Dans le but de faire une démonstration de force, les bandits terroristes à moto ont décidé de déployer ses camps dans cinq collectivités aux abords de la capitale, Abuja. Selon les déclarations d’un expert issu du secteur de la Défense pour Epoch Times, ces bandes criminelles cherchent peut‑être à saboter les prochaines élections présidentielles.
Depuis le 20 mars, dans trois États du nord du Nigeria, neuf attaques sanglantes de bandes criminelles ont fait plus de 160 victimes. Selon les témoins et les médias, c’est par dizaine de milliers que les habitants paniqués portent leurs biens à mains nues et se dirigent vers des camps de réfugiés.
Selon David Otto, consultant militaire basé à Londres, les bandits aux abords de la capitale – dont le nombre peut atteindre le millier – ont probablement l’intention de faire pression sur les candidats à la présidence lors des élections prévues pour février 2023.
Le gouvernement nigérian a officiellement qualifié ces bandes criminelles, qui sont composées de djihadistes musulmans radicaux, de groupes terroristes.
« Nous assistons à un nouveau schéma dangereux où les bandits armés tiennent les hommes politiques pratiquement en otage pendant les périodes de campagne », explique M. Otto à Epoch Times.
« Dans ce scénario, les hommes politiques sont obligés de payer une rançon d’accès [à certaines zones] et de protection aux bandits, sans quoi l’accès certaines populations pendant la campagne est littéralement bloqué. C’est une nouvelle mafia dans le nord‑ouest. »
Le Nigeria n’est pas étranger au terrorisme djihadiste, éprouvé notamment par le groupe Boko Haram tristement célèbre et d’autres milices liées à ISIS. Mais depuis deux ans, ces groupes ont été éclipsés par une multitude de bandes criminelles radicalisées dans cinq des États du nord‑ouest du Nigeria. Contrairement à ISIS et Boko Haram, ces « bandits terroristes » n’ont pas d’objectifs politiques clairs.
Ces gangs attaquent aussi bien les musulmans que les communautés chrétiennes, bien qu’ils ciblent les groupes ethniques et religieux perçus comme des opposants, et donc plus particulièrement les chrétiens, selon Kyle Abts, directeur exécutif du Comité international pour le Nigeria, un groupe de défense basé aux États‑Unis.
Les bandits ont attaqué pour la première fois le 20 mars, tuant 37 chrétiens de quatre villages situés à la périphérie de la ville de Kagoro. Certaines victimes ont été brûlées vives. Une compagnie de soldats d’une base opérationnelle avancée située à un kilomètre de là a été avertie mais n’est pas arrivée à temps pour arrêter le massacre. Le 24 mars, pas moins de 50 personnes ont été assassinées à Giwa.
Une centaine de bandits ont envahi l’aéroport international de Kaduna le 26 mars et ont tenté d’arrêter un avion au départ. Un civil a été tué, selon Mme Hope‑Ivbaze, directrice générale des affaires corporative pour la Federal Airports Authority of Nigeria (FAAN).
Le 28 mars, les bandits ont fait exploser un train transportant près de 1 000 passagers sur la ligne Abuja‑Kaduna. Huit personnes sont mortes, beaucoup d’autres ont été enlevées.
Le 29 mars, les bandits ont exterminé 23 agriculteurs et éleveurs chrétiens dans le comté de Giwa, qui borde le Zamfara dans le nord de Kaduna. Le 30 mars, une femme a été tuée dans une attaque à Zaria, une ville du nord de Kaduna.
Selon Steven Kefas, journaliste pour TMS, le 3 avril, les bandits ont attaqué le village de Kagarco, près d’Abuja, à minuit, tuant au moins 17 personnes et prenant 22 habitants en otage. Les bandes criminelles occupent des terres dans cinq communes situées à la frontière entre les États de Kaduna et du Niger, tous deux limitrophes d’Abuja.
Le 4 avril, les bandits ont tué 11 soldats et 3 gardes civils lors en prenant d’assaut une base d’opérations avancée dans le comté de Birnin Gwari, à la frontière des États de Kaduna et de Zamfara.
Le chef de guerre poussant ses hommes à camper à l’extérieur d’Abuja se nomme Ali Kawaje, c’est probablement le seigneur de guerre le plus puissant du Nord‑Ouest, selon le Dr Murtala Rufa’i, chercheur à l’Université Usmanu Danfodiyo de Sokoto. « Ali Kawaje envoie le message suivant : s’il peut mettre Kaduna à genoux, il peut attaquer Abuja », déclare le Dr Rufa’i pour Epoch Times.
