« Des noms circulent », comme après chaque nouvelle élection. Monsieur ou madame Bidule sont pressentis pour former un gouvernement, lui du fait de sa jeunesse – symbole de renouveau de la vie politique, elle pour sa fibre écologique ou sociale. Des noms sont discutés, des contacts sont pris, autant d’hypothèses évaluées au moment où le Président Macron attribue, nous informe la presse, des « notes » à son équipe. Certains, mauvais élèves, ont pris trop de place dans les médias et ont agacé, d’autres se sont activement impliqués sur le terrain et ont été remarqués. Toute la réflexion sur l’équipe qui constituera le nouveau gouvernement et portera le programme du Président est alimentée par le souvenir des jets de tomates, insultes, appels à la révolte qu’on voit se multiplier partout où se déplace le Président. Emmanuel Macron, malgré 58% des suffrages exprimés lors du second tour de l’élection présidentielle, commence son nouveau mandat dans un climat de détestation populaire inédit.
Le journal Le Monde a le premier synthétisé un enseignement essentiel de l’élection présidentielle : le résultat net, une fois tout pris en compte, est de 38% des suffrages pour Emmanuel Macron. Marine Le Pen a convaincu 27% d’électeurs, et enfin 34% se sont abstenus ou ont voté blanc. L’adhésion réelle de la population au programme d’Emmanuel Macron est donc faible et il ne bénéficie plus de la dynamique de 2017.
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le « dégagisme », cette vague du ras-le-bol des Français vis-à-vis des hommes politiques, avait commencé à gonfler : ce Président a été « dégagé » en 2012, puis François Hollande s’est dégagé lui-même en ne se représentant pas en 2017. À chaque fois, la chute de la tête du monarque a apaisé la foule, autorisé quelques mois de calme et de renouveau. La réélection d’Emmanuel Macron n’a pas permis de trouver une de ces manifestations expiatrices. Si la loi des grands mouvements se maintient, il faudra qu’à un moment quand même, symboliquement, une nouvelle tête roule dans un baquet rempli de copeaux, place de la grève.
L’équipe présidentielle le sait évidemment, et c’est pourquoi la constitution du nouveau gouvernement, la teinte que prendra celui-ci et les messages subliminaux qu’il enverra à la population sont si importants pour convaincre que le changement arrive et que les messages électoraux ont été reçus. Ce ne sera donc pas une excellente année pour les technocrates, l’exécutif devant s’afficher comme proche des préoccupations quotidiennes des Français avec des personnalités populaires, peut-être issues de cette vie réelle qu’on appelle « société civile » dans le milieu politique.
De la qualité de la composition de la nouvelle équipe au pouvoir dépendra en partie le résultat, incertain, des élections législatives du mois de juin. Au moment du renouvellement des députés, il est possible que les votes fassent ressortir du sol trois grands blocs de poids quasi-équivalent : d’abord l’extrême-gauche et les écologistes, puis le camp présidentiel et enfin le camp « identitaire » autour du Rassemblement National. Il reste à savoir si, après l’échec de Valérie Pécresse, Les Républicains sauront se relever. Le chef du Parti Christian Jacob jette déjà l’éponge et, d’après les rumeurs, l’ambiance du parti est plutôt au sauve-qui-peut qu’au combat jusqu’à la mort.
La situation étonnante dans laquelle la France se trouverait alors, malgré l’absence de proportionnelle, est donc celle d’une multiplication de seconds tours en « triangulaire », après un premier tour qui verrait peu d’écart entre les trois grands « camps » de la recomposition politique. Chacun ayant atteint le minimum de 12,5% des suffrages et détestant les deux autres, aucun ne se désisterait pour le second tour ; ce serait donc à la majorité relative que beaucoup de nouveaux députés seraient élus. En cas de mobilisation populaire – celle-ci est sérieusement envisageable quand on entend la colère sourde des opposants au Président, celui-ci pourrait se trouver privé de majorité. Le ou la Premier ministre ne conserverait alors probablement son poste que quelques semaines. Sauf le respect qui lui est dû, il finirait alors bien vite sa période d’intérim, d’où ce « Monsieur Bidule » d’un responsable politique peut-être brillant, mais qui n’aura pas eu le temps d’exister.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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