Entraide, développement personnel, amélioration de soi, apprentissage et développement, éducation – nous avons un million de noms pour ce processus, mais ils se résument tous à cette idée spirituelle séculaire de l’auto-transformation. Bien que le concept de religion soit bien trop vaste pour être abordé dans un article tel que celui-ci, un large truisme que nous pourrions tirer du vaste corpus est que pratiquement toutes les religions du monde, orientales et occidentales, introspectives et exotériques, grandes et petites, tournent autour de cette idée que l’être humain a besoin de mécanismes pour l’aider à s’améliorer, qu’il s’agisse de commandements, de rituels, de pratiques, d’abstinences, de cultes ou d’interventions divines – sans oublier la foi elle-même.
Il y a aussi quelque chose d’implicite et de sous-textuel là-dedans : au fond, tous les êtres humains en bonne santé veulent continuer à s’améliorer et à se transformer.
Motivation et obstacles
Pour moi-même et d’autres spécialistes de la motivation, notre rôle est d’aider les gens à adopter cette auto-transformation, un peu comme les guides spirituels d’autrefois. Le premier obstacle consiste à concrétiser ce désir de changement. Nous avons un mot pour désigner ce désir de changement : la motivation, qui est une forme d’énergie (et non de pensée). En effet, vouloir intellectuellement quelque chose et avoir la motivation de faire quelque chose sont deux choses très différentes.
Bien que nos motivations soient en partie alignées sur nos désirs – car nos motivations décrivent la (les) direction(s) de notre énergie – nous pouvons bien sûr désirer des choses sans avoir la volonté de les atteindre. Par exemple, nous pourrions vouloir être célèbres, mais ne pas être particulièrement motivés par certaines des activités qui peuvent nous mener à la célébrité, comme la création de contenu ou le réseautage
Si nous étudions la motivation, nous devons conclure que si nous voulons obtenir ce que nous voulons, nous devons commencer à aligner ce que nous voulons avec nos motivations (et, curieusement, cela fonctionne aussi en sens inverse : aligner nos motivations avec ce que nous voulons). Ce processus bidirectionnel, nos motivations influençant nos désirs ou notre objectif final, et vice versa, peut nous amener à faire des progrès étonnants.
Cependant, même si nous parvenons à progresser, il arrive souvent un moment où nous nous heurtons à un obstacle. En tant que coach, j’ai observé que parfois, plus les problèmes auxquels les gens sont confrontés sont graves, plus il est facile de les soutenir et de les aider. Pour prendre l’exemple du fitness, il est plus facile d’amener quelqu’un qui n’a jamais fait un seul jour d’exercice de sa vie à courir un kilomètre que d’amener quelqu’un qui court régulièrement des semi-marathons à remporter l’or olympique. Comme le souligne Patrick McKeown dans son livre The Oxygen Advantage : Simple, Scientifically Proven Breathing Techniques to Help You Become Healthier, Slimmer, Faster, and Fitter (L’avantage de l’oxygène : des techniques de respiration simples et scientifiquement prouvées pour vous aider à devenir plus sain, plus mince, plus rapide et plus en forme), la différence de performance entre les athlètes d’élite est souvent de l’ordre de 1 % voire moins !
Ainsi, ce sont paradoxalement les personnes qui font tout ce qu’il faut qui ont parfois du mal à changer et qui, par conséquent, ne parviennent pas à se transformer.
Le saut de la foi
Il y a une histoire merveilleuse dans les Aphorismes des Pères du Désert (de Thomas Merton La Sagesse du Désert : Aphorismes des Pères du Désert du Quatrième Siècle) qui pourrait nous aider à résoudre cette question. Dans cette écriture, l’abbé Lot lutte sur son chemin spirituel :
« L’abbé Lot vint trouver l’abbé Joseph et lui dit : ‘Père, dans la limite de mes capacités, j’observe ma petite règle, mon petit jeûne, ma prière, la méditation et le silence contemplatif ; et à la limite de mes capacités, je travaille à purifier mon cœur des pensées ; que dois-je faire de plus ? »
Tout d’abord, félicitons le Père Lot. Il s’agit manifestement d’une personne extrêmement disciplinée. Pourtant, il sent que même s’il suit les règles externes – les rituels du jeûne, de la prière, de la méditation et du silence – il n’atteint pas les niveaux les plus profonds. Sa question – « que dois-je faire de plus ? » – – est pertinente pour nous tous dans notre odyssée à travers la vie. Et je suis sûr que vous pouvez voir à quel point il est difficile d’y répondre, étant donné que l’abbé Lot fait tant de choses bien. En effet, l’abbé Lot se réfère spécifiquement à deux reprises à la « limite de [ses] capacités ». Il fait déjà de son mieux.