« Ces attaques sont liées », affirme M. Otto. Selon lui, les bandes criminelles veulent mettre au pied du mur les candidats politiques qui les défient, qui osent vouloir résoudre le problème de l’« insécurité » (c’est par cet euphémisme qu’est désigné le terrorisme endémique).
« Les élections présidentielles et régionales sont devenues une source de désastres pour les Nigérians ordinaires, et il en sera de même en 2023 », a signalé M. Otto dans un courriel.
« Tandis qu’on approche du moment fatidique où les campagnes électorales vont démarrer, les hommes politiques recherchent par tous les moyens des fonds intraçables en devise forte pour les financer. »
« Les hommes politiques ont besoin des votes d’une population vulnérable en quête d’améliorations, promettre à une population désespérée le retour de la sécurité et de la stabilité est une assurance de vote dans un environnement où l’insécurité est tout simplement insupportable. »
Le dénominateur commun de ces attaques est l’appartenance ethnique des chefs de bande. Tous appartiennent à l’ethnie Fulani (les Peuls), qui compte jusqu’à 10 millions de membres au Nigeria et qui est une des plus grandes tribus d’Afrique.
Certains Fulanis sont des bergers semi‑nomades qui selon la tradition migrent avec leur bétail en fonction des pluies saisonnières, du nord vers la ceinture centrale du Nigéria.
Selon le Dr Rufa’i, auteur de « I Am a Bandit », les gangs sont apparus en 2011 et n’ont depuis jamais cessé d’augmenter en nombre et en portée.
Les différends entre les agriculteurs de l’ethnie Haoussa et les éleveurs fulanis en migration ont donné naissance au groupe d’autodéfense Yan Sakai organisé en milice, en 2011.
L’anarchie dans le nord du pays a évolué ces dernières années vers un terrorisme complexe et coordonné, selon Tanwa Ashiru, directrice des opérations de Bulwark Security à Lagos et ancien capitaine de l’armée américaine.
Tanwa Ashiru réfute l’affirmation des responsables du gouvernement nigérian selon laquelle le changement climatique et la concurrence féroce pour les ressources en terre et en eau sont les moteurs des affrontements entre les éleveurs musulmans et les agriculteurs chrétiens sédentaires.
« La désertification et le changement climatique pourraient en effet jouer un rôle dans l’augmentation de l’attrait de la ceinture centrale pour les éleveurs par rapport au climat plus aride du nord », a‑t‑elle déclaré par courriel à Epoch Times.
« Mais il y a de multiples acteurs en jeu ici, avec de multiples motifs d’attaque, et c’est ce qui rend cette affaire un peu plus complexe qu’une question de changement climatique. »
Les peuples d’éleveurs liés aux affrontements armés se répartissent en trois catégories, a‑t‑elle précisé.
« Il y a les groupes d’éleveurs qui souhaitent avoir accès à des pâturages plus verts pour leurs troupeaux. Leur motivation pour attaquer les communautés, c’est de s’installer.
« Il y a d’anciens éleveurs qui se sont transformés en groupes de bandits armés parce qu’ils ont compris que l’enlèvement est plus lucratif, moins éprouvant et plus rapide.
« Ensuite, il y a ceux qui sont simplement des bandits armés qui se déplacent pour semer la pagaille et mener des attaques où ils veulent, car ils s’en tirent en subissant très peu de conséquences, voire aucune.
« Ils ont le contrôle des communautés locales, assurent la gouvernance locale [collecter des impôts, assurer la sécurité contre une rémunération] et défient les structures gouvernementales légitimes. »
La violence de grande ampleur dans l’État de Kaduna inclut les représailles des communautés agricoles contre les éleveurs, ce qui incite à d’interminables contre‑attaques tribales.
Ainsi, une attaque contre des agriculteurs chrétiens à Azabagut, situé dans le nord‑ouest du comté de Zangon Kataf, a fait six morts le 28 mars. Il s’agissait de représailles, selon Haruna Usman Tugga, le chef de la tribu fulani de Kaduna.
« Nous avons perdu beaucoup de personnes et de bétail dans cette zone, mais les médias n’en parlent pas », a déclaré M. Tugga par téléphone.
Les massacres sont un exemple de « souffrances horribles » infligées à des « civils innocents », a déclaré par courriel à Epoch Times la baronne Caroline Cox, membre de la Chambre des lords au Royaume‑Uni.
« Tant que les auteurs de ces crimes pourront continuer en toute impunité, rien n’indique qu’il y aura une fin aux tueries », a‑t‑elle ajouté.
« Il est urgent que le gouvernement nigérian et la communauté internationale demandent des comptes aux auteurs de ces crimes. Tant qu’ils ne le feront pas, ils pourront être considérés comme des complices. »
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