La technologie peut se révéler un serviteur magnifique mais un maître terrible. Comme nous le savons, ses applications sont loin d’être toujours bénéfiques pour les individus aussi bien que pour l’environnement.
Récemment, nous avons vu émerger diverses préoccupations : la question de la fracturation hydraulique dans la province du Queensland rural, celle des déchets nucléaires ou encore la perception de problèmes de santé liés aux grandes fermes éoliennes dans le sud de l’Australie.
Dans les pays en développement, la situation concerne beaucoup de gens dans les endroits où les technologies ont été transférées aux instances locales, afin, soi-disant d’améliorer la qualité de vie. Mais souvent, elles sont mises en œuvre sans consultation de la communauté.
Selon Amulya Reddy, électro chimiste et pionnier du mouvement pour une « technologie appropriée », la technologie peut être comparée à du [matériel génétique]((http://www.jstor.org/discover/10.2307/284837?sid=21105383089191&uid=2&uid=70&uid=2129&uid=4) : si elle s’installe dans un nouvel environnement, elle va reproduire la société dont elle est issue.
Commentant l’une des technologies provenant de la Fondation Bill et Melinda Gates, l’ingénieur Humphrey Blackburn a également lancé un cri d’alerte : « Cette technologie va cesser d’être opérationnelle quand ses composants ne fonctionneront plus, les produits chimiques qu’elle nécessite ne sont pas facilement disponibles, l’expertise technique fait défaut, ou bien l’accès aux actifs financiers se révélera difficile. »
Clairement, la technologie nécessite une adaptation à son propre environnement, à la culture et à la communauté qu’elle est censée servir. Tout cela est connu depuis quelque temps déjà, mais n’est toujours pas suffisamment mis en pratique encore aujourd’hui.
Découverte des « technologies appropriées »
Ma propre expérience entre en résonance avec cette notion d’une technologie qui peut échouer quand elle est balancée dans un environnement, comme un sac depuis un avion. Lorsque j’enseignais en Papaousie-Nouvelle-Guinée (PNG) dans les années 1970, on tenta une expérience pour « aider » la population locale à pomper l’eau avec un piston hydraulique.
Avant, les femmes avaient transporté l’eau depuis la rivière. Alors, quand le piston tomba en panne à cause d’un manque de maintenance, les femmes durent reprendre le chemin de la rivière. Voilà un exemple où une équipe universitaire a déterminé ce qui était bon pour les villageois sans prendre la peine de les consulter.
Peu après cette expérimentation, E.F. Schumacher publia Small is beautiful : une société à la mesure de l’homme, et l’accent fut mis sur ce qu’on a appelé la « technologie appropriée ».
Pour être adéquate, une technologie doit être en symbiose avec l’environnement, la culture et les ressources économiques et culturelles de la population. Elle doit répondre aux besoins techniques, sociaux et économiques de la communauté : d’abord en étant une technologie qui économe en capital et qui crée des emplois. Ensuite, en demeurant une technologie à échelle réduite. De même, elle ne doit se servir que des matériaux locaux et des ressources d’énergie sur place. Et aussi utiliser les compétences existantes ou facilement transmissibles. Également, il lui faut causer un minimum de perturbations sociales et culturelles. À elle aussi de fabriquer des produits adaptés à une consommation de masse en quantité adéquate et en qualité acceptable. Enfin, en utilisant l’environnement de façon rationnelle et durable.
Alors quand un autre village de PNG a demandé à avoir l’électricité, on a mis en place un microprojet hydraulique qui mettait les villageois à contribution par une mise de fonds et par leur participation aux travaux.
À la suite de quoi, un groupe se forma afin de rédiger un livre sur les technologies appropriées pour la PNG, le « Liklik Buk ». Le but de cet ouvrage était de sensibiliser la population à travers la PNG à ce qu’on pouvait réaliser et à qui demander de l’aide.
