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Philippe Herlin : « Il y a pire que la hausse des prix, ce sont les pénuries ! »

juillet 21, 2022 18:17, Last Updated: juillet 21, 2022 18:17
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Docteur en économie du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et essayiste, Philippe Herlin estime que les mesures envisagées par le gouvernement pour soutenir le pouvoir d’achat risquent de faire « exploser le déficit budgétaire » et d’entretenir l’inflation

« C’est une boucle sans fin. Plus il y a d’inflation, plus on donne des aides, plus il y a de déficits, plus on fait tourner la planche à billets pour financer ces déficits publics. C’est sans fin, et ça peut se terminer par de l’hyperinflation, c’est extrêmement dangereux. »

D’après Philippe Herlin, la forte hausse de l’inflation que connaît la zone euro depuis plusieurs mois est d’ailleurs largement imputable aux décisions prises par les dirigeants européens ces dernières années. 

Selon lui, les dirigeants européens ont beau jeu d’invoquer les conséquences de la guerre en Ukraine qui rajoute de l’huile sur le feu en créant une tension supplémentaire sur les prix des matières premières   pour éluder leurs responsabilités dans la forte progression de l’inflation. 

« Il faut bien comprendre que l’inflation était là avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Mettre ça sur le dos de Poutine, c’est se moquer du monde. Mais les politiques sont habitués à se décharger de leurs responsabilités. »

Pour Philippe Herlin, la politique de quantitative easing, qui consiste notamment à racheter les dettes publiques des États membres de l’Union européenne (UE), menée pendant plusieurs années par la Banque centrale européenne (BCE) est l’un des deux moteurs de l’inflation qui sévit actuellement dans la zone euro. Une politique qui a incité les États membres à laisser filer les déficits publics et a conduit à l’augmentation de la masse monétaire en circulation sans que celle-ci ne soit corrélée à une création de richesses. 

« Pendant les confinements, en 2020, le bilan de la Banque centrale européenne a augmenté de plus de 3000 milliards d’euros. Nous avons eu 3000 milliards d’euros qui ont été créés ex-nihilo et injectés dans l’économie. Dans le même temps, il y avait une récession due aux confinements et aux couvre-feux, donc la quantité de biens et services disponibles dans l’économie a diminué. L’histoire le montre, ça génère toujours de l’inflation. »

D’après Philippe Herlin, le second moteur de l’inflation que l’on connaît aujourd’hui est lié aux politiques menées dans le cadre de la transition énergétique. 

« Le fait de basculer sur des énergies renouvelables, sur des éoliennes qui ne sont pas rentables, qui sont intermittentes, implique des subventions, les Français le voient dans leur facture d’électricité, les taxes prennent de plus en plus d’importance. Les voitures électriques sont plus chères que les voitures thermiques, il faut les subventionner aussi, etc. Tout cela pousse les prix de l’énergie à la hausse, et l’énergie est utilisée partout dans les circuits économiques, donc quand on fait augmenter les prix de l’énergie, ça se diffuse partout et ça crée de l’inflation. »

Pour Philippe Herlin, la transition énergétique, que bon nombre de dirigeants occidentaux appellent de leurs vœux, risque d’avoir des conséquences désastreuses pour l’économie. 

« Nous sommes dans l’idéologie, c’est ce que j’appelle la cancel economy. Nous connaissons la cancel culture qui consiste à détruire tous les fondements de la civilisation occidentale dans l’enseignement, l’éducation, les arts, etc. La cancel economy consiste à faire la même chose au niveau de notre économie. Il y a une volonté de destruction de la part des élites qui nous dirigent, c’est une forme de suicide qui est assez effrayante. On veut détruire les fondements de ce qui a fait la puissance de l’Europe et de l’Occident. »

Et l’économiste de souligner que les émissions de gaz à effet de serre des pays membres de l’UE ne représentent qu’environ « 10% des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. La France, c’est moins de 1% », tandis que plusieurs gros émetteurs n’entendent pas réduire leurs émissions pour l’instant.  

« Lors des accords de Paris, la Chine, l’Inde et les pays émergents ont obtenu de pouvoir continuer à augmenter leurs émissions jusqu’en 2030, et ensuite de vaguement s’engager à commencer à les diminuer. Tous les efforts que nous faisons en Europe sont complètement annihilés par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre en Asie. »

Selon Philippe Herlin, les manifestations des agriculteurs qui ont lieu aux Pays-Bas depuis la mi-juin contre le projet de réforme agricole du gouvernement de Mark Rutte constituent d’ailleurs « la première manifestation contre la transition énergétique en Europe. »

Soucieux de réduire sensiblement les émissions d’azote aux Pays-Bas d’ici 2030 dans le cadre de ses objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement batave envisage en effet la fermeture de plusieurs exploitations agricoles ainsi que la réduction de 30% du cheptel des éleveurs néerlandais, qui engendrent des rejets d’azote dans l’atmosphère.

 Un plan d’action dont pourraient s’inspirer d’autres dirigeants des pays membres de l’Union européenne, à terme ? 

« Les Pays-Bas servent de test, on voit comment réagit la population, les gens directement concernés, et puis ensuite on adaptera, on le mettra en place d’une autre façon, peut-être plus subtile. L’Union européenne n’a pas abandonné la stratégie ‘Farm to fork’, qui va conduire à une diminution des rendements », estime Philippe Herlin. 

Alors que le spectre de pénuries liées à une potentielle interruption des livraisons de gaz russe pousse certains dirigeants européens à réfléchir à des dispositifs de rationnement de l’énergie afin d’être en mesure de faire face l’hiver prochain, Philippe Herlin estime que la mise en place d’un passe écologique dans les années qui viennent paraît de moins en moins invraisemblable. 

« Rationner l’énergie revient plus ou moins à établir un passe. Peut-être pas individuel au début, mais pourquoi pas. C’est assez facile à mettre en place, il suffit d’activer la géolocalisation sur son Smartphone et on peut tout de suite voir si vous êtes dans le métro, dans les transports en commun ou en voiture. On peut reconstituer assez facilement votre consommation de CO2, on peut tracer tout le monde. »

« En cas de pénuries ou de transformation rapide vers une transition énergétique qui va conduire à une diminution de la consommation, on appelle ça sobriété pour faire joli, le passe CO2 ou le passe climatique pourrait être mis en place dans les années qui viennent. »

Retrouvez l’intégralité de notre entretien avec Philippe Herlin dans la vidéo.

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