Y a-t-il encore de l’espace pour commenter la réforme des retraites ? Sous l’angle technique, presque tout a été dit : la proportion de cotisants diminuant – car les retraités vivent plus longtemps, que le nombre de chômeurs est trop important – et le régime des retraites risquerait donc de s’écrouler sans une réforme, dite de responsabilité. L’augmentation de l’âge minimum de départ serait absolument nécessaire pour sauver ce précieux régime, compensée par des mesures de prise en compte de la pénibilité de certains métiers.
Dans la rue, et beaucoup dans l’opinion, ce « retour en arrière » sur ce qui est considéré comme un acquis social est largement refusé, remplacé par la revendication au droit à enfin « profiter de la vie » une fois la soixantaine venue. Ce ne serait donc qu’à l’âge de ne travailler plus et d’être grands-parents, au moment des appareils dentaires et des crânes dégarnis que la vie commencerait. Dans tous les discours, la libération vient du droit à ne plus travailler. Or, hasard ou signe, c’est dans cette première semaine de manifestations qu’a décidé de mourir la doyenne de l’humanité, sœur André, à 118 ans, qui laisse en partant cette phrase : « On dit que le travail tue, moi c’est le travail qui m’a fait vivre, j’ai travaillé jusqu’à 108 ans. »
Voici tous les débatteurs qui élaborent sur un socle considérant que le travail est une prison dont chacun devrait pouvoir s’échapper le plus rapidement possible, pris à contrepied. La sœur André nous force à nous rappeler que près d’un tiers des retraités sont frappés par la dépression… expliquée par la sensation de vide, de perte d’utilité, quand cela ne va pas jusqu’à franchement se sentir mis sur le bas-côté d’un monde qui avance.
Pourtant, il n’y a aujourd’hui guère que les chanceux avec des métiers de passion qui seraient prêts à se battre pour rester en poste. Pour la plupart des autres, le travail semble n’être qu’une pénible obligation, et encore : les jeunes générations acceptent de moins en moins de se sentir « emprisonnées » par un emploi, d’où l’engouement croissant pour l’environnement des start-ups, le travail indépendant… et parfois même pour l’inactivité. Les interviews menés dans les manifestations abondent de citations sur le refus de se sentir « un pion » exploité, sur l’impératif de ne travailler que du lundi au vendredi. Du côté des plus âgés, c’est souvent le corps qui lâche, comme l’explique ce conducteur de travaux cité par Reporterre : « Il n’y en a pas un qui arrive au bout. À 58 ans, on part en inaptitude. Alors, c’est le chômage, puis la retraite. » Au milieu de tout cela, des employés ou cadres du tertiaire, épuisés plus moralement que physiquement par leur vie en « open space » et des objectifs vides de sens.
C’est un mal-être diffus qui s’exprime dans les cortèges, prêt à tout essayer… La semaine de 32 heures, la retraite à 60 ans, ou même à 50, le doublement du SMIC… Un malade tentant n’importe quelle auto-médication en fouillant son armoire à pharmacie ne serait pas différent.
Ce que la citation de sœur André éclaire, est que le problème n’est pas le travail lui-même. Il s’agirait plutôt de ne pas pouvoir se sentir fier de son travail, de voir sa dignité constamment blessée par la sensation d’être utilisé au service d’une ambition médiocre. Le communisme fait son nid de ses blessures, les ronge et les agrandit, y injecte le poison de la jalousie, la recherche effrénée de prendre aux autres ce que l’on n’a pas, comme si les différences étaient forcément des injustices. La richesse des autres humilie quand elle ne semble pas méritée.
Emmanuel Macron, dans ce schéma, est celui qui défend « les autres », le monde des banquiers et des puissants… qui eux ne verraient souvent chez les «petits» que des paresseux ou des imbéciles. Que répondait sœur André à ces manifestations croisées de lutte des classes ? « Que les gens s’entraident et s’aiment au lieu de se haïr. Si on partageait tout ça, ça irait beaucoup mieux ! » Pour les plus riches, ce serait le cœur d’aider et de contribuer, que n’engendreront jamais les impôts qui ne font que confisquer et mettre sous le contrôle de l’État. Pour les moins riches, la conviction que leur dignité ne vient pas de l’épaisseur de leur portefeuille mais du cœur mis à bien faire en toute circonstance.
Avec ce genre de pensée, l’âge de retraite ne serait plus tant un problème : chacun voudrait sans doute pouvoir continuer de contribuer par son travail au développement de la société, à l’accompagnement des jeunes générations – avec évidemment un type de travail adapté à son âge, et à l’état de ses articulations.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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