Un terreau contestataire ? Depuis le début de la contestation contre la réforme des retraites, les cortèges sont particulièrement fournis en Bretagne et s’illustrent aussi par de notables actes de vandalisme à Nantes et Rennes.
« La Bretagne fait aujourd’hui partie des régions les plus mobilisées de France. Les chiffres montrent que la Bretagne pèse dans les manifestations au moins le double, sinon plus, que son poids démographique en France », note le politologue Thomas Frinault. Ainsi, dans cette région très macroniste (66,58% au 2e tour de la présidentielle en 2022), le jeudi 23 mars il y a eu 80.000 manifestants à Nantes (pour une population de 318.000 habitants) et 40.000 à Rennes le 11 février (220.000 habitants). Les villes moyennes bretonnes se sont aussi fortement mobilisées avec ainsi 15.000 protestataires à Morlaix le 11 février, soit pratiquement l’équivalent de sa population, d’après les chiffres syndicaux.
Les raisons de ces mobilisations sur ces territoires
Ces « cortèges très importants » s’expliquent notamment par « un attachement à la justice sociale très fort » dans la péninsule, lié à son héritage démocrate chrétien, face à une réforme parfois perçue comme « injuste pour un certain type de carrières », note Romain Pasquier, politologue et directeur de recherche au CNRS.
Autre élément explicatif, « la position de la CFDT », hostile à la réforme, qui est « l’incarnation syndicale de la deuxième gauche et qui connaît une forte audience en Bretagne » et « dont le positionnement est l’un des ingrédients de la réussite des mobilisations bretonnes », poursuit-il.
Sans oublier des racines plus anciennes avec un terreau contestataire et une défiance vis-à-vis du centralisme parisien, la Bretagne ayant été en première ligne de mouvements sociaux qui ont marqué le pays : Bonnets rouges avec des actions spectaculaires contre les portiques de l’écotaxe en 2013, Gilets jaunes et la vidéo de la Bretonne Jacline Mouraud en octobre 2018 ou dans un temps plus lointain la manifestation des pêcheurs à Rennes en 1994 ou la prise de la sous-préfecture de Morlaix en 1961 par le mouvement paysan.
Des « violences urbaines sidérantes »
Outre des cortèges importants, les manifestations ont été marquées à Rennes et à Nantes par des heurts et dégradations en marge du défilé de l’intersyndicale. « Notre ville est ce soir le théâtre de violences urbaines sidérantes (…). Notre ville ne peut être abandonnée à la violence des casseurs », s’est émue la maire socialiste de Rennes, Nathalie Appéré (16 mars). « Les scènes de chaos se succèdent. On assiste à la destruction méthodique de commerces et de biens publics » (23 mars). Même son de cloche à Nantes, la maire Johanna Rolland (PS) dénonçant un « vandalisme inacceptable » le 29 mars, lors d’une journée marquée par 49 interpellations.
Des militants radicaux classés à l’ultra gauche, rompus aux codes de la guérilla urbaine, défiant les forces de l’ordre, parfois assimilés aux « black blocs », sont pointés du doigt. Dans le centre historique de Rennes, on ne compte plus les magasins avec des vitrines brisées ou recouverts de panneaux, les agences bancaires et d’assurances, mais aussi de voyage, hôtels et magasins de vêtements, dont deux ont fait l’objet de pillages.
Quand la mobilisation s’inscrit dans une quasi-tradition
Dans les deux grandes métropoles de l’Ouest, « il y a la présence d’une population jeune, politisée, radicalisée pour partie, avec ceux qu’on appelle notamment les autonomes, et qui n’est pas sans lien avec la présence forte de l’université », analyse M. Frinault, maître de conférence en Sciences politiques à Rennes 2.
« Désormais, on a aussi affaire (…) à une forme de quasi-tradition qui se répète de mobilisation en mobilisation. On est dans la suite des mobilisations précédentes de la loi El Khomri sur le travail, qui avaient déjà mis le centre-ville à l’épreuve », ajoute-t-il.
Autre élément à prendre en compte, « il y a une tradition de l’ultra gauche fortement alimentée ces dix dernières années par Notre-Dame-des-Landes qui donne ce cocktail assez exceptionnel en France », relève M. Pasquier, notant le paradoxe d’une Bretagne où les forces politiques « sont plutôt modérées » alors que les mouvements sociaux « sont assez violents ».
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