La technologie adaptée, perdue et retrouvée
Cependant, le concept de « technologie appropriée » a décliné depuis les années 1970. Selon Paul Polak, qui dirige une société qui travaille avec des personnes gagnant moins de 2 dollars américains par jour : « Le mouvement des technologies appropriées est mort paisiblement pendant son sommeil il y a dix ans. Lancé en 1973 par Fritz Schumacher, […] il a inspiré des hommes politiques aussi différents que Pat Brown en Californie et Jawarhal Nehru en Inde, des millions de rêveurs d’âge mûr comme moi et des millions de gens de tous les milieux, dans le monde. […] Le mouvement des technologies appropriées a disparu parce qu’il a été dirigé par des bricoleurs bien intentionnés plutôt que par des entrepreneurs endurcis qui s’intéressent avant tout au marché. »
Au lieu de cela, le modèle d’aide traditionnelle a continué à régner. Parfois, cela marche bien. Dans La Fin de la pauvreté, Jeffrey Sachs suggère que la pauvreté pourrait disparaître en 2025. Sa solution pour en venir à bout consiste en ce qu’il est convenu d’appeler les technologies et les techniques appropriées : engrais, collecte de l’eau, système sanitaire, irrigation à petite échelle, semences améliorées, lits anti-malaria, etc.
Cependant, d’autres études ont dressé un tableau différent où l’aide et l’intervention occidentale ont complètement échoué à s’attaquer à la pauvreté dans le monde. Une des critiques concernant cette aide consiste à dire qu’il y a peu d’encouragement à la voir aboutir parce qu’il n’existe pour ces projets que peu de retour d’information, d’évaluation ou de responsabilité.
De plus, comme les agences qui fournissent l’aide aiment des résultats chiffrés tangibles et des photos sur papier glacé, les projets consacrés à la prévention sont rarement financés en l’absence de résultats chiffrés et d’images projetant la réussite.
Quelques études ont montré que l’aide peut en fait empirer la situation. Dans son livre Dead aid, l’économiste Dambisa Moyo souligne que l’aide est contre-productive. Elle cite une étude de la Banque mondiale qui affirme que 85 % de l’aide est mal utilisée. Elle soutient qu’un afflux conséquent de l’aide tend à diminuer la responsabilité du gouvernement face à ses citoyens.
Une voie médiane
Il y aurait deux théories opposées : l’approche dite bottom-up, dans laquelle on ne répond qu’aux besoins exprimés « du bas » ; et l’approche dite top-down, où « le haut » donne à la population ce dont elle pense qu’a besoin « le bas ».
Mais il existe une démarche intermédiaire : de l’aide doit être apportée qui réponde aux besoins vitaux ; mais pour d’autres nécessités, c’est aux bénéficiaires d’en décider eux-mêmes.
Nous avons utilisé ce genre d’approche pour un projet, dans les îles Salomon, où j’étais impliqué. Notre contact là-bas rend visite régulièrement aux communautés de villageois. À Sydney, nous avons un comité avec un enseignant connaissant bien les îles, un ingénieur des travaux publics, un économiste et moi-même.
Les communautés concernées par le projet nous ont dit ce dont elles avaient besoin : de l’eau potable, des toilettes, un bâtiment communautaire et des classes d’alphabétisation. Puis nous avons enquêté sur les groupes qui avaient répondu à ces besoins dans d’autres pays en voie de développement.
Le programme d’alphabétisation que nous avons conçu a semble-t-il très bien marché. Il a fait travailler conjointement des gens situés des deux côtés lors de la guerre civile intervenue dans les Salomon entre 1999 et 2003.
Avoir un grandiose plan d’aide et déverser des flots d’argent ne marche pas aussi bien que d’aucuns le pensaient. Plutôt que de relever d’une assistance extérieure, les projets devraient faire partie d’un mode de développement ancré localement et fondé sur le marché. C’est seulement dans les cas d’extrême pauvreté qu’on pourra verser une aide en attendant que prennent le relais ces projets conçus en fonction du marché local.
Le concept de technologie appropriée, ancien style, a semble-t-il disparu. Mais de ses cendres a émergé une forme de projet orienté marché, bien approprié au contexte.
Peter Logan, Visiting Fellow, School of Mathematical and Physical Science, University of Technology Sydney
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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