ENVIRONNEMENT

Or vert contre biodiversité: à l’heure des feux, la forêt suédoise fait débat

juillet 26, 2018 14:06, Last Updated: juillet 26, 2018 14:09
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Les incendies qui embrasent l’immense pinède suédoise ont ravivé les critiques contre la puissante industrie forestière, accusée de construire des autoroutes du feu et de sacrifier la biodiversité sur l’autel du productivisme. Personnage sacré de la mythologie nordique, la forêt couvre 70% du territoire suédois, son exploitation emploie 100.000 personnes et fait de la Suède le troisième exportateur mondial de produits forestiers (papier, cellulose, bois).

A Ljusdal par exemple, petite localité du mitan du royaume scandinave menacée par un des principaux feux, la forêt couvre 95% de la commune: comme dans beaucoup de provinces boréales, l’industrie sylvicole est vitale pour l’économie locale. Les barons de « l’or vert » ont leurs entrées dans les salons du pouvoir: le roi Carl XVI Gustaf lui-même est un prospère propriétaire forestier.

Alors quand des voix ont commencé à s’élever devant l’ampleur des incendies pour dénoncer le rôle des exploitants, la polémique s’est répandue comme une traînée de poudre. Dans une tribune, l’écrivain Sven Olov Karlsson a fustigé « l’enfilade de forêts d’épineux qui déroule le tapis rouge aux tempêtes de feu » et lance dans le ciel des « flammes hautes comme des cathédrales ».

Pourquoi miser sur le pin et le sapin?

« Il n’était peut-être pas si malin de tout miser sur le sapin et le pin, d’éradiquer les feuillus et de créer des monocultures de conifères qui peuvent faire avancer le feu de 80 mètres par minute », a-t-il écrit.La quasi totalité des forêts suédoises ont moins d’un siècle. Forêts dites « de production », souvent denses, elles sont composées à 83% de conifères dont la taille haute prive de lumière les autres espèces.

Pour Rolf Edström, porte-parole de l’association d’exploitants Norrskog qui revendique 12.000 affiliés, « peu importe qu’il s’agisse de forêts anciennes ou récentes dans les conditions actuelles ». Après des semaines de sécheresse et des températures caniculaires culminant à 35°C, « le feu se propage quoi qu’il arrive ».

Johan Sjöström, un expert au Research Institute of Sweden, rappelle qu’il n’y a jamais eu aussi peu de feux depuis l’exploitation industrielle de la forêt. « Les feux sont aujourd’hui très rares, pour la simple et bonne raison que nous les éteignons. On ne le faisait pas avant, on n’avait pas les ressources pour », a-t-il expliqué dans les colonnes du quotidien Dagens Nyheter.

Magnus Kindbom, directeur des forêts à l’influente Fédération des agriculteurs suédois LRF, défend « les efforts des exploitations pour augmenter la surface de feuillus ». « Dès qu’on fait de l’abattage dans une zone où se trouvent des feuillus, on les laisse sur pied », assure-t-il. Sceptiques, les associations de défense de l’environnement réclament la sanctuarisation massive de parcelles forestières.

Sur cet aspect, la bataille des chiffres fait rage: selon que l’on interroge les associations de défense de l’environnement et le secteur productif, la part des forêts protégées passe de 4 à 25%. Un enjeu considérable pour assurer la biodiversité, tant végétale qu’animale, et lutter contre le réchauffement climatique, préviennent les ONG.

Forêts protégées, forêts anciennes, les oiseaux. Un équilibre!

Selon le Centre d’information suédois sur les espèces, une espèce sur dix habitant, les forêts du pays, sont menacées. La prise de conscience des exploitants est pourtant bien réelle, fruit d’une véritable « révolution culturelle », plaide Rolf Edström. « Forêts protégées, forêts anciennes, populations d’oiseaux: tous les indicateurs vont dans le bon sens », assure-t-il.

Faux, réplique Lina Burnelius, responsable des forêts chez Greenpeace Suède qui fustige « un paysage forestier segmenté »« Pour que des espèces survivent, il leur faut cohabiter avec d’autres espèces. Si on n’a que des arbres d’une même sorte et du même âge, rien ne peut exister autour ». Pas même les rennes de Laponie dont les éleveurs samis luttent contre le contorta.

Espèce invasive de pin à croissance rapide, il forme un mur naturel sur les routes de transhumance du renne et étouffe toute végétation alentour, dont le lichen, principal source de nourriture du cervidé. « Les forêts anciennes qui tiennent encore debout, c’est en partie grâce à nous, mais c’est de plus en plus difficile », explique à l’AFP Magret Fjellström, propriétaire de centaines de têtes à Dikanäs, un village des contreforts des Alpes scandinaves. « Nous nous battons contre l’argent », soupire-t-elle.

Les exploitants, de leur côté, invoquent leur liberté. « Un propriétaire forestier doit être libre d’exploiter son domaine comme il l’entend », tranche Magnus Kindbom.

DC avec AFP

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