ANALYSES

Mayotte : autopsie d’une île dévastée, un mois après le cyclone Chido

janvier 20, 2025 6:43, Last Updated: janvier 20, 2025 6:43
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Le cyclone tropical Chido s’est abattu le 14 décembre sur Mayotte, tuant au moins une quarantaine de personnes, en blessant des milliers d’autres. Avec des rafales de vent à plus de 220 km/h, le cyclone a été le plus dévastateur à frapper le territoire ultra-marin depuis plus de 90 ans.

Déjà frappé par l’insécurité, les restrictions d’eau et une anarchie migratoire, le département le plus pauvre de France a vu la plupart de ses routes impraticables, ses communications coupées, ses hôpitaux inopérants, ses établissements scolaires endommagés. L’habitat précaire, qui concerne environ un tiers de la population de l’archipel estimée à 320.000 habitants, a été « entièrement détruit ».

L’archipel de l’océan Indien s’est prononcé à plusieurs reprises pour son maintien au sein de la communauté française et est devenu en 2011, le 101e département français. Un mois après la catastrophe, l’île tente de se reconstruire en commençant par les infrastructures et les services prioritaires, l’accès à l’eau et la maîtrise de son immigration.

Une aide « insuffisante au regard des besoins »

Un peu plus d’un mois après le cyclone qui a mis à genoux Mayotte, État, collectivités et associations restent mobilisés pour ravitailler les habitants en denrées alimentaires, eau et matériels divers.

Certains habitants vivent toujours dans des maisons en ruine, parfois sans électricité, tous avec de l’eau par intermittence, quelques heures par jour seulement, alors que la saison chaude bat son plein.

L’État convoie denrées alimentaires, matériels et eau, une aide complétée par des dons mais qui demeure « insuffisante au regard des besoins », selon une habitante à l’AFP.

À Chirongui, un hélicoptère Puma en vol stationnaire dépose régulièrement sur le terrain de foot d’énormes caisses blanches contenant plusieurs tonnes de nourriture et d’eau quasiment tous les jours, provenant de dons et de l’État. L’archipel est quotidiennement ravitaillé, selon un découpage Nord-Ouest, Nord-Est, Centre et Sud, détaille le capitaine de gendarmerie Jérôme Langlois.

Depuis le 15 décembre, « denrées vitales et divers matériels » arrivent grâce aux ponts aérien et maritime, rappelle la préfecture de Mayotte. Ce sont notamment 100.000 litres d’eau et environ 20 tonnes d’aliments qui atteignent la population chaque jour via ce dispositif.

Les fruits et légumes désertent les assiettes

Le modèle agricole dominant de Mayotte est le « jardin mahorais », une forme de polyculture qui assure à l’archipel une certaine autonomie alimentaire. Essentiellement vivrière, cette agriculture disséminée sur des milliers de petites parcelles familiales a été dévastée par le cyclone.

Partout dans le petit archipel de l’océan Indien, en plus de la reconstruction des habitations mises au sol par le cyclone, les habitants s’appliquent à sauver ce qui peut l’être. Là où il y avait auparavant du manioc et des bananes, il n’y a plus que de la terre rouge semée de débris.

Les plantes qui avaient survécu à Chido ont été éprouvées ensuite par la tempête tropicale Dikeledi. « Il y a un besoin important d’approvisionner Mayotte en produits frais », justifie Patrick Garcia, chef du service alimentation à la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF).

La flore dévastée

« Il n’en reste plus grand-chose »: le paysage de dévastation que contemple Michel Charpentier, responsable des Naturalistes de Mayotte depuis 20 ans, sur un des îlots au large de Mamoudzou, s’est malheureusement généralisé sur l’archipel depuis le passage de Childo, le 14 décembre.

Le nord et l’est ont souffert mais c’est dans le centre de Mayotte que l’impact a été le plus fort. Sur plusieurs kilomètres, d’immenses arbres dont il ne reste plus que les troncs peuplent les collines au sol parfois noirci.

Autre point de vigilance pour le directeur : les agriculteurs « légaux ou illégaux » qui s’accaparent déjà ces terres à nu pour « planter du manioc et des bananes » alors que la culture sur brûlis, notamment, fait des ravages à Mayotte, en appauvrissant les espaces naturels.

