ARTS ET CULTURE

Statue de la Liberté: le Français Frédéric Auguste Bartholdi « éclaire le monde »

février 25, 2023 10:06, Last Updated: février 25, 2023 10:51
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« Ma seule ambition a été de graver mon nom aux pieds des grands hommes et au service des grandes idées », écrivait Frédéric Auguste Bartholdi.

Le sculpteur français Frédéric Auguste Bartholdi vers 1880. Archives de la bibliothèque publique de New York. (Domaine public)

Aujourd’hui, Frédéric Auguste Bartholdi est surtout connu pour cette œuvre sculpturale colossale qu’il a appelée « La Liberté Éclairant le Monde » et que nous connaissons sous le nom de Statue de la Liberté. Cette statue de bronze, de style néoclassique, de 46 mètres de haut, se dresse sur son piédestal et surplombe le port de New York depuis 1886. Cette représentation immense de la déesse romaine Libertas, est soutenue par une armature en fer construite par Gustave Eiffel lui-même. 

En 1871, alors qu’il travaille à sa statue, Bartholdi en visite à New York remarque que l’île de Bedloe occupe une position prééminente dans le port de la ville. C’est là qu’il installera sa statue, qu’il placera au-dessus de Fort Wood, ce bâtiment militaire en forme d’étoile, construit en 1806 et nommé bien plus tard en l’honneur d’un héros de la guerre anglo-américaine de 1812. Pour ce faire, un piédestal conçu par l’architecte Richard Morris Hunt s’élèvera du centre de l’étoile à 11 branches et soutiendra la statue. En 1846, Hunt part étudier à l’École des Beaux-Arts de Paris – la meilleure école d’architecture au monde – où il apprend le style architectural académique que l’on appelle les beaux-arts. Les beaux-arts ont été très populaires pendant la deuxième moitié du XIXe siècle et s’inspirent des principes et de l’esthétique du néoclassicisme français tout en y incorporant des éléments de l’architecture de la Renaissance et de la période baroque. Hunt a ramené l’architecture des beaux-arts français en Amérique,lorsqu’il a conçu des résidences dans ce style pour des familles prestigieuses comme les Vanderbilt ainsi que de nombreux bâtiments publics.

C’est lors de son voyage en Amérique en 1871 que Bartholdi rencontre l’Américain Hunt à Newport, dans le Rhode Island. Il rencontre également Frederick Law Olmsted à New York. Olmsted est un architecte paysagiste américain qui travaille à l’époque sur un projet de fontaine pour Central Park, le premier projet d’une longue série de parcs urbains aux États-Unis. Bartholdi sera même présenté au président américain de l’époque Ulysses S. Grant. Fasciné par le mode de vie américain, il entreprend un voyage en train à travers le pays. Il visite les chutes du Niagara, poursuit sa route vers Détroit et arrive à Chicago en août de la même année. Il est impressionné par la croissance impressionnante de cette ville, qu’il trouve « très américaine ». C’est là que Bartholdi peut admirer l’original de la « Proclamation d’émancipation », donnée par Abraham Lincoln au Chicago History Museum, et qui abolit l’esclavage aux États-Unis. Il rentre en France, impatient de commencer à travailler sur son colosse américain.

Idéalisation de la colossale Dame 

La statue néoclassique en bronze de 46 mètres de haut se dresse sur son piédestal et surplombe le port de New York depuis 1886. Dessin et conception de la Statue de la Liberté, 1884. Bibliothèque du Congrès. (Domaine public)

L’idée de la statue a d’abord été proposée par Édouard de Laboulaye, un historien français. Laboulaye et Bartholdi étaient tous deux membres de l’Union Franco-Américaine, un groupe proche des idéaux d’indépendance et de liberté que les deux républiques partageaient. À l’approche du centenaire de la Révolution américaine, Laboulaye suggère d’offrir aux États-Unis un cadeau commémorant l’alliance de la France et des États-Unis dans la guerre d’indépendance. Bartholdi présenta ses dessins d’une dame colossale dont la torche dressée servirait de phare. Selon certains témoignages, Bartholdi aurait modelé la statue d’après sa propre mère, Charlotte. C’est la confidence qu’il aurait faite au sénateur français Jules Bozerian.

Ce sera un cadeau venant du peuple français, car la statue n’a pas été financée par le gouvernement, mais par des dons privés. Les Français finiront par réunir plus d’un million de francs, mais les Américains devront financer la construction d’une base appropriée, ce qui prendra de nombreuses années. Au moment du Centenaire américain, seuls la main et le flambeau ont été achevés. Bartholdi emmène le flambeau à l’Exposition internationale du Centenaire américain – la première Exposition universelle organisée aux États-Unis -au parc Fairmount à Philadelphie, en 1876. C’est également Richard Morris Hunt qui a conçu le bâtiment principal de l’exposition dans lequel le flambeau a été présenté.

