Des événements récents indiquent que les relations économiques entre la Chine et la Russie sont mises à l’épreuve. Un accord crucial sur un gazoduc entre les deux pays semble être bloqué, tandis que la Banque industrielle et commerciale de Chine a interrompu le traitement des paiements russes en yuans. En outre, le site chinois de commerce électronique Alibaba a cessé d’accepter les paiements en roubles ou de fournir des marchandises à la Russie. Ces revers surviennent 20 jours seulement après la visite de Vladimir Poutine en Chine, ce qui porte un coup important à ses plans stratégiques, selon les analystes.
Les signes de tension étaient évidents lors de la visite d’État de Poutine le mois dernier. Il y a eu un moment d’hésitation visible de sa part avant d’accepter l’accolade du dirigeant chinois Xi Jinping – un moment qui a été largement rapporté par les médias du monde entier, suggérant que la visite de Poutine en Chine ne s’était peut-être pas déroulée comme prévu. En outre, une déclaration commune signée par les dirigeants russes et chinois au cours de cette visite ne fait aucune mention du « partenariat sans limites », qui a été annoncé la veille de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes et qui a été tant vanté par Pékin et Moscou.
Les analystes ont noté qu’il n’est pas surprenant que l’État-parti chinois puisse reconsidérer son partenariat sans « domaine de coopération prohibé » avec la Russie en réponse aux pressions exercées par l’Europe et les États-Unis.
Le 12 juin, les États-Unis ont imposé de nouvelles sanctions à plus de 300 entités et personnes russes, dont plus d’une vingtaine basées en Chine, dans le but d’intensifier la pression sur l’économie de guerre de la Russie dans le cadre de son invasion de l’Ukraine.
Depuis l’année dernière, Washington a accru son attention portée aux institutions financières des pays tiers qui aident la Russie à échapper aux sanctions. Reflétant cette tendance, la Banque industrielle et commerciale de Chine, le plus grand prêteur du pays, a récemment refusé de traiter les transactions russes en yuans. On estime que 80 % des services de règlement ont été temporairement interrompus, ce qui a eu de graves répercussions sur l’approvisionnement de la Russie en matériel électronique et a porté un coup à son économie de guerre.
Un homme d’affaires chinois, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, a révélé à Epoch Times qu’il achetait de l’énergie et des matières premières à la Russie depuis deux ou trois ans. Cependant, il y a environ un mois, il a reçu des ordres internes interdisant les achats à la Russie, car de nombreuses transactions ne pouvaient plus être réglées par l’intermédiaire des banques. Par conséquent, les activités commerciales ont été réorientées vers d’autres pays.
Le 29 mai, lors d’une visite à Bruxelles, le secrétaire d’État adjoint américain Kurt Campbell a souligné l’urgence pour les pays européens et les pays de l’OTAN « d’envoyer un message collectif à la Chine concernant notre préoccupation de ses actions, que nous considérons comme déstabilisantes au cœur de l’Europe ».
« Ce que nous avons vu de la part de la Chine à l’égard de la Russie n’est pas un cas isolé ou quelques entreprises malhonnêtes impliquées dans le soutien à la Russie », a-t-il déclaré. « Il s’agit d’une démarche prolongée et générale, soutenue par les dirigeants chinois, qui vise à apporter à la Russie tout le soutien possible en coulisses. »
L’Amérique étend ses sanctions afin de freiner l’économie de guerre russe
Le 12 juin, les États-Unis ont annoncé une série de nouvelles sanctions contre la Russie, visant plus de 300 entités et individus, juste un jour avant que les dirigeants du G7 ne se réunissent en Italie pour délibérer sur les stratégies visant à étouffer l’économie de guerre florissante de la Russie.
Le département du Trésor américain a imposé ces sanctions en soulignant son intention d’intensifier les conséquences pour les institutions financières étrangères qui soutiennent l’économie de guerre russe. Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale, a précisé : « [Ces mesures] augmenteront les risques que les institutions financières étrangères prennent en traitant avec l’économie de guerre de la Russie. »
« [Le Trésor américain] indique clairement que les banques étrangères risquent d’être sanctionnées si elles traitent avec une entité ou un individu bloqué par nos sanctions contre la Russie, y compris avec les banques russes désignées. »
En outre, le Trésor et le département du Commerce des États-Unis vont mettre en œuvre des « interdictions complémentaires » visant à entraver l’accès de la Russie à certains logiciels et services informatiques américains. Le département du Commerce prendra également des mesures pour contrôler plus rigoureusement la distribution des produits de marque américaine, quel que soit leur lieu de fabrication.
La secrétaire au Trésor, Janet Yellen, a formulé les objectifs de cette stratégie en déclarant : « Nous augmentons le risque pour les institutions financières qui traitent avec l’économie de guerre russe, nous supprimons les possibilités d’évasion et nous diminuons la capacité de la Russie à bénéficier de l’accès à la technologie, aux équipements, aux logiciels et aux services informatiques étrangers. »
Il est à noter que plus de deux dizaines des 300 entités et personnes nouvellement sanctionnées sont basées en Chine.