Le risque du choléra

Un cas importé de choléra a été identifié à Mayotte, a indiqué dimanche l’Agence régionale de santé (ARS) de l’archipel qui a aussitôt mis en œuvre un plan d’action afin de limiter les risques de diffusion de la maladie.

« Il s’agit d’un cas importé à Mayotte », a précisé Julien Demaria, chef du bureau de la communication de crise sanitaire du ministère de la Santé. Le patient était arrivé par avion sur l’archipel quelques heures avant la détection de la maladie en provenance d’Afrique continentale.

Depuis le passage du cyclone Chido les autorités mahoraises sont sur le qui-vive concernant le risque choléra, une maladie transmise par l’eau et les aliments contaminés. Des pastilles de chlore pour l’eau ont été distribuées à la population et des réserves de vaccins ont été effectuées pour parer à une éventuelle épidémie. L’île avait déjà subi une crise liée au choléra au premier semestre 2024. L’épidémie avait fait au moins cinq morts sur l’archipel.

Un premier projet de loi pour Mayotte 

Le projet de loi d’urgence pour Mayotte, premier acte législatif du gouvernement de François Bayrou, a été adopté le 15 janvier en commission à l’Assemblée nationale. Le texte vise à accélérer les règles et les procédures en matière d’urbanisme pour permettre la reconstruction rapide de l’archipel.

Nommée rapporteure du projet de loi, la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Liot) a jugé sévèrement un texte « sans réelle ambition », élaboré « sans consultation avec les élus locaux ni les parlementaires », et qui « reste largement muet sur des sujets essentiels tels que l’immigration ».

« Nous avons tous, nous les élus locaux et parlementaires mahorais, demandé en vain la destruction des bidonvilles, mais aussi la suspension des délivrances des titres de séjour et demandes d’asile dans notre département », a-t-elle regretté.

Les députés ont adopté un article permettant à l’État de déroger à certaines règles de construction pour « accélérer la reconstruction ». Ils l’ont toutefois modifié pour veiller au plus grand respect des normes sanitaires et d’accessibilité.

Pour l’ancien secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer et ancien député Yves Jégo interviewé par Epoch Times, il faut construire “une ville nouvelle […] qui pourrait devenir une vitrine internationale des savoir-faire français, notamment en matière d’urbanisme”.

La question de l’immigration

Jugé insuffisant par beaucoup, aucun des 22 articles du premier texte n’aborde directement la question de l’immigration, remise à plus tard, dans une loi « programme » annoncée par le gouvernement dans les deux mois. Et pourtant, elle a occupé une place centrale lors de l’examen du texte devant la commission des Affaires économiques.

« Ce projet de loi est une réponse incontournable. Mais il n’est qu’une première réponse », selon le ministre des Outre-Mer Manuel Valls, qui a martelé que « la lutte contre l’immigration clandestine » constituera un « volet primordial » du prochain texte.

Il a ainsi listé plusieurs « mesures fermes »: comme allonger la durée de résidence des parents pour l’accès de leurs enfants à la nationalité française ou encore accélérer le retour des ressortissants africains dans leur pays d’origine.

Restreindre le droit du sol

Une proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte doit être débattue à l’Assemblée nationale, le 6 février.

Depuis 2018, une dérogation existe déjà à Mayotte, qui restreint la possibilité de devenir Français pour les enfants nés sur l’archipel. Il faut que l’un des parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en France depuis trois mois. Le texte porté par les élus du groupe LR propose d’élargir cette condition aux « deux parents », et d’étendre la durée nécessaire de leur présence régulière sur le territoire à un an.

Il est « impératif de stopper l’attractivité de Mayotte pour les flux migratoires », explique l’exposé des motifs du texte. « Le droit du sol, dans sa forme actuelle, joue un rôle d’aimant en attirant des populations en situation irrégulière » en provenance de l’archipel voisin des Comores.

Pour l’ancien député de Mayotte et vice-président LR en charge des Outre-mer, Mansour Kamardine, interviewé par Epoch Times, “ce qui a abîmé la France, c’est ce non-dit permanent. L’interdiction de nommer les choses. Il faut le savoir, le dire, et le faire savoir : 99 % des victimes de Chido sont des résidents des bidonvilles, lesquelles sont issues de l’immigration et dont l’immense majorité était en situation irrégulière.”

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