ENTRETIEN – Caroline Yadan est députée Renaissance de Paris, vice-présidente du groupe d’étude sur l’antisémitisme et secrétaire du groupe d’amitié France-Israël à l’Assemblée nationale. Elle répond aux questions d’Epoch Times sur les manifestations et blocages pro-palestiniens qui secouent Sciences Po, les IEP de province et les universités. Pour l’élue de la majorité présidentielle, la France insoumise a une responsabilité dans ces événements et la recrudescence de l’antisémitisme dans les établissements d’enseignement supérieur. Caroline Yadan estime également qu’il « ne faut pas avoir la main qui tremble et dire aux étudiants meneurs que s’ils continuent d’envoyer des messages de haine et d’empêcher les autres étudiants de travailler sereinement, alors ils n’auront plus leur place dans l’établissement et seront exclus ».
Epoch Times – Après les manifestations d’étudiants pro-palestiniens devant Sciences Po Paris qui se sont soldées par un accord conclu entre les bloqueurs et la direction de l’école, le mouvement s’est étendu dans toutes les régions, dans les IEP de province ; à Rennes, à Strasbourg, à Lyon etc. Des pancartes ont été brandies, notamment celles où était écrit le slogan « From the river to the sea » ou encore « Israël génocide Sciences Po Complice ». Comment voyez-vous la situation ?
Caroline Yadan – La situation m’inquiète à plusieurs titres. D’abord, elle m’inquiète pour les étudiants de manière générale. Aujourd’hui, à Sciences Po, mais aussi dans d’autres écoles et universités, ils ne peuvent plus étudier sereinement parce que d’autres étudiants les empêchent de le faire. Avec une délégation de députés, nous nous sommes rendus à Sciences Po pour apporter notre soutien aux étudiants victimes de ce qui est en train de se passer.
Nous avons rencontré des étudiants en grande souffrance individuelle et collective qui ne trouvent pas de réponse au niveau de l’administration et qui se plaignent, à juste titre, de l’absence totale de possibilités de pluralisme d’opinions. Ils sont systématiquement ostracisés lorsqu’ils ne partagent pas des opinions qui sont en réalité des opinions de haine et d’assignation identitaire. Ils s’autocensurent. Seule l’opinion du plus fort est tolérée désormais.
Ils vivent dans la peur, dans la terreur, dans la menace et ils sont dans une détresse psychologique extrêmement importante.
Nous avons également rencontré des étudiants juifs. Pour eux, la situation est extrêmement grave. Soit, ils ne vont plus en cours, soit, ils s’y rendent, mais sont dans l’obligation de cacher leur appartenance religieuse. Et la plupart sont déjà identifiés comme Juifs. Donc, pour entrer par exemple dans un endroit qui est déclaré parfois sur des groupes WhatsApp : « Safe place sans sioniste », leur identité juive est acceptée à condition qu’ils apportent leur soutien à des slogans comme « Israël Assassin » etc.
On trouve aujourd’hui, à Sciences Po et dans les universités, sous prétexte de la critique d’Israël, un antisémitisme totalement désinhibé qui se manifeste dans des slogans de haine, criminalisant l’État d’Israël et qui appellent à sa destruction. Un antisémitisme qu’on retrouve également dans certains mots employés par ces étudiants pro-palestiniens comme « génocide » ou « apartheid » qui ne correspondent ni aux faits, ni au droit.
Ces manifestants participent également d’une apologie du terrorisme exacerbée en étant en lien direct avec les universités aux États-Unis, comme l’Université de Columbia, au sein de laquelle des slogans appelant notamment au meurtre sont scandés, à l’instar de : « Hamas, rend nous fiers », « Hamas, on t’aime » ou encore « Le 7 octobre sera tous les jours ».
Tous ces tristes événements montrent que ces étudiants minoritaires dérivent totalement. L’ayatollah Ali Khamenei, Guide suprême iranien, leur a d’ailleurs récemment apporté son soutien dans un tweet.
Selon vous, la France insoumise a une responsabilité dans ces événements et cette recrudescence de l’antisémitisme dans les universités et les IEP ?
