FIN DE VIE

Soins palliatifs : la sédation profonde et continue est-elle une forme d’euthanasie ?

octobre 6, 2024 15:24, Last Updated: octobre 6, 2024 15:24
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Dans certains cas bien particuliers, la médecine palliative peut proposer, dans le cadre de la loi, une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès des patients en toute fin de vie. Certains pensent que cette pratique est une forme d’euthanasie. Epoch Times s’est entretenu avec deux médecins afin de comprendre ce dont il s’agit.

Le sujet de l’euthanasie est un sujet extrêmement complexe. Trop souvent présenté tout noir ou tout blanc, il est en fait composé de multiples nuances de gris. Pour essayer d’entrevoir quelques aspects du débat actuel sans trop les simplifier, nous ne pouvons pas nous contenter d’un seul article. Nous nous sommes donc d’abord penchés sur l’expérience du Québec, champion mondial de l’euthanasie, puis sur l’importance du choix des mots et la confusion que cela entraine pour le public.

Nous avons ensuite essayé de comprendre en quoi les soins palliatifs constituent un « autre chemin » pour apaiser la souffrance de la fin de vie, avant de nous rendre compte que l’accès aux soins palliatifs n’est pas assez développé pour que tous les Français y aient accès puisque seul un malade sur deux peut en bénéficier actuellement.

Le sujet de ce nouvel article de la série porte sur la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD). Cette technique est bien souvent méconnue du public et même de certains médecins qui ne sont pas spécialisés dans les soins palliatifs. Un grand nombre de personnes pensent en effet que les substances injectées pour endormir le patient qui vit une souffrance insupportable ont pour but de lui enlever la vie. Qu’en est-il vraiment ?

« Ce n’est pas du tout la même chose que l’euthanasie » 

« Ce n’est pas du tout la même chose que l’euthanasie », assure le Dr Jean-Marc La Piana, directeur de la Maison de Gardanne, un établissement de soins palliatifs pionnier en France, situé près d’Aix-en-Provence. Lors d’une sédation profonde et continue, « on accompagne les gens en fonction de l’évolution de la maladie », explique-t-il. « L’euthanasie, c’est une piqûre qui fait que les gens partent tout de suite. On va avoir une réponse immédiate, imminente, sans retour possible. »

Le décès est causé par la maladie et non pas par une injection létale.
— Dr Océane Dantec, MÉDECIN EN SOINS PALLIATIFS

« L’euthanasie est un geste létal, c’est-à-dire que l’on injecte un médicament pour donner la mort », ajoute le Dr Océane Dantec, médecin spécialisée en soins palliatifs. L’idée derrière la sédation « est d’injecter un produit qui endort jusqu’à ce que le décès survienne naturellement. Le décès est causé par la maladie et non pas par une injection létale ».

Bien qu’elle soit très différente de l’euthanasie, la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès n’est pas à prendre à la légère. « Cette démarche n’est pas anodine », admet le directeur de La Maison.

« On injecte un produit qui va permettre d’endormir le patient à la fin de sa vie, s’il persiste une souffrance réfractaire aux autres traitements instaurés », précise le Dr Dantec. « Il faut que le pronostic vital soit engagé à court terme – on parle de quelques heures à quelques jours. »

Cette démarche n’est pas anodine.
— Dr Jean-Marc La Piana, directeur de La Maison de Gardane

La sédation profonde et continue est réservée à certains cas bien particuliers, ce qui représente très peu de patients.

Au cours des sept ans de carrière de cette jeune médecin, les cas où elle a proposé une sédation profonde jusqu’au décès à un patient se comptent sur les doigts de la main. La raison en est simple : elle dispose de beaucoup d’autres thérapeutiques qui permettent d’apaiser la souffrance avant d’en arriver à cette alternative. Parmi les personnes à qui la médecin a proposé cette solution, très peu y ont accédé. « Pour certains, l’idée d’être endormi et de perdre le contact avec leurs proches n’est pas supportable. »

Des critères stricts

Le Dr Dantec insiste sur le fait que cette sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès est strictement encadrée par la loi Leonetti sur la fin de vie, avec différents critères, dans un cadre très précis.

Le ministère des Affaires sociales et de la Santé résume dans une fiche à destination des professionnels de la santé expliquant la loi de fin de vie du 2 février 2016 que « l’objectif est de soulager une personne malade qui présente une situation de souffrance vécue comme insupportable alors que le décès est imminent et inévitable ».

