AU COEUR DES LIVRES

Révélateur de vérité : Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne

L'un des écrivains les plus importants du XXe siècle, Soljenitsyne a révélé au monde les crimes du système soviétique
mai 21, 2024 19:32, Last Updated: mai 25, 2024 20:35
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« Comme il m’est facile de vivre avec Toi, Seigneur ! Comme il m’est facile de croire en Toi ! » Le croyant Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne avait toutes les raisons de ne pas croire : pauvreté dans l’enfance, front de la guerre contre Hitler, arrestation, torture, emprisonnement, travaux forcés, cancer, persécution et humiliation. Toutes ces épreuves douloureuses ont été la source de la naissance de sa foi et le catalyseur de ses grandes œuvres littéraires.

Il voit le jour le 11 décembre 1918 dans le nord-ouest de la Russie et est élevé dans la religion orthodoxe russe, un crime dans l’État soviétique. Une éducation gouvernementale et un diplôme scientifique font de lui un athée pendant un certain temps, mais un temps seulement.

Un retour progressif à la spiritualité s’amorce lors de ses épreuves dans l’armée russe et de son arrestation pour avoir critiqué Staline dans une lettre à un ami. La peine encourue est de huit ans dans des camps de prisonniers, ce qui équivaut à une condamnation à mort par le travail abusif et la famine.

L’ombre – et la lumière – de ces huit années qui ont changé sa vie planent sur l’ensemble de son œuvre littéraire. Et, en dépit de son style journalistique, il est un vrai poète et un prophète.

Pour chaque Alexandre Soljenitsyne, on comptait des dizaines d’écrivains soviétiques qui s’inclinaient devant le Kremlin. Soljenitsyne en 1975. (Photo d’archives/Bibliothèque du Congrès)

L’Archipel du Goulag

L’Archipel du Goulag, son œuvre la plus importante, est un récit des cruautés infligées aux prisonniers du système pénal soviétique. C’est un chef-d’œuvre d’investigation, mais surtout l’histoire d’une lutte pour accepter l’injustice et d’un combat désespéré pour rester en vie.

On a beaucoup écrit sur les effets de la brutalité sur les prisonniers, sur la façon dont ils ont été transformés en bêtes, mais les rares qui ne l’ont pas été semblent être passés inaperçus. On pense aux nombreuses pommes de pin qui tombent au sol dans une forêt, et aux quelques-unes qui germent et deviennent des arbres majestueux. « Je ne vais pas détailler ici ces innombrables actes pervers. Ils sont bien connus de tous », écrit Soljenitsyne.

Il remarque qu’un détenu, qui prêche ardemment que la vie en camp ne peut que corrompre, n’est pas lui-même corrompu. Il ne trahit pas ses codétenus pour un morceau de pain supplémentaire ou une peine plus courte. Cet homme dément sa propre affirmation. Les plus incorruptibles sont les gens vraiment religieux, « leur procession pleine d’assurance à travers le camp – une sorte de procession religieuse silencieuse avec des cierges invisibles ».

Ses deux œuvres de fiction les plus remarquables sont les romans Le premier cercle et Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch, une synthèse des personnages et des événements de sa vie de prisonnier.

Le Premier cercle

Après des années de famine, de transport de briques et de construction de murs, l’auteur est transféré dans un autre type de prison, qui lui inspirera son prochain livre. Le Premier cercle décrit la vie et les pensées d’intellectuels infortunés condamnés pour crimes contre l’État et contraints d’utiliser leurs connaissances techniques pour développer des technologies d’espionnage des citoyens.

Certains préfèrent les travaux forcés plutôt que d’apporter des ennuis aux autres. Ce livre nous plonge dans le cœur de ces individus captifs – leur besoin humain d’amour, leur immense solitude, leurs regrets et leurs peurs. L’amour est puissant. Il trouve son chemin même sous la surveillance la plus minutieuse, même entre les espions et les espionnés. Rostislav rencontre Clara et lui murmure : « Tu es tout ce dont j’ai besoin. »

Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch

Si l’ironie lyrique existait, ce serait peut-être le ton de ce court roman. Ivan Denissovitch, un homme simple et aimable, est condamné à un camp dans le goulag soviétique pour espionnage. Bien qu’innocent, il endure dix ans de travaux forcés, en construisant des murs dans des conditions brutales où le froid gèle souvent le mortier avant qu’il ne puisse être appliqué sur les briques.

Tout le camp vit selon la règle « Reste en vie un jour de plus ». À la fin de l’une de ces journées, Ivan ayant réussi à conserver sa santé, son travail bien rémunéré, il obtient une deuxième ration pour le déjeuner et il passe en contrebande un morceau de métal aux gardes pour en faire un outil utile. Enfin, il s’allonge pour dormir. « Rien n’a gâché la journée et il est presque heureux. »

Publication

« Tout au long des années, non seulement j’étais convaincu que je ne verrais jamais de ma vie une seule de mes lignes imprimée, mais je n’osais même pas lire quoi que ce soit à mes amis les plus proches », se souvient Soljenitsyne. Le danger politique était trop grand.