LFI est le premier parti antisémite de France et il n’est même plus complaisant mais complice de l’islamisme. Ce parti a donc évidemment une responsabilité. Mais cela fait plus de dix ans que les Insoumis soufflent sur les braises de l’antisémitisme en France, autant par leurs propos que par leurs prises de position ou encore leur entourage.
Déjà en 2013, Jean-Luc Mélenchon qualifiait Pierre Moscovici de « ministre qui ne pense pas français mais finance international » reprenant ainsi le poncif des Juifs et de la finance des années 1930. En 2014 et 2015, Mélenchon se rend à des manifestations au sein desquelles on crie déjà : « Mort aux Juifs », au nom du « Peuple Palestinien ».
En octobre 2019, il manifeste son soutien sans faille à Jeremy Corbyn, exclu du parti travailliste britannique pour antisémitisme. Un mois plus tard il participe à la « Marche contre l’Islamophobie » aux côtés du CCIF et des Frères Musulmans. En juillet 2020, il reprend la thèse du « Peuple déicide », selon laquelle Jésus aurait été mis sur la croix par ses propres compatriotes. Une thèse abandonnée depuis longtemps par le christianisme.
Enfin, le leader insoumis a laissé entendre que les actions de la gauche seraient coordonnées depuis Jérusalem, reprenant ainsi la rhétorique conspirationniste du complot juif.
Ces derniers mois, on a vu LFI légitimer les actions du Hamas en le qualifiant de « groupe de résistance » et en rejetant le qualificatif de terroriste. Et encore une fois, il s’agit de criminaliser Israël. Vous savez, la Shoah n’est pas arrivé du jour au lendemain. Elle a été la conséquence d’un long processus de pensée. Il n’y a pas de violence sans pensée. Et Jean-Luc Mélenchon et LFI contribuent actuellement à cette pensée qui tend, à légitimer la destruction d’un État et d’un peuple « paria ».
Tout ceci doit nous alerter. Je ne peux pas comprendre qu’aujourd’hui, un électeur puisse envisager de mettre un bulletin Jean-Luc Mélenchon dans l’urne.
La présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse a annoncé lundi la suspension de la subvention de la région à Sciences Po. De son côté, la ministre de l’Enseignement supérieur a déclaré : « À court terme, l’État ne coupera pas ses subventions à l’établissement ». Qu’en pensez-vous ?
Nous sommes dans un moment provisoire, c’est-à-dire qu’il y a un administrateur jusqu’en octobre et je pense que la nouvelle direction devra faire preuve d’une fermeté exemplaire et prendre les sanctions qui s’imposent. Les étudiants que nous avons rencontrés nous ont dit qu’il y a des meneurs et que les autres suivent. Nous avons donc affaire à des étudiants qui ne réfléchissent plus et qui n’ont plus aucun recul, qui ne s’informent pas et qui sont totalement endoctrinés.
Il ne faut pas avoir la main qui tremble et dire aux étudiants meneurs que s’ils continuent d’envoyer des messages de haine et d’empêcher les autres étudiants de travailler sereinement, alors ils n’auront plus leur place dans l’établissement et seront exclus. On peut aussi par exemple identifier les personnes qui se sont peints les mains rouges et les faire passer en commission disciplinaire.
Vous dîtes que la nouvelle direction devra prendre des sanctions exemplaires contre ces étudiants. Pour vous, l’accord conclu entre Sciences Po Paris et les manifestants n’est donc pas satisfaisant ?
Oui et non parce qu’on a rencontré l’administrateur provisoire de Sciences Po, Jean Bassères, qui nous a quand même éclairés sur un certain nombre de dispositions qui ne transparaissaient pas vraiment dans le mail interne de l’école. Il nous a dit que les sanctions disciplinaires n’avaient pas été supprimées, notamment concernant les événements du 12 mars. Seule une sanction est suspendue. Celle qui était relative à la saisine de la commission disciplinaire pour l’occupation d’un escalier.
Il nous a également confirmé qu’il y aurait un débat qui respecterait le principe de la contradiction et qui réunirait l’ensemble des communautés de Sciences Po, que ce soient les étudiants, les professeurs et les salariés. Si les conditions ne sont pas réunies, il sera annulé.
