Conseillère en ressources humaines le matin, cidricultrice l’après-midi : Marie Paitier, 42 ans, navigue entre Paris et le Perche et a choisi depuis deux ans de faire le « grand écart » pour avoir « le meilleur des deux mondes », agricole et tertiaire.
Comme une centaine de personnes, elle a été accompagnée par la plateforme Slasheurs-cueilleurs (un slasheur est une personne exerçant plusieurs activités professionnelles en même temps). Créé en 2024 par Julien Maudet et Lola Dubois, le site a l’objectif de promouvoir une double activité: non plus entre chasse et cueillette mais entre secteur tertiaire et agriculture, pour faciliter des installations souvent peu rémunératrices et renouveler les générations agricoles.
C’est après un confinement éprouvant et un burn-out que Marie Paitier, « très urbaine », confortablement installée dans le Vème arrondissement de Paris, a décidé en 2021, avec son mari, d’acheter une maison dans l’Orne et de s’y installer. Sur un coup de tête, ils acquièrent deux ans plus tard le verger voisin mais l’ancien propriétaire, prénommé Philippe, cidriculteur, leur impose comme condition de reprendre l’activité et les forme durant un an.
« Sacrée fierté »
« On partait de rien », souffle cette petite femme énergique, rencontrée par l’AFP, en décrivant les heures courbés sous la pluie à ramasser les pommes, les sacs de plusieurs kilos… Éprouvant pour qui « a passé sa vie à bosser derrière un ordi ». Mais quand Philippe a goûté la nouvelle cuvée, c’est la consécration : « Il nous a dit, la larme à l’œil, qu’on avait fait du bon boulot… » « Une sacrée fierté », pour celle dont les yeux pétillent en regardant la robe miel de son produit.
Entourée de ses arbres chargés de fruits, et de sa chienne Vénus, elle dit avoir retrouvé un « ancrage », au fil des saisons, « quelque chose de vrai » et se réjouit de cet « équilibre » entre son appartement qu’elle a gardé à Paris, son activité RH et son cidre. « On peut le faire parce qu’on a une garantie financière à côté », admet-elle. Leur petite production (1.400 bouteilles pour 2023) ne leur permet pas de se rémunérer pour l’instant. Son mari, ancien de chez Microsoft, est désormais artisan en rénovation d’intérieur.
Cette double activité est d’ores et déjà une réalité dans l’agriculture où les rémunérations sont souvent trop faibles et les processus d’installation très longs. Aujourd’hui, « un quart des chefs d’exploitation sont double actifs » et environ « 40% de ceux qui commencent en agriculture gardent un métier à côté », souligne Julien Maudet, co-fondateur de la plateforme Slasheurs-cueilleurs. « On vient inverser ce constat. Cette double activité doit permettre à des gens qui ne sont pas issus du monde agricole, en gardant leur métier pour se sécuriser, d’y aller de façon sereine, sans changer radicalement de mode de vie. »
Depuis peu, Julien Maudet et Lola Dubois animent des formations à Paris, entre conseils pour gérer ses deux métiers et sa vie personnelle, et informations sur les différents statuts d’exploitation. Au cours d’une session de formation, six aspirants « slasheurs » ont été réunis dans des locaux écolos avec vue sur le périphérique parisien. Marie Paitier, également présente, a partagé son expérience, tout en continuant d’apprendre.
Les formations slasheurs-cueilleurs subventionnées
Maraîchère/consultante digitale, fermière/productrice de films, éleveur/analyste business… Les profils sont divers mais tous font l’expérience d’une « éco-anxiété » et d’une « envie d’agir au quotidien à son échelle » qui passe par l’agriculture, « nerf de la bataille » écologique, note Lola Dubois.
Des vocations soutenues par l’essor du télétravail. « Il y a 30 ans, c’était inconcevable de ne pas être au bureau », pointe Julien Maudet. « Aujourd’hui on peut faire des choses depuis sa ferme, à distance. »
« On n’a pas prétention à dire ‘l’agriculture de demain ce sera ça, point’ », précisent les dirigeants de la plateforme. Mais ils ont fait leurs calculs : « Entre 450.000 et 1 million d’agriculteurs de plus sont nécessaires pour pouvoir mener une transition agroécologique », selon eux.
« Il y a 30 millions de personnes dans le tertiaire en France. Si on prend une personne sur cinq et que cette personne travaille un jour à la ferme, on arrive à 1,2 million d’agriculteurs équivalent en temps plein. » Signe que l’initiative est attentivement scrutée par les pouvoirs publics, la mairie de Paris a décidé vendredi de subventionner les formations slasheurs-cueilleurs.
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