La menace de sanctions occidentales affecte le commerce sino-russe
Le 28 mai, Daleep Singh, conseiller adjoint à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, a averti que les États-Unis et leurs alliés étaient prêts à imposer des sanctions pour empêcher toute interaction commerciale nuisible entre la Chine et la Russie dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Dans la foulée, le 31 mai, le secrétaire adjoint au Trésor américain, Wally Adeyemo, a souligné dans son discours à Berlin (Allemagne) que même si Pékin ne fournit pas directement des chars et des missiles à la Russie, le rôle des entreprises et des institutions financières chinoises est crucial pour la production d’armes de la Russie et pour la guerre qu’elle continue de mener en Ukraine. Il a prévenu que si la Chine continuait à vendre des produits à double usage à la Russie, la sécurité des alliés européens serait considérablement compromise, ce qui pourrait inciter Poutine à défier davantage l’OTAN.
« Les entreprises chinoises peuvent soit faire des affaires dans nos économies, soit équiper la machine de guerre russe avec des produits à double usage. Elles ne peuvent pas faire les deux », a martelé M. Adeyemo.
« Nous devons faire comprendre aux entreprises chinoises que nous sommes tous prêts à utiliser nos sanctions et nos contrôles des exportations pour les obliger à rendre des comptes. Les États-Unis, l’Europe et tous nos alliés doivent agir ensemble en utilisant nos outils économiques pour qu’il n’y ait pas d’écart entre nos politiques. »
Cette pression correspond à l’avertissement lancé par le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors de sa visite à Pékin. « J’ai dit à Xi Jinping que si la Chine ne s’attaquait pas à ce problème, nous le ferions », a-t-il souligné en faisant référence à l’approvisionnement de la machine de guerre russe par la Chine.
Par la suite, plusieurs entreprises chinoises ont commencé à rompre leurs liens avec la Russie.
Le 28 mai, AliExpress, la plateforme internationale de commerce électronique d’Alibaba, aurait cessé d’accepter les paiements en roubles russes et suspendu l’expédition des produits commandés vers la Russie.
Auparavant, Yuriy Ignat, porte-parole de l’armée de l’air ukrainienne, avait mentionné que les pièces des drones russes abattus en Ukraine révélaient qu’ils avaient été assemblés en utilisant des composants qui auraient été achetés sur AliExpress.
Des revers pour le projet le plus attendu par Poutine
Vladimir Poutine a achevé sa récente visite en Chine sans avoir conclu d’accord sur l’oléoduc « Force de Sibérie 2 » tant espéré. Le directeur général de Gazprom, Alexeï Miller, était notamment absent de la visite d’État de Poutine, alors que sa présence aurait été essentielle pour les négociations de fond sur le gazoduc entre les champs de gaz de Sibérie russe et la Chine.
Le secrétaire de presse du Kremlin, Dmitri Peskov, a indiqué que la coopération en matière d’approvisionnement énergétique restait un élément essentiel de l’ordre du jour des discussions entre Xi et Poutine.
« Il est tout à fait normal que chaque partie défende ses propres intérêts. Les négociations se poursuivront, car les dirigeants des deux pays en ont la volonté politique. Les questions commerciales continueront d’être réglées, et nous ne doutons pas que tous les accords nécessaires seront conclus », a-t-il déclaré aux journalistes le 2 juin.
Tang Jingyuan, commentateur de l’actualité basé aux États-Unis, a fait remarquer à ce sujet que même si Poutine a du mal à supporter la position opportuniste de Xi Jinping, Pékin est actuellement son seul grand acheteur de gaz. En fin de compte, Poutine pourrait être contraint d’acquiescer aux exigences de Pékin en raison de son manque d’alternatives. Xi Jinping se rend bien compte de son avantage en maintenant une position ferme dans les négociations sur le gazoduc.
« Xi Jinping est déterminé à ne pas laisser tomber Poutine, mais son soutien sera soigneusement mesuré. Cette stratégie garantit que la Russie et l’Ukraine, ainsi que l’OTAN, continuent d’épuiser leurs ressources respectives, prolongeant ainsi le conflit et maintenant l’OTAN occupée. Dans le même temps, la guerre affaiblit considérablement la Russie, la réduisant finalement à un État vassal dans la sphère d’influence de Pékin. Xi Jinping considère qu’une telle approche lui permet de faire d’une pierre deux coups », a expliqué M. Tang.
Une « méfiance mutuelle » entre la Chine et la Russie ?
Tout au long de l’histoire moderne, plusieurs observateurs ont qualifié les relations entre la Chine et la Russie de « méfiance mutuelle », les empêchant de former une véritable alliance.
