Alexandre Havard est d’origine française, russe et géorgienne. Juriste de formation, il a exercé le métier d’avocat pendant plusieurs années avant de se consacrer au développement du système de Leadership Vertueux : une approche du leadership fondée sur la science de la vertu élaborée par les anciens Grecs.
Établi à Moscou depuis une quinzaine d’années, Alexandre Havard a également écrit plusieurs livres sur le leadership et l’anthropologie et donne régulièrement des conférences dans le monde entier.
Au cours de notre entretien, il a notamment évoqué la crise de l’éducation et la crise de la formation qui sont, selon lui, deux maux qui frappent le monde moderne.
« Aujourd’hui, le système éducatif donne de l’information aux élèves mais il ne s’occupe pas de leur formation. L’éducation touche le cœur, l’intelligence et la volonté. Or, l’enseignement dispensé aux élèves touche uniquement leur intelligence, on se désintéresse complètement du cœur et de la volonté. L’objectif est de faire des êtres intelligents qui n’ont pas de cœur, pas de volonté, mais qui savent », souligne Alexandre Havard.
« On ne forme pas des gens sages, mais des gens informés. En fait on ne forme pas, on déforme, ajoute-t-il. La véritable éducation touche aussi le cœur et la volonté. Elle enseigne le sens du bien, du beau, de la grandeur, de la liberté, le sens de la souffrance et de la dignité. »
Alexandre Havard a également évoqué le poids de l’éthique des règles dans nos sociétés, un système fondé sur l’obéissance qui produit « des gens étroits d’esprit, superficiels, sans imagination », contrairement à l’éthique des vertus fondée « sur les principes immuable de la nature humaine » et la fidélité à soi-même, qui engendre des individus libres, sages et créatifs.
« Nous vivons dans un monde où règnent le politiquement correct, le culturellement correct, le religieusement correct, etc. Il faut vivre selon ce qui est correct, il faut obéir. Dans le monde moderne, surtout lorsque les idéologies prennent de plus en plus d’ampleur, l’éthique des règles devient quelque chose de monstrueux. »
Pour Alexandre Havard, bien que notre civilisation soit obsédée par l’idée de « Progrès », la conception que nous en avons désormais, si elle se pare de toutes les vertus, est devenue étrangère à toute notion d’élévation spirituelle.
« Certains pensent qu’un système politique peut résoudre tous les problèmes de l’humanité, ils mettent toute leur foi dans la politique. Ils nient la nature humaine, ils nient le fait que le mal extérieur n’est qu’une conséquence du mal intérieur, du mal qui se trouve dans le cœur de l’homme. Cela mène à l’idéologie », observe Alexandre Havard.
« D’autres pensent que le progrès technique va provoquer le progrès moral, que la technologie va sauver l’humanité, poursuit-il. Le développement technologique permet de réaliser des choses incroyables, mais si l’on refuse de comprendre qu’il existe des tendances basses dans le cœur des hommes contre lesquelles il faut lutter, ce progrès technologique peut conduire à la fin du monde. »
« L’humanité n’a pas besoin d’être sauvée par un système. Elle a besoin d’être sauvée par le caractère, par la vertu, pour que chaque individu, dans sa situation, à l’époque où il vit, puisse dépasser ses tendances misérables et devenir une personne excellente, au service de toute l’humanité, ajoute le fondateur du système de Leadership Vertueux. Le vrai progrès c’est le développement spirituel. Il faut encourager chacun à prendre de bonnes décisions, à vouloir faire le bien, à vouloir être bon », ajoute-t-il.
Selon l’auteur, nous traversons une crise du leadership, la plupart des responsables politiques au pouvoir n’étant pas des véritables leaders à même d’exalter les aspirations les plus nobles de leur peuple.
« Le leadership est fondamentalement une question de caractère. Ce n’est pas une position sociale, ce n’est pas une fonction. Le leadership est un mode d’être. Il y a des gens qui n’ont aucun pouvoir mais qui sont de véritables leaders parce qu’ils sont magnanimes et humbles, parce qu’ils ont un sens de la grandeur et un sens du service. »
« Nos dirigeants ne sont pas des leaders, ils n’ont vraiment rien pour avoir le pouvoir, ils ne le méritent pas, et pourtant ils l’ont, souligne-t-il. Mais on se rend bien compte que ces hommes politiques ne dirigent rien du tout. C’est justement parce qu’ils ne dirigent rien qu’ils sont au pouvoir. Ce sont des marionnettes élues par la finance et les médias. Ceux qui dirigent sont derrière eux, ce sont des gens très influents, qui ont beaucoup d’argent, et qui ont une vision désastreuse de la personne humaine. Ils sont en train de créer un chaos mondial incroyable car ils veulent réorienter la civilisation. »
« Je pense que la société va vers un chaos total provoqué par ces manipulateurs, mais qu’il y a d’autres personnes au-dessus d’eux qui veulent ce processus pour se présenter comme des libérateurs, comme des “sauveurs”, poursuit Alexandre Havard. Et ces “sauveurs” sont très différents, ils ont l’air bons, ils ont l’air capables, ils sont très attrayants. Ce sont les plus dangereux. Beaucoup de gens aujourd’hui regardent les manipulateurs, mais pas ceux qui viendront après. C’est là que sera le grand combat. »
Et Alexandre Havard de conclure : « Le drame de l’homme moderne vient du fait qu’il perd le sens de sa propre liberté. Il ne faut pas renoncer à la liberté au nom de la sécurité, du pain et des jeux. Là où il n’y a pas de liberté, il n’y a pas d’amour, il y a des esclaves et des zombies. Ce n’est pas l’objectif de notre existence. »