Le 18 août dernier, Tigrane Yégavian, un chercheur et journaliste français spécialisé sur le Moyen-Orient, alertait sur la situation critique que vit le peuple arménien du Haut-Karabakh depuis décembre 2022, enclave dans l’Azerbaïdjan actuelle.
« Nous sommes face à l’imminence d’un plan d’extermination, mais c’est une extermination, un génocide à petit feu », a déclaré le professeur d’université sur CNews, « car depuis 2020, la population arménienne autochtone de cette région, que les Arméniens appellent l’Artsakh, qui est un des berceaux de l’Arménie historique… est complètement coupée du monde extérieur. »
Pour M. Yégavian, « tant qu’il y aura une population autochtone qui se maintient, l’Azerbaïdjan poursuivra une politique qui consiste à affamer cette population… nous avons déjà des victimes… des gens qui sont littéralement morts de faim face à l’impossibilité de ravitailler cette population, via le corridor de Latchin ».
Blocus orchestré par l’Azerbaïdjan?
Depuis le 12 décembre 2022, le corridor de Latchin, la seule route qui relie la République autoproclamée du Haut-Karabakh, enclave montagneuse située au sud-ouest de L’Azerbaïdjan, à l’Arménie est coupée par des militants se présentant comme des écologistes azerbaïdjanais.
Des militants, qui seraient en fait des agents azerbaïdjanais, comme l’avait assuré le ministre d’État du Haut-Karabakh, Ruben Vardanian sur Radio France: « Ces ‘activistes’ ont été identifiés. Il s’agit de membres des services spéciaux azerbaïdjanais, et d’étudiants qui ont été payés pour venir ici bloquer la route. »
Ce blocus met ainsi en péril les 120.000 arméniens du Haut-Karabakh, privés d’électricité et de gaz, menacés de famine.
En janvier 2023, Marianna Abrahamian, codirectrice du centre culturel Paul Eluard de Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh, témoignait ainsi sur Radio France: « L’achat de pain est un vrai problème, on ne trouve plus de farine, ni de sucre, témoigne par téléphone. Nous n’avons plus de fruits ni de légumes, je suis contrainte de rationner mon petit garçon de trois ans, de lui expliquer. Les couches pour bébé et les médicaments manquent cruellement. Les pharmacies sont vides. »
Avant le blocus, cette unique route permettait d’acheminer quelques 400 tonnes de marchandises vers l’enclave arménienne. Depuis ce blocage, les pénuries sont telles que les autorités locales ont mis en place des coupons de rationnement.
La Croix-Rouge ainsi que la « force russe de maintien de la paix » assuraient cependant un minimum d’approvisionnement vers cette enclave, mais le blocus est désormais devenu total depuis le 11 juillet dernier, date à laquelle l’Azerbaïdjan a annoncé la suspension totale de la circulation dans le Corridor de Latchin, sous le prétexte de « tentatives de contrebandes » par le biais des véhicules de la Croix-rouge.
Des persécutions à une république auto-proclamée
Le peuple arménien, principalement de confession chrétienne, a subi depuis le XIXe siècle, d’intenses persécutions dont le point d’orgue fut le génocide perpétré par l’Empire ottoman pendant la Première guerre mondiale. Entre 600.000 et 1 million d’arméniens ont péri entre le printemps 1915 et l’automne 1916.
En 1918, la première République d’Arménie a été annexée par l’URSS avant de retrouver sa souveraineté en 1991. L’enclave arménienne du Haut-Karabakh a alors fait l’objet de combats entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, entrainant la mort de dizaines de milliers de personnes et le déplacement d’environ un million de personnes, Azéris et Arméniens confondus. A l’issue de ce conflit, la république du Haut Karabakh avait alors été auto proclamée en 1994.
En septembre 2020, les combats ont repris dans le Haut-Karabakh, entrainant la mort de 6000 personnes au moins et la victoire de l’Azerbaïdjan, soutenue par la Turquie, après 44 jours de combats. L’Azerbaïdjan a récupéré des territoires perdus en 1994, notamment au sud du Haut-Karabakh. Au terme d’un cessez-le-feu signé entre la Russie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, l’Arménie n’a gardé qu’un droit de passage vers le Haut-Karabakh par le Corridor de Latchin.
Un convoi humanitaire français
Face aux pénuries alimentaires et au risque de famine, des élus français se mobilisent, dénonçant la crise humanitaire que vit le Haut-Karabakh.
Bruno Retailleau, sénateur de Vendée, co-auteur d’une proposition de loi pour « reconnaître la République du Haut-Karabakh » et d’une proposition de résolution pour appliquer des sanctions à l’Azerbaïdjan, déplore que, depuis huit mois, « les camions de nourriture ne passent plus, les écoles sont fermées et l’hôpital de la capitale Stepanakert ne peut plus dispenser de soins parce qu’il n’a plus de matériel et d’énergie », sur la chaîne Public Sénat.
Aussi, plusieurs élus, dont la Maire de Paris Anne Hidalgo, Xavier Bertrand président de la région Hauts-de-France, la maire de Strasbourg Jeanne Barseghian ou encore le vice-président de la région Ile-de-France Patrick Karam, ont décidé, mardi 29 août, d’accompagner l’acheminement d’un convoi humanitaire de dix camions du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) à destination du Haut-Karabakh.
Bruno Retailleau espère que les 10 camions du CCAF seront à même, avec la pression médiatique, de franchir le corridor de Latchine « sinon ce sera la preuve que les Azerbaïdjanais assument leur politique d’épuration ethnique. »
Ce mercredi 30 août, le convoi est arrivé à Kornidzor, une ville arménienne située à la frontière avec l’Azerbaïdjan, relate l’AFP, et devait tenter le passage frontalier du corridor de Latchine dans la journée, mais sans succès. En effet, les élus français ont constaté « le refus des autorités azéries de laisser passer le convoi », selon leur déclaration commune transmise par la mairie de Paris à l’AFP.
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