L’image de gauche est un dessin architectural du piédestal de la statue de la Liberté, 1882, par Richard Morris Hunt. Graphite sur papier calque. Bibliothèque du Congrès. (Public Domain) L’image de droite montre la tête (R) de la Statue de la Liberté exposée au Champ-de-Mars, Exposition Universelle, Paris, 1878. Bibliothèque du Congrès. (Domaine public)

Lors de l’Exposition universelle de 1878 à Paris, Bartholdi exposera également le flambeau et la tête. Pourtant, les financements tardent à venir, notamment du côté américain. Mais en 1883, Joseph Pulitzer, le célèbre directeur de journaux, y apporte son soutien. Il se tourne vers les millionnaires américains, et écrit que « chacun d’entre eux a les moyens de faire un chèque pour payer la totalité de la somme requise sans avoir l’impression d’avoir dépensé un dollar. » Pulitzer a ainsi fustigé les riches et gagné l’homme du peuple à la cause de la statue. Plus de 10 ans après le centenaire, la statue est finalement livrée à Bedloe’s Island, puis assemblée et inaugurée. Bartholdi était présent à New York pour la cérémonie en 1886.

La main colossale et la torche de la Statue de la Liberté de Bartholdi lors de l’Exposition du Centenaire à Philadelphie, 1876. Bibliothèque publique de New York. (Domaine public)

La poétesse américaine Emma Lazarus s’est inspirée de la statue de Bartholdi pour écrire son poème « The New Colossus », en 1883. La conception du poème s’inscrivait dans une vente aux enchères d’art et de littérature qui avait pour but de récolter les fonds nécessaires à la construction du piédestal. En 1903, ses mots, ici traduits en français, ont été coulés sur une plaque de bronze qui a été installée à la base de la statue :

 

« Gardez, terres anciennes, votre pompe légendaire ! » crie-t-elle

Avec des lèvres silencieuses. « Donnez-moi vos fatigués, vos pauvres,

Vos masses recroquevillées aspirant à respirer librement,

Les déchets misérables de vos rivages grouillants.

Envoyez-les moi, les sans-abri, les tempétueux,

Je lève ma lampe à côté de la porte dorée ! »

La commémoration de la Liberté sur les deux rives

En 1886, des milliers de spectateurs se sont rassemblés dans des bateaux près de l’île de Bedloe pour l’inauguration de la statue. « Dévoilement de la statue de la Liberté éclairant le monde », 1886, par Edward Moran. Huile sur toile. Musée de la ville de New York, N.Y. (Domaine public)

Lorsque Bartholdi fait son dernier voyage en Amérique en 1893, son nom est connu de tous. Il fait la traversée sur le paquebot français La Champagne, avec quarante-sept membres de la Société française des ingénieurs. Lorsque le navire entre dans le port, tous applaudissent à l’unisson. Bartholdi, pensant que la statue n’était pas assez visible car le cuivre avait noirci, eut l’idée de la recouvrir d’or. Sans le vouloir, il s’était immiscé dans un débat financier américain, celui de l’or contre l’argent, alors que le pays traversait une grave dépression. Les journaux en ont fait leurs choux gras. La statue n’a jamais été dorée, et a fini par prendre la couleur vert cuivre qu’on lui connaît.

Bartholdi avait une autre vision. Il voulait construire « une sorte de Panthéon pour les gloires de l’indépendance américaine ». Il voulait entourer la Statue de la Liberté de toute une série de notables américains, en commençant par les sculptures qu’il avait créées de Washington et de Lafayette à la demande de Joseph Pulitzer. Ces sculptures n’étaient pas aussi grandes que la statue de la Liberté, mais plutôt de taille réelle, et ont été exposées à l’Exposition universelle de Chicago en 1893.

La statue de Washington et Lafayette de Bartholdi sur la place des États-Unis, à Paris. (NeydtStock/Shutterstock)

Mais la réception de ces œuvres a été tiède. Le New York Times a fait une critique peu élogieuse de l’œuvre, estimant que la figure de Washington aurait dû être plus grande, car il s’agissait d’un « homme d’une taille exceptionnelle ». La statue ne suscitant guère d’enthousiasme en Amérique, Pulitzer en fit don à la ville de Paris. Elle a été installée sur la place des États-Unis le 1er décembre 1895. Un représentant de la famille de Lafayette, ainsi que d’autres personnalités, étaient présents.

Le 19 avril 1900, Charles Baltzell Rouss offre à la ville de New York une réplique moulée de Washington et Lafayette. Bien qu’il n’y ait pas de « Panthéon américain », Bartholdi a créé à plus petite échelle, sur les deux rives, une commémoration de quelque chose de grand. Il a célébré la profonde amitié de ces deux patriotes dont l’amour de la liberté a permis de donner naissance aux États-Unis.

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