Enfin, Jean Bassères nous a garanti que les partenariats et les relations universitaires avec Israël ne seraient pas remis en cause et que les revendications des étudiants pro-palestiniens sur ce point étaient totalement inacceptables.
Mathilde Panot et Rima Hassan ont été convoquées pour « apologie du terrorisme ». Le parti de Jean-Luc Mélenchon a dénoncé une « censure ». Pour vous, la convocation est justifiée ?
La convocation est évidemment justifiée. Récemment, le tribunal correctionnel de Lille a rendu un jugement et a condamné à un an de prison avec sursis le leader de la CGT dans le Nord.
Il a été décidé qu’il était coupable d’apologie du terrorisme parce qu’il avait présenté le Hamas sous un jour favorable. Et LFI a fait la même chose dans ses différents communiqués. Ils n’ont jamais voulu qualifier le Hamas de groupe terroriste sanguinaire et ont préféré parler de crimes de guerre. Les Insoumis ont donc mis sur un pied d’égalité l’État d’Israël et le Hamas.
Les morts de Gaza constituent bien sûr une tragédie. Une mère qui perd son enfant, quelle que soit son origine ou sa nationalité, c’est intolérable. Maintenant, il faut essayer de prendre un peu de recul et d’envisager les intentionnalités.
Affirmer que toute mort est la même en fonction du contexte, revient à reprendre la défense des nazis au procès de Nuremberg qui visait à mettre sur le même plan les morts de la Shoah et ceux des bombardements alliés. Jean-Marie le Pen lui-même, quand il parlait de l’holocauste comme d’un « détail de la Seconde Guerre mondiale » mettait sur le même plan les bombardements d’une armée régulière et la destruction du peuple juif pendant la Shoah.
Aujourd’hui, c’est exactement la même chose. On est en train de nous expliquer que les actes commis le 7 octobre par le Hamas, c’est-à-dire des actes à visée génocidaire et le fait de brûler vif des familles entières, sont à mettre sur un pied d’égalité avec ce que fait Tsahal en bombardant un endroit où le Hamas se cache derrière les civils palestiniens et les empêche de s’abriter dans les 700 kilomètres de tunnels qu’il a construits et dans lesquels il détient des otages.
Pensez-vous comme certains intellectuels que l’antisémitisme se trouve aujourd’hui davantage à la gauche qu’à la droite de l’échiquier politique ?
L’antisémitisme, dans sa version moderne, a revêtu les habits neufs du complotisme, de l’islamisme et de la haine d’Israël.
Comme je l’ai indiqué, l’antisémitisme porté par l’extrême-gauche est réel, LFI étant devenu le premier parti antisémite de France, par le complotisme qu’il véhicule, par sa haine maladive et obsessionnelle d’Israël et par ses liens avec l’islamisme.
Mais l’antisémitisme n’a pas disparu, pour autant, à l’extrême-droite de l’échiquier politique. On le voit notamment au RN quand Jordan Bardella refuse de qualifier Jean-Marie le Pen d’antisémite et que les coulisses du parti sont encore gorgées d’anciens gudards comme Axel Lousteau ou Frédéric Chatillon. Idem dans l’Italie de Giorgia Meloni. Il y a récemment eu des manifestations au cours desquelles on a constaté des slogans et des gestes fascistes comme à l’époque de Mussolini.
Marine le Pen n’a pas fait ou refuse de faire le ménage au sein de ses troupes. Et n’oublions pas que le RN, au niveau européen, demeure la courroie de transmission de Vladimir Poutine. Le Kremlin n’est pas loin du Hamas qui est lui-même proche de l’Iran. Donc, tout se regroupe en réalité.
Force est de constater que nous retrouvons encore aujourd’hui et peut-être plus que jamais l’alliance « vert-brun-rouge » qui s’est illustrée après le 7 octobre, dans les journaux néo-nazis comme Rivarol ou le média d’Alain Soral, Égalité et Réconciliation. Ces journaux ont apporté leur soutien à Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Danièle Obono en affirmant notamment qu’ils « sauvent l’honneur de la France ».
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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