Les autorités maliennes n’hésitent pas à renvoyer des représentants onusiens pour faire comprendre qu’elles ne tolèrent aucune critique, au niveau national et international, de leur politique pro-russe.
Le 27 janvier 2023, le Conseil de sécurité des Nations Unies tient un examen sur la situation sécuritaire du Mali. Cette rencontre inclut la participation par visioconférence d’acteurs de la société civile comme Aminata Cheick Dicko, défenseure des droits humains. Lors de son intervention, elle dénonce l’implication du groupe militaire russe Wagner dans de graves violations des droits humains au Mali.
Ces déclarations ne sont du goût du gouvernement actuel du Mali. Le 5 février 2023, la diplomatie malienne déclare Guillaume Ngefa-Atondoko Andali, directeur de la division des droits de l’homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), persona non grata sur son territoire. D’après le communiqué, il est reproché à Andali d’avoir sélectionné “des usurpateurs s’arrogeant le titre de représentant de la société civile malienne, en ignorant les autorités et les institutions nationales”.
La MINUSMA joue pourtant un rôle crucial dans un contexte de longue guerre civile au Mali. Suite à une insurrection séparatiste Touareg au nord du pays, le pays entre dans une crise sans précédent qui mène au renversement du gouvernement d’Amadou Toumani Touré le 22 mars 2012. De nouvelles élections portent Ibrahim Boubacar Keïta au pouvoir en 2013. Il promet certes de lutter contre la corruption et de ramener la paix, et L’ONU lui apporte son soutien en installant la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) dès juillet 2013.
Mais l’insécurité et la corruption se généralisent. La montée des groupes terroristes et la multiplication des attaques djihadistes suscite un soulèvement de la population exigeant le départ du Président Keïta. Le pays traverse deux coups d’État, tous menés par le colonel Assimi Goïta, l’un le 18 août 2020, après de nombreuses manifestations organisées par le Mouvement du 5 Juin Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), et l’autre le 25 mai 2021. Goïta s’autoproclame Président du Mali en mai 2021, et mène depuis une réforme politique qui le conduit à se tourner vers la Russie pour une coopération militaire, et à demander le départ des forces françaises du territoire malien, présentes depuis janvier 2013 à travers l’opération Serval remplacée par l’opération Barkhane, lancée le 1er août 2014.
Des expulsions en série pour les représentants onusiens
L’expulsion du 5 février du représentant de Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme intervient environ sept mois après l’expulsion d’Olivier Salgado, porte-parole de la MINUSMA; et fait suite à celle de Christophe Sivillon, chef de bureau de la Minusma à Kidal expulsé en 2019 pour des propos peu appréciés par le gouvernement du Président Keita.
Le renvoi du diplomate onusien semble avoir été bien accueillie par une partie de la population malienne qui soutient le gouvernement de Goïta, comme l’indique certains commentaires sur Twitter:
Certains activistes à l’instar de Nathalie Yamb, militante panafricaniste qui oeuvre pour une rupture entre Occidentaux et pays africains, ont salué la décision de la diplomatie malienne sur Twitter:
L’expulsion de trois officiels de la MINUSMA en moins de quatre ans pose donc la question du devenir de la mission dans un contexte de violations et atteintes régulières aux droits humains.
Quel devenir pour la MINUSMA dans la protection des droits humains?
Le chef des droits de l’homme de l’ONU déplore l’expulsion de son représentant au Mali, et appelle les autorités à revenir sur leurs décisions.
« Je regrette profondément la décision des autorités maliennes de déclarer mon représentant, Guillaume Ngefa, persona non grata et de lui ordonner de quitter le pays dans les 48 heures. J’ai été très troublé par les intimidations et le harcèlement dont il a fait l’objet dans les médias sociaux ces derniers mois. J’appelle les autorités intérimaires maliennes à annuler sans délai cette décision regrettable », a déclaré M. Türk.
Cette nouvelle brouille est lourde de conséquences pour la poursuite de la mission de la MINUSMA car les diplomates onusiens estiment que le gouvernement malien fait ouvertement barrage aux investigations de la MINUSMA sur les abus commis par les forces maliennes. Plusieurs rapports sur la situation des droits de l’homme dont celui de la MINUSMA ont épinglé les autorités même si ces dernières estiment ne pas être en phase avec ces rapports. Le retrait des contingents étrangers de la mission, et la diminution des effectifs au sein des casques bleus indiquent donc une désolidarisation certaine des partenaires à la mission. La situation risque d’empirer si la MINUSMA venait à mettre fin à sa mission.
Renforcement de l’influence russe au Mali
Quarante-huit heures après l’annonce de l’expulsion d’Andali, le pouvoir malien reçoit la visite du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, comme en témoigne ce Tweet:
Cette visite est présentée comme le renforcement des liens entre Bamako et Moscou, et comme sonne la volonté de Goïta de respecter la souveraineté du Mali. Pour Abdoulaye Diop, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale, il s’agit de réaliser des coopérations qui correspondent aux aspirations du peuple malien, selon le journal en ligne Maliactu:
L’ONU tout comme la France font face à un véritable tournant géopolitique dans la région. En effet, la position de la diplomatie malienne n’est pas un fait isolé: la Centrafrique et le Burkina Faso suivent une politique similaire pro-Russe. De plus, les autorités du Burkina Faso viennent d’annoncer leur souhait de créer une fédération avec le Mali.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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