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Opération séduction réussie à Las Vegas

janvier 12, 2016 9:40, Last Updated: janvier 11, 2016 9:59
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« Sacrebleu ! On dirait bien que tous les stands sont français, ici », s’exclame Jochen Siegle, un journaliste allemand pour le blog high tech TechFieber, durant sa visite au Consumers Electronic Show à Las Vegas. Un journaliste du magazine économique américain Forbes note la remarque et constate à son tour que drones, brosses à dents, caméras autour de lui s’expriment dans la langue de Molière. Rien d’étonnant : sur les 165 stands que compte le forum international, 45 sont français. Une omniprésence de la « French Tech » surprenante, mais soigneusement programmée. L’objectif : être visible, se faire des relations et soutenir un écosystème numérique à la française.

Première étape, se faire remarquer

Pour les entrepreneurs du numérique, pouvoir se démarquer sur un marché en pleine expansion comptant un nombre croissant d’acteurs est essentiel. « C’est un concours adapté aux Français. Les startups y vont pour plusieurs raisons : se faire des contacts pour s’internationaliser, lever des fonds. Mais les entrepreneurs de l’Hexagone qui lèvent des fonds aux États-Unis se comptent sur les doigts de la main. L’aspect le plus intéressant du CES reste donc la visibilité médiatique », explique Quentin Molinié, directeur associé de eCap Partner, banquier d’affaires spécialiste du numérique.

À cette fin, les startupers sont rompus à l’exercice du « pitching » et en quelques phrases savent intéresser leurs interlocuteurs. « En deux minutes, le matin, il vous réveille avec la diffusion d’une odeur de toast, de bord de mer, ou même d’un dollar ! », explique Guillaume Rolland, cofondateur d’Arkalys. Son projet, un réveil olfactif, a intéressé Google au point d’être nommé lauréat du programme « Moteur de réussites françaises ».

Nous sommes le premier pays créateur de startups.Emmanuel Macron

Il y a également Lima, qui a développé un boîtier permettant d’avoir son propre Cloud pour ses terminaux numériques, PC, tablettes, smartphone. L’une des entreprises les plus remarquées, si l’on se fie aux gros titres de la presse étrangère, est 10-vins, qui propose aux consommateurs une machine à servir le vin par dosette à la température parfaite.

« La France est une terre d’opportunités »

La sélection a été rude pour passer les lourdes portes de bois du hall de l’hôtel Mandalay Bay. À peine une startup sur dix a été retenue, souligne Quentin Molinié. En dehors du simple « m’as-tu-vu », la recrudescence des stands français était bel et bien stratégique. En témoigne la présence d’Emmanuel Macron, qui était lui aussi du voyage en tant que VRP de luxe pour le numérique français. Le ministre de l’Économie a fait passer plusieurs messages : les startups françaises sont dynamiques, la France est une terre d’accueil pour les entreprises numériques étrangères et y investir rapporte.

« Oui, le numérique crée des emplois en France. Nous sommes le premier pays créateur de startups », indiquait-il au micro de TV5 Monde lors d’une interview. Le ministre a également voulu rassurer sur la législation française ; à l’étranger, l’Hexagone n’est pas très bien vu pour investir en raison de la rigidité du code du travail. Une réputation que le ministre s’emploie à détricoter, à coup de subventions ou de mesures comme le « Paris French Tech Ticket », programme visant à attirer les startupers étrangers sur le sol français.

Il a également affirmé que la loi Macron 2 serait remise au président dès cette semaine, consignant un financement supplémentaire du numérique via une modification de la législation. Le ministre français a finalement rencontré les grands groupes de la Silicon Valley (Google X, Apple…) auxquels il a répété que « la France est une terre d’opportunités ».

« De l’Internet des objets à l’Internet des services »

Bien que l’on puisse toujours être surpris par les nouveaux gadgets et « inventions connectées » issues des pépinières numériques, le vent de nouveauté n’était pas forcément là où on pouvait l’attendre. Étonnant de voir La Poste occuper un stand de 230 m² au CES ? Le groupe français est venu avec une démarche peu commune : accompagné d’une quinzaine d’entreprises intégrées sur leur stand, le but était de soutenir la créativité et l’innovation technologique.

« Ce que l’on a voulu montrer cette année, c’est comment on passe de l’Internet des objets à l’Internet des services », explique David de Amorim, directeur innovation du groupe La Poste. L’entrepreneur fait ainsi la présentation d’un bouton intégré à la boîte aux lettres et connecté. Quand on veut expédier un colis, un signal est envoyé et le facteur se charge de le récupérer.

« On veut faire émerger un écosystème qui fait fonctionner les startups entre elles », confirme Muriel Barnéoud, présidente de Docapost, la filiale numérique de La Poste. Un refrain repris par d’autres groupes présents, comme Engie, qui se présente sur le salon pour la première fois, après avoir effectué un repérage les années précédentes.

« Notre volonté était d’être au milieu des startups, pour mieux mettre en avant celles que nous accompagnons, explique Stéphane Quéré, directeur innovation du groupe Engie. Pour une première, on ne voulait pas d’un vaisseau spatial imposant mais d’une présence modeste ».

Créer l’écosystème nécessaire à l’innovation

L’exemple d’Engie a de quoi inspirer : le groupe, discret, met surtout en avant les jeunes pousses numériques avec lesquelles il travaille, telle que la française Sig Fox ou Ecova, une entreprise américaine dont la solution en management énergétique permet aux entreprises de visualiser la consommation de multiples sites. Le but : donner une visibilité aux startups, renforcer la collaboration et externaliser l’innovation du groupe.

Un partenariat au goût du directeur principal des produits d’Ecova. « Engie nous a dit : continuez à faire ce que vous faites. Mais ils nous permettent de nous projeter dans le monde entier, de façon globale. On pense ainsi s’étendre en Europe et en Amérique du sud », indique-t-il.

Faire de l’innovation une externalité est une option séduisante pour les grands groupes. Il n’y a qu’à regarder le marché américain : les startups, grandes comme des séquoias, garantissent bien souvent aux Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) une courte avance sur le reste du web, tel Instagram racheté par Facebook ou encore le Google X Lab. Pour asseoir leur position, l’innovation passe par l’achat de jeunes pousses, ce qui permet d’économiser du temps et des ressources en interne.

À ce jour, malgré l’optimisme français dans le numérique, peu de startups tricolores arrivent à décrocher le Graal d’une levée de fonds garantissant une présence durable sur leur marché. Si elles ne jouent pas dans la même cour que leurs homologues américains, la French Tech a tout de même réussi son pari à Las Vegas.

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