Dieu, la vie, le destin, quel que soit le nom que vous choisissez, avaient d’autres plans. En 1962, alors que Soljenitsyne a 44 ans, son livre Une journée dans la vie d’Ivan Denissovitch est publié dans la revue russe Novy Mir (« Le nouveau monde »). C’est un véritable miracle lorsque, pendant une brève période, les crimes de Staline contre son propre peuple ont été révélés, et que le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev approuve la publication de l’ouvrage. Cet événement sensationnel fait de l’auteur une célébrité internationale du jour au lendemain et le futur lauréat d’un prix Nobel.

L’exil à l’Ouest

Après cette première victoire, le climat politique de la Russie change brusquement. Le nouveau gouvernement soviétique tente – en vain – de l’assassiner. Il est calomnié par la presse, raillé par un public trompé, arrêté, emprisonné et finalement envoyé par avion vers une destination inconnue. Sans aucun signe précurseur, Alexandre Soljenitsyne se retrouve en exil.

Lorsque l’avion atterrit et que les portes s’ouvrent, il est accueilli par des applaudissements et des acclamations ! Il est à l’Ouest, en Allemagne, et c’est un homme libre. Sa destination finale est Cavendish, dans le Vermont, où pendant 18 ans, il rassemble toute une vie de textes qui ont été conçus, mémorisés et rarement mis sur le papier.

Discours à Harvard en 1978

La vie à l’Ouest, avec son abondance et ses libertés étendues, est étonnante pour un homme qui a vécu 55 ans en Union soviétique. Le discours qu’il prononce en 1978 à l’université de Harvard est une mise en garde adressée au peuple américain contre les dangers du matérialisme et de la légalisation de l’immoralité au nom de la liberté.

« Je tiens à souligner que cela ne vient pas d’un adversaire, mais d’un ami ». Il constate que les Américains ont tourné le dos à la religion : « Est-il vrai que l’homme est au-dessus de tout ? N’y a-t-il pas d’Esprit supérieur au-dessus de lui ? Une faillite morale nous a affaiblis. La société semble avoir peu de défense contre la décadence humaine, l’utilisation abusive de la liberté pour la violence morale contre les jeunes, comme les films pleins de pornographie, de crime et d’horreur. L’âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus chaudes et plus pures que celles offertes par les habitudes de vie de la société d’aujourd’hui, par l’abrutissement de la télévision et par une musique intolérable. »

Les médias en sont les principaux responsables. « La presse est plus puissante que le Président, le congrès ou la communauté judiciaire. La presse trompe l’opinion publique », affirme-t-il. « Les Américains ont le droit de ne pas voir leurs âmes divines remplies de ragots, d’absurdités et de vaines paroles ». Avec toutes nos réformes sociales et notre législation politique, nous découvrons que notre vie spirituelle, « notre bien le plus précieux », nous a été enlevée.

Retour en Russie en 1994

Après l’effondrement du communisme, Soljenitsyne retourne en Russie en prenant l’avion du Vermont jusqu’en Alaska, puis en Sibérie. Il atterrit à Magadan, le centre du goulag, d’où il entame un voyage de deux mois en train à travers la Russie, organisant des dizaines de réunions publiques, petites et grandes. Il arrive à Moscou le 21 juillet 1994, où on lui a donné un terrain de 4 ha à proximité pour y construire une maison et vivre en paix.

La conception, la rédaction et l’impression de ses œuvres s’étendent parfois sur plusieurs décennies. Comme une remarque écrite sur le gouvernement pouvait le conduire en prison ou au peloton d’exécution, certaines de ses œuvres n’ont vécu que dans son esprit et sa mémoire pendant des années. Maintenant qu’il est libre, il achève des œuvres passées et commence à écrire des nouvelles et des Mémoires. Le Chêne et le veau, Le grain tombé entre deux meules et Les Invisibles relatent ses luttes passées avec le gouvernement, sa vie en exil, ainsi que l’aide des nombreuses personnes aimables et courageuses qui ont caché et fait passer des manuscrits dans la clandestinité pendant les périodes difficiles.

Il poursuit également le projet de sa vie, La Roue rouge, qu’il a conçu pour la première fois dans les années 1930. Il s’agit d’une série de romans couvrant les années 1914 à 1922, mais elle reste inachevée et se termine par Mars 1917. Cette série épique est un mélange de faits historiques, d’autobiographie, de fiction et de philosophie – une vue d’ensemble à la manière de Guerre et Paix de Tolstoï.

Monument à la mémoire de Soljenitsyne sur la digue de Korabelnaya à Vladivostok, en Russie. (Lia Koltyrina/Shutterstock)

Alexandre Soljenitsyne, poète et prophète, a mené une vie extraordinaire. « Je regarde en arrière, émerveillé, le chemin que je n’aurais jamais pu trouver seul, un chemin merveilleux à travers le désespoir jusqu’à ce point d’où je peux, moi aussi, transmettre à l’humanité un reflet de Tes rayons. »

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