OPINION

Quand avons-nous commencé à avoir peur des couleurs vives ?

mars 15, 2025 11:37, Last Updated: mars 15, 2025 19:34
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Il fut un temps, pas si lointain, où le monde embrassait la couleur avec la fougue d’un enfant laissé seul avec une boîte de feutres.

Les voitures n’étaient pas de simples véhicules ; c’étaient des paons sur roues, affichant fièrement des oranges éclatants, des turquoises sans complexe et des jaunes si radioactifs qu’ils auraient pu servir de panneaux de signalisation.

Les grille-pains trônaient sur les plans de travail dans des teintes orange brûlé et vert avocat, rivalisant joyeusement avec des papiers peints qui semblaient avoir survécu à un voyage sous acide. C’était un chaos merveilleux.

Et maintenant ?

Nous dérivons tous dans une mer sans âme de “greige”, cette non-couleur incapable de choisir si elle est un beige voulant être gris ou un gris hésitant à devenir beige.

Bienvenue dans l’ère du Greige

Traversez n’importe quel parking aujourd’hui et vous découvrirez un désert dystopique de monotonie chromatique. Blanc. Noir. Quelques nuances de gris.

Le plus audacieux des rebelles aura peut-être osé l’argenté, mais l’étendue de la rébellion s’arrête là.

Souvenez-vous du temps où les voitures affichaient une personnalité. Un roadster rose fuchsia clamait : « Regardez-moi, je vais conquérir le monde ! » Une citadine vert citron annonçait fièrement : « Je me soucie plus du look que de la valeur de revente ! »

Aujourd’hui, chaque véhicule semble en route pour un funèbre cortège soigneusement assorti.

La triste réalité, c’est que si les gens achètent des voitures grises, ce n’est pas tant pour des raisons de sécurité au sens technique du terme, mais parce qu’ils craignent d’avoir honte au moment de la revente.

De nouvelles voitures Hyundai exposées sur le parking d’un concessionnaire à San Leandro, Californie, le 30 mai 2023. (Justin Sullivan/Getty Images)

Que le ciel nous préserve d’acheter un cabriolet rouge vif et de bouleverser les calculs d’un comptable obsédé par la dépréciation ! Résultat : nous capitulons.

Aujourd’hui, 80 % des voitures neuves vendues dans le monde appartiennent à l’échelle du gris : 25 % sont blanches, 21 % grises, 20 % noires. Ce n’est pas un hasard.

Les constructeurs, conscients de cette obsession, ont pratiquement abandonné les couleurs audacieuses. L’orange, par exemple, atteint péniblement 0,6 % du marché, et le violet se contente d’un timide 0,1 %.

La “beige-ification” du monde

Et ce ne sont pas seulement les voitures qui ont perdu leur éclat. Cette épidémie de fadeur s’étend partout.

Les logos éclatants d’autrefois sont désormais réduits à des monochromes austères. Sous prétexte de “simplicité”, l’identité visuelle des entreprises se fond dans une masse informe et neutre.

L’emballage des produits, la décoration intérieure, la mode : tout est devenu une palette qu’un enfant sensé rejetterait d’un geste dédaigneux.

Mais ce phénomène ne date pas d’hier. Le déclin a commencé bien avant que le concept d’“open space en tons neutres” ne s’impose.

Le Science Museum de Londres a analysé 7000 objets et a conclu que notre relation avec la couleur s’est progressivement effacée depuis la Révolution industrielle.

Avant cela, les objets étaient façonnés dans des bois aux nuances vives ou peints avec une exubérance joyeuse. Puis les usines sont arrivées, imposant l’uniformité, l’efficacité… et la disparition du plaisir visuel.

Et pourtant, voici la vérité troublante : il ne s’agit ni d’esthétique, ni de sophistication. Il s’agit de peur.

Des voyageurs dans la station de métro Gadigal à Sydney, Australie, le 19 août 2024. (Lisa Maree Williams/Getty Images)

Oui, nous avons peur des couleurs.

À un moment donné, la société a collectivement décidé que toute teinte plus éclatante qu’un “gris cendré” était une menace. Mieux valait tout rendre discret, neutre, effacé.

C’est comme si nous redoutions qu’un réfrigérateur bleu canard ou une écharpe jaune moutarde puissent précipiter l’effondrement de notre civilisation.

Mais tout n’est pas perdu (et l’avenir s’annonce en rose et violet à pois)

Heureusement, la révolte gronde. Et elle est magnifique.

Apple, l’entreprise qui avait fait du blanc un symbole de supériorité minimaliste, a relancé ses iMacs en couleurs éclatantes.

Les fabricants de peinture constatent un regain d’intérêt pour des teintes franches et assumées.

Les lanternes peintes à la main par l’association artistique communautaire « Tai O Fei Mao Li » exposées à la Blue House de Wan Chai cette année. Elles ont été illuminées le 3 septembre pour apporter une touche de couleur vive à Stone Nullah Lane. (T M Chan/Epoch Times)

Sur Instagram, des comptes entiers célèbrent la rébellion d’un salon peint en tons émeraude, loin des sempiternels “beiges flous”.

Même les salles à manger rouges font leur grand retour, redonnant à chaque repas des accents de tragédie shakespearienne.

Et maintenant ?

Rien ne garantit que cette résurgence de la couleur sera durable. L’histoire oscille toujours entre exubérance et austérité.

Mais ce que nous ne devons pas faire, c’est laisser la commodité dicter l’esthétique.

Un monde sans couleur n’est pas seulement ennuyeux : il est tragique.

C’est comme décider de ne pas glacer un gâteau sous prétexte que “le minimalisme, c’est tendance”. Certes, le gâteau existe. Mais où est la joie ?

Où est l’explosion insouciante des vermicelles colorés ? L’indécence exquise d’une épaisse couche de crème au beurre ?

Une vie sans couleurs, sans ce grain de folie et cette exubérance inutile mais essentielle, ce n’est rien d’autre qu’un biscuit sec qui se prend pour un dessert.

Et honnêtement ? Je refuse de vivre ainsi.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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