Voir François Hollande à Fort-de-France plutôt que sous l’Arc de Triomphe le jour de l’armistice avait de quoi surprendre: soixante-dix ans après la fin de la guerre qui a placé la barre des atrocités de l’espèce humaine à un niveau rarement atteint, dans ce jour de mémoire essentiel, le président a préféré scénariser un «Appel de Fort-de-France» pour le climat (terminologie officielle du site Internet de la présidence de la République), en prenant des accents à la Martin Luther King pour appeler les pays développés à plus d’efforts – sans oublier de citer les Antillais comme victimes de l’acidification des océans.
Commençant son discours par «la planète terre est notre berceau commun, une patrie partagée…» et le finissant par «nous sommes dans le monde et le monde est en nous. Dès lors, nous sommes le monde», le président s’est essayé maladroitement à une écologie spiritualiste. À défaut d’être entièrement crédible dans cet exercice, il a profité de la capacité d’écriture chromatique de ses «plumes» pour rejoindre le Grand Tout et aborder, au moins en paroles, les rives d’une autre réalité, loin du quotidien vulgaire des échéances électorales. Le lendemain, à Pointe-à-Pitre, la solennité toujours en bandoulière, le président inaugurait le Mémorial ACTe, dédié à la traite négrière et à l’esclavage. Immense bâtiment dont les lignes et la modernité tranchent avec les alentours de ce quartier défavorisé de la ville – une «mémoire» qui aura coûté 85 millions d’euros au contribuable, justifiés par la grandeur du crime d’avoir pendant des siècles ôté à des êtres humains toute liberté, de les avoir arrachés à leur terre – mais en mentionnant aussi peu que possible que les négriers étaient aussi bien des Français que des chefs de tribu africains.
Il serait sans doute trop sévère de penser que ce déplacement était avant tout une opération de reconquête de l’électorat DOM en prévision de 2017: la visite de François Hollande aux Antilles, si on la résume, qu’on lui ôte sa part d’hypocrisie et la faute d’avoir «oublié» l’importance d’une présence sous l’Arc de Triomphe, aura pu marquer le besoin d’une mémoire complète… et faire regretter que des générations entières soient indifférentes avant qu’une, pas meilleure que les précédentes, ne se débarrasse du fardeau de ses fautes passées en l’enfermant dans un grand et coûteux bâtiment.
Toujours du côté de la mémoire et de l’oubli, de l’autre côté du monde Vladimir Poutine commémorait, lui, les victimes russes de la Seconde Guerre mondiale dans une impressionnante démonstration de force militaire sur la Place Rouge. Des gros tanks, des missiles, des soldats en marche serrée. Le président russe n’a pas oublié que, sur les ruines de l’Europe, une période de quarante-cinq ans de puissance sans partage s’est ouverte pour le régime communiste russe. «Il faut rappeler que c’est l’Armée rouge qui, au terme d’un assaut dévastateur sur Berlin, a mis un point final à la guerre contre l’Allemagne hitlérienne» a appuyé Poutine – en ne mentionnant pas que les soldats de l’Armée rouge étaient aussi impitoyables et cruels que les plus fanatiques des SS. En n’enlevant pas non plus ce mouchoir de grande taille posé sur ces soixante-dix ans d’esclavage et d’oppression de tout le peuple russe.
Dans les devoirs de mémoire, on voit décidément beaucoup d’oublis. Sur la Place Rouge, entouré de roses, le portrait de Staline trônait parmi les manifestants en uniforme, souriant de sa réhabilitation et renvoyant à distance le souvenir des dizaines de millions de morts qu’il a causées.
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