Par exemple, Takashi Okada, ancien membre du comité éditorial de l’agence de presse japonaise Kyodo News a écrit, peu après le début de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, que la « méfiance mutuelle » entre la Chine et la Russie ne leur permet d’avoir qu’une coopération superficielle. Il cite un diplomate chinois qui a déclaré : « Nous n’avons pas oublié que dans les années 1960, lorsque la Chine a été frappée par des catastrophes naturelles, l’Union soviétique, alliée de la Chine, a retiré ses ingénieurs. C’est pourquoi la Chine s’oppose à toute forme d’alliance et signe plutôt des accords de partenariat. »
Il est vrai qu’en examinant les relations entre la Chine et la Russie (y compris l’ex-Union soviétique) au cours des dernières décennies, on pourrait voir des exemples donnant l’impression de l’existence de « méfiance mutuelle » entre les deux pays.
Au début des années 1950, le régime du Parti communiste chinois (PCC) de Mao et l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) de Staline étaient de proches alliés et ont activement soutenu la Corée du Nord sur les champs de bataille de la Guerre de Corée (1950-1953). Pourtant, vers la fin des années 1950, ces relations se sont détériorées jusqu’à une rupture au milieu des années 1960, suivie même de confrontations militaires.
Pendant cette période, Pékin a commencé à chercher activement à améliorer ses relations avec leurs ennemis communs « capitalistes » – les États-Unis et leurs alliés occidentaux. La politique de « réforme et d’ouverture », mise en œuvre sous la direction du nouveau chef suprême du régime Deng Xiaoping, a montré aux démocraties occidentales que la Chine cherchait à s’intégrer au monde. L’Occident en était bien content.
La « diplomatie du ping-pong » du PCC avec les États-Unis a abouti à la visite du président américain Richard Nixon en Chine en 1972, qui a marqué un tournant important dans les relations sino-américaines. Les États-Unis et leurs alliés ont considéré la dégradation visible des relations entre Pékin et Moscou comme une occasion de détacher la Chine du camp socialiste et d’affaiblir la puissance de ce camp dans le cadre de la guerre froide. Dans le même temps, ils espéraient que, grâce au développement de l’économie de marché, la Chine adhérerait de plus en plus à l’esprit d’entreprise et aux valeurs universelles, qu’elle achèverait la transformation de son système totalitaire et deviendrait un pays libre et démocratique.
Le rapprochement avec l’Occident a permis au régime chinois de régler ses problèmes économiques grâce aux investissements massifs occidentaux, d’accéder à la technologie moderne et, en fin de compte, de se transformer en une superpuissance industrielle et militaire. Toutefois, au lieu de montrer des signes de démocratisation, la Chine a préservé son régime totalitaire qui, au fil du temps, a commencé à devenir de plus en plus dictatorial. Le PCC a profité de la liberté et de la tolérance des systèmes démocratiques des pays occidentaux pour s’y infiltrer et voler ce qu’elle pouvait dans les domaines politique, économique, scientifique, technologique et culturel.
En particulier, la Chine a beaucoup profité de son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001 (son adhésion a été soutenue par l’Amérique) en affirmant être un « pays en développement » – un statut qui lui permet toujours de profiter des avantages au sein de l’OMC. Pourtant, ce « pays en développement » est aujourd’hui la deuxième puissance du monde qui est en train de réaliser un vaste programme spatial et un titanesque projet de la « nouvelle route de la soie » (Initiative Ceinture et Route) visant à renforcer l’influence géopolitique de la Chine dans le monde entier.
Entre-temps, le progrès et le renforcement très rapides de la Chine ont été suivis, vers la fin des années 1980, d’une amélioration progressive des relations sino-russes, qui ont finalement évolué vers le « partenariat sans limites » proclamé en 2022. L’année suivante, lors de sa visite d’État à Moscou, Xi Jinping a dit en souriant à Poutine : « C’est exactement, en ce moment même, qu’il y a le changement qui ne s’est pas produit depuis 100 ans. Et c’est nous, ensemble, qui faisons avancer ces changements. » Poutine était tout à fait d’accord.
Du Wen, expert en droit chinois basé en Belgique, a noté lors du programme « Pinnacle View » de la chaîne NTD, que la récente visite de Xi Jinping en France mettait en évidence les problèmes internes et externes actuels du régime chinois et son besoin urgent de soutien occidental. Il a suggéré que la Chine pourrait, en privé, faire des compromis avec l’Occident afin de tirer avantage de ses relations avec l’Europe tout en trouvant des moyens de soutenir la Russie.
M. Du, qui a été conseiller juridique de Hu Chunhua, ancien membre du bureau politique du PCC et secrétaire général de la Ligue de la jeunesse communiste chinoise, a étudié les stratégies du PCC à l’égard de l’Europe. « Xi Jinping est bien conscient que l’issue générale de la guerre entre la Russie et l’Ukraine est déjà déterminée et que les perspectives de la Russie sont sombres. Continuer à soutenir la Russie est non seulement futile, mais aussi risqué. Xi pourrait faire des compromis sur des questions liées à la sécurité européenne afin de maintenir la position de la Chine sur le marché européen », a-t-il expliqué.
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