Avant de partager la conclusion de l’histoire, il vaut la peine de prendre le temps de réfléchir à ce que serait votre réponse ou votre approche à l’abbé Lot (ou à une personne ayant une requête similaire). Que diriez-vous ?
La réponse de l’abbé Joseph est révélatrice : « En réponse, l’aîné [l’homme] se leva, et tendit ses mains vers le ciel, et ses doigts devinrent comme dix lampes de feu. Il dit : ‘Pourquoi ne pas être transformé en feu ?’ »
Bien que cette représentation soit incroyablement surprenante, cela peut sembler une symbolique impénétrable ou obscure aux lecteurs modernes. Qu’est-ce que cela signifie ? Sous le symbolisme spirituel, nous trouvons également des conseils étrangement pratiques.
Mais d’abord, par souci d’exhaustivité, examinons en détail le symbolisme sur le plan spirituel.
Les dix doigts de l’abbé Joseph brillent comme des « lampes de feu ». Le nombre 10 est très significatif, car il ne représente pas seulement les 10 doigts, mais aussi les 10 commandements – la loi – les règles et règlements que l’abbé Lot s’efforce de suivre et dont il pense qu’ils le conduiront au paradis.
Dans un sens plus ésotérique, les doigts pourraient également faire référence aux 10 sphères ou émanations de l’Arbre de vie de la Kabbale juive. Ces 10 sphères (appelées Sephiroth en hébreu) reflètent la nature décuplée de l’esprit de Dieu ou de sa véritable essence, formant une carte ou un plan de l’univers lui-même. Encore une fois, cela correspond aux idées d’ordre et de structure, le cadre rigide autour duquel l’abbé Lot a orienté sa vie.
Mais vu à travers la transformation surprenante de l’abbé Joseph, ces lois ne sont pas statiques. Elles sont en feu ! C’est d’ailleurs le conseil que l’abbé Joseph donne à Loth : « Pourquoi ne pas se transformer en feu ? ». En d’autres termes, il arrive un moment où la tradition et les règles anciennes ne peuvent nous mener que très loin. A terme, il faut les brûler et les dépasser (mais aussi, paradoxalement, les incarner). La différence entre Lot et Joseph est que Lot suit des règles, alors que Joseph a les règles à portée de main, brûlant dans son être même.
La meilleure analogie que je puisse donner est tirée de la musique. Un étudiant assidu pourrait bien mémoriser les 24 signatures clés, pratiquer leurs gammes et connaître chaque altérations « accidentelles » (dièse ou bémol) qui compose ces signatures. Mais un maître peut simplement jouer et trouver l’harmonie et la beauté sans suivre de manière rigide un schéma particulier. Ils ont intériorisé les « lois » qui composent cet univers sonore, et peuvent ainsi les interpréter librement.
L’auto-transformation
La dernière étape de la transformation de soi au plus haut niveau consiste donc à oublier tout ce que nous savions auparavant ; pour permettre à la transformation de se produire ; lâcher prise, plutôt que d’essayer de se forcer à changer avec des règles ou des pratiques. Cela coïncide avec les formes les plus profondes du bouddhisme, dans lesquelles le paradoxe de l’illumination est que nous sommes tous déjà illuminés – nous ne le réalisons tout simplement pas au début de notre cheminement.
Dans la philosophie indienne, le « jiva » ou « ego » déforme notre sens de la réalité et nous convainc que nous sommes des vies et des identités humaines individuelles plutôt qu’une partie d’un plus grand tout. Nous le voyons chez l’abbé Lot, qui se réfère continuellement à la « limite de mes capacités ».
Premièrement, sa capacité n’a pas de limite, ce que l’abbé Joseph perçoit clairement. Deuxièmement, il n’y a pas de « mon » ni de « je » avec lesquels expérimenter cette limitation ! Le philosophe et auteur Jason Gregory décrit cela comme « la plaisanterie cosmique » que l’on atteint après l’illumination, un terme qui pourrait nous rappeler la « Divine Comédie » de Dante, qui est, bien sûr, une autre histoire de transformation de soi.
En fin de compte, l’auto-transformation n’est jamais une route facile et n’a pas non plus de point final définitif. Car, même lorsque nous avançons loin sur le chemin comme l’Abbé Lot, nous découvrons souvent qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais en gardant à l’esprit cette histoire, nous pouvons être attentifs à ces moments clés où nous, ou une personne que nous aidons, nous nous sentons bloqués et nous demander : « Qu’est-ce que je pourrais faire de plus ? » Si la réponse est : « Pourquoi ne pas être transformé en feu ? », alors nous savons ce qu’il nous reste à faire !
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