tout prix ces individus, y compris s’ils mettent profs et élèves en danger, de fait, elle entretient et fait croître leur violence.

Quelles sanctions préconisez-vous pour ces élèves ultraviolents ?

À mon époque, l’école privée récupérait ceux qui se faisaient exclure du public. Pour ma part, je pense qu’aujourd’hui, les élèves violents doivent être exclus du système scolaire classique (général, technologique et professionnel) et envoyés dans des structures spécialisées. Nous devons protéger les élèves de ces « brebis galeuses » qui s’en prennent à eux, détruisent le cadre scolaire, leur sécurité et les conditions d’apprentissage.

Par ailleurs, ce n’est pas parce que les individus violents sont exclus du système scolaire général classique, qu’ils sont exclus de toute prise en charge. Simplement, ils ne doivent pas être pris en charge par l’institution scolaire, qui n’est ni un lieu thérapeutique, ni un lieu de gestion des délinquants. Et rien n’empêche qu’au sein de ces structures spécialisées, ils suivent un enseignement qui leur soit adapté.

Les enseignants sont-ils suffisamment soutenus aujourd’hui quand ce genre d’évènements se produit ?

Il m’est arrivé de me faire insulter et menacer par un élève. Le proviseur, qui m’avait dit explicitement que j’étais la seule coupable, avait refusé d’organiser un conseil de discipline. Pourtant, il semblait plutôt content que je sois allée porter plainte. Au commissariat, j’ai appris que le proviseur était obligé d’informer la police de ce qui s’était passé, ce qu’il n’avait pas fait. Il est possible que mon dépôt de plainte l’ait bien arrangé : il ne disait rien au rectorat, rien à la police, et je réglais les choses moi-même en portant plainte. Dès lors, ça se passait entre la police, l’élève et moi, sans engager sa responsabilité.

Je ne crois pas que la situation ait vraiment changé. L’institution affiche un soutien apparent, sans doute, en envoyant des mails à la communauté éducative et en lui tenant des discours allant en ce sens, mais à mon avis, c’est assez cosmétique. Tant que le système scolaire continue à refuser d’exclure les élèves violents, les enseignants ne seront pas soutenus. Contraints par ce dogme, les chefs d’établissement et les rectorats continueront à se défausser et le mot d’ordre officieux restera de « ne pas mettre de l’huile sur le feu ».

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