OTTAWA – L’ex-député libéral et ministre de la Justice Irwin Cotler est ravi de finalement voir l’adoption d’une loi qu’il avait présentée alors qu’il tenait encore un siège à la Chambre des communes.
M. Cotler était parmi les dignitaires qui ont accueilli la veuve et le fils de Sergueï Magnitski à Ottawa le 1er novembre pour marquer le récent passage de la loi. La loi porte le nom de M. Magnitski, un avocat russe qui a découvert la plus importante fraude fiscale dans l’histoire de son pays et qui a été subséquemment torturé à mort en détention à Moscou en 2009.
Selon la loi, les individus responsables de graves violations des droits de l’homme comme dans le cas Magnitski peuvent être sanctionnés. Ces sanctions peuvent comprendre l’interdiction des individus ciblés d’entrer au Canada, d’effectuer des transactions financières au Canada ou d’effectuer des transactions financières avec des Canadiens à l’extérieur du Canada.
D’autres juridictions, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Estonie ont également adopté leur version d’une Loi Magnitski.
LIRE AUSSI : La loi Magnitski du Canada ne cible pas seulement les responsables russes
« Nous sommes très reconnaissants que cette loi porte le nom de Sergueï Magnitski. Les gens ne l’ont pas oublié », a déclaré en russe en conférence de presse la veuve de M. Magnitski, Natalia, avec son fils de 16 ans, Nikita, qui traduisait.
« Nous voulons toutefois souligner que cette loi a une portée internationale, parce que la lutte contre la corruption et les violations des droits de l’homme est une priorité de tout gouvernement moderne. »
La sénatrice Raynell Andreychuk, qui a présenté le projet de loi du Sénat qui a ensuite été adopté comme la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, a dit en conférence de presse qu’elle s’est assurée que la loi s’appliquerait à tous les pays et pas seulement à la Russie.
« Je suis partie du projet de loi préparé par Irwin Cotler et je voulais m’assurer qu’il a une portée internationale », a-t-elle indiqué. « Nous au Canada voulons soutenir cet effort et en faire une question internationale. »
C’était également la vision de M. Cotler, dont la motion visant à sanctionner les étrangers responsables de violations des droits de l’homme avait été adoptée à l’unanimité au Parlement en 2015, un premier pas vers l’adoption d’une loi Magnitski.
« Le Canada ne sera pas un refuge pour ceux qui trempent dans la corruption et la criminalité, où il y a l’impunité dans leur pays et ils n’y sont pas tenus responsables », a indiqué M. Cotler en entrevue. « Que ce soit en Russie, en Chine ou ailleurs, nous au Canada sommes prêts à les tenir responsables. »
Mais l’adoption de la loi ne marque qu’un début. La prochaine étape, selon Mme Andreychuk, c’est de s’en prendre aux violateurs avec la nouvelle loi. « Ce n’est pas la fin du projet de loi. C’est le début de la mise en application », affirme-t-elle.
Le Canada en tête
David Matas, avocat international des droits de l’homme basé à Winnipeg, estime que le Canada « peut prendre les devants dans le monde en commençant par un autre pays que la Russie ».
« La Chine et la loi s’agencent bien, de toute évidence », dit-il.
Étant donné le nombre élevé de violations des droits de l’homme dans le monde, M. Matas croit qu’il est important de l’appliquer de manière stratégique.
« Je dirais, en termes de priorités, de s’attaquer aux pires violateurs en premier et de montrer du doigt pour faire la plus grande différence », dit-il, ajoutant qu’un bon départ serait de se pencher sur la persécution des pratiquants de la méditation Falun Gong en Chine.
« Ce qui se passe avec le Falun Gong c’est une terrible violation, à grande échelle, des chiffres élevés. La moindre chose qui va faire réfléchir les violateurs pourrait avoir un effet majeur. Je pense donc que cela pourrait être une importante priorité de la loi à court terme. »
Le Falun Gong, ou Falun Dafa, est une discipline de méditation pacifique qui est persécutée sévèrement par le régime communiste chinois depuis 1999. M. Matas nomme certains des protagonistes de la campagne de persécution en guise d’exemples d’individus qui pourraient être sanctionnés par la loi.
Il y a Jiang Zemin, l’ex-dirigeant du Parti communiste chinois qui a lancé la persécution, et ses protégés Luo Gan et Bo Xilai, des hauts responsables qui ont joué un rôle important dans la persécution et les prélèvements d’organes forcés sur les pratiquants de Falun Gong emprisonnés.
Bo Xilai, maintenant purgeant une peine de prison à perpétuité dans le cadre de la campagne anticorruption du dirigeant actuel Xi Jinping, avait des liens étroits avec des personnages importants du monde des affaires au Canada.
« C’est une manière d’empêcher tout lien canadien avec les violations des droits de l’homme », explique M. Matas.
Utilisation partout où applicable
M. Cotler affirme que le fait que la Chine soit le deuxième plus important partenaire commercial du Canada ne devrait pas affecter l’application de la loi.
« Ce n’est pas parce qu’ils sont des Chinois, ce n’est pas parce que nous ciblons le gouvernement chinois. Nous disons que nous ne voulons pas le débordement au Canada des cultures de corruption et de criminalité venant des pays qui ne traînent pas en justice les responsables », explique-t-il.
Se soucier de la situation des droits de l’homme en Chine c’est, en fait, être prochinois, remarque M. Cotler.
« Nous nous soucions de la situation des droits de l’homme en Chine parce que je considère ça comme être […] prochinois. Dans tout pays où il y a des violations des droits de l’homme et où les protagonistes ne sont pas traduits en justice, les gens souffrent de cette impunité. »
Mêmes normes
Le député conservateur Rob Nicholson se dit heureux de voir l’adoption du projet de loi Magnitski, car c’était l’un des projets de loi qu’il surveillait avant la dernière élection fédérale, alors qu’il était ministre des Affaires étrangères.
« C’est un outil important pour le Canada afin de s’attaquer aux individus impliqués dans des activités illégales », commente-t-il.
M. Nicholson affirme que tous les pays devraient respecter les mêmes normes internationales reconnues en matière de droits de l’homme et la Loi Magnitski s’applique à tous.
« Ça ne change rien si nous avons une relation commerciale. Tout le monde doit respecter les normes, que ce soit la Russie, la Chine ou n’importe quel autre pays. »
Le député conservateur James Bezan affirme que la loi ajoute un autre outil à la trousse du gouvernement pour cibler les responsables étrangers corrompus.
« Que ce soit les oligarques en Russie, les kleptocrates du Kremlin, ou bien quelqu’un en Ukraine, les gens qui prélèvent les organes du Falun Gong en Chine, le gouvernement communiste vietnamien, ou bien ce que nous voyons actuellement au Myanmar […] Ils doivent comprendre le message que le Canada ne tolérera pas ces graves violations des droits de l’homme », mentionne-t-il.
Version originale : The Next Steps for Canada’s Magnitsky Act
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.