Il n’y a pas de doute sur le fait qu’il n’y a pas de réversibilité possible de l’état du patient. S’il y avait le moindre doute, ce ne serait pas proposé.
— DR OCÉANE DANTEC, MÉDECIN EN SOINS PALLIATIFS

Un des critères indispensables à la décision de commencer une SPCMD dans le cadre de la loi est en effet la notion de pronostic vital engagé à court terme, avec un décès prochain. « Le patient doit rester endormi jusqu’au décès. Il n’y a donc pas de doute sur le fait qu’il n’y a pas de réversibilité possible de l’état du patient. S’il y avait le moindre doute, ce ne serait pas proposé », insiste la médecin de soins palliatifs.

« Cela doit être fait à la demande du patient, dans le cadre d’une maladie grave, incurable, au moment où le pronostic vital est engagé à court terme, lorsqu’il existe une souffrance réfractaire aux autres traitements », précise la jeune femme qui exerce dans le Val-d’Oise.

Dans certains cas, le patient peut être endormi jusqu’à son décès sans son consentement s’il ne peut pas exprimer sa volonté, sauf s’il s’y est opposé dans ses directives anticipées. La décision est alors prise par le médecin dans le cadre d’une procédure collégiale.

La collégialité, c’est la concertation du médecin avec les autres professionnels de la santé ainsi que la personne de confiance – s’il y en a une – et les proches du patient. Toutes ces personnes réfléchissent collectivement et donnent leur avis pour permettre au médecin de prendre la décision si le patient se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté.

Ce ne sont pas toujours les médecins qui sont le plus à même de comprendre la pertinence d’une demande.
— Dr Jean-Marc La Piana, directeur de La Maison de Gardanne

« En pratique, il y a toute une réflexion à mettre en route », remarque le Dr Jean-Marc La Piana. « Il faut que cette réflexion soit suffisamment collégiale parce que ce ne sont pas toujours les médecins qui sont le plus à même de comprendre la pertinence d’une demande, quelle qu’elle soit. »

La sédation profonde et continue peut aussi se faire dans le cadre d’un arrêt de traitement de maintien en vie artificiel par exemple, si ce changement est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable. « Cela peut se faire avant d’ôter un masque de ventilation non-invasive pour quelqu’un en détresse ou avant d’extuber un patient ; on l’endort pour pouvoir enlever ces machines qui le maintiennent artificiellement en vie sans générer de souffrance », explique le Dr Océane Dantec.

Une sédation qui entraîne la mort du patient ?

Tout d’abord, il est important de bien distinguer deux types de sédation palliative. La sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès n’est pas la même chose que les sédations symptomatiques proportionnées. Dans les deux cas, il s’agit du même produit, avec un usage et un but différent.

Les sédations symptomatiques proportionnées visent à soulager un ou plusieurs symptômes, afin de permettre au patient de préserver sa vie relationnelle ; elles peuvent être transitoires, intermittentes ; elles sont potentiellement réversibles et ne visent pas à endormir le patient comme dans le cas d’une SPCMD où le patient doit rester endormi jusqu’à son décès.

Dans le cadre de son activité, le Dr La Piana a souvent constaté que le fait de traiter des symptômes de la maladie, peu importe de quelle façon, peut accélérer le processus de fin de vie. « Cela arrive régulièrement et cela ne rentre pas forcément dans le cadre de la sédation profonde et continue », souligne-t-il. Si la personne souffre, il va lui prescrire le médicament qui enlève la douleur même si celui-ci risque d’accélérer le processus.

« Le double effet, on en assume évidemment complètement la responsabilité, mais on traite les symptômes quelles que soient les conséquences », reconnaît le directeur de La Maison de Gardanne. La démarche du médecin est la même lorsque celle-ci entre dans le cadre d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. « On traite au risque d’accélérer le décès. » Le but est de traiter les symptômes réfractaires, qu’ils soient physiques ou moraux, pour apaiser la souffrance.

« Ce n’est pas une piqûre qui tue la personne. Ce sont des traitements qui vont accélérer probablement le processus », précise le médecin.

Les gens vont mourir de l’évolution de leur maladie.
— Dr Jean-Marc La Piana, directeur de La Maison de Gardanne

Concrètement, la SPCMD se pratique avec du midaxolam et de la morphine, « pour être sûr que les gens n’aient pas une souffrance ou une douleur qui passerait inaperçue », précise le Dr La Piana.

Par la suite, « les gens vont mourir de l’évolution de leur maladie, c’est à dire qu’on va augmenter les doses s’il y a des symptômes. Mais si la personne est paisible et qu’elle n’a pas de symptômes, on laissera évoluer la maladie », conclut le directeur de l’établissement de soins palliatifs.

Son chemin sera le sien.
— DR OCÉANE DANTEC, MÉDECIN EN SOINS PALLIATIFS

Le Dr Océane Dantec ajoute que personne ne sait combien de temps le patient restera en vie une fois le processus de sédation profonde et continue enclenché.  « Son chemin sera le sien », résume-t-elle.

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