La Lumière du Tibet n’en finit pas de vaciller dans les Ténèbres de la folie chinoise.
Monastères truffés de caméras et de micros, policiers chinois déguisés en moines, moines fonctionnaires payés par le gouvernement chinois, sherpas qui dénoncent, pour quelques yuan, leurs voisins tibétains candidats à l’exil, adolescents tibétains qui s’enrôlent dans l’armée chinoise…
Après les fondations même de l’Occident et ses tours de Babel, c’est le Toit du Monde qui s’écroule. Carnet de route.
Business in Tibet
« 90% des tibétains ignorent tout de la situation réelle de leur pays, de sa culture et de ses traditions. Certains croient même que le Dalaï-Lama est mort », m’affirme Konchok, un des nombreux « Trekking-Guides » tibétains, liens indispensables entre touristes en quête de dépaysement, agences de voyages gouvernementales corrompues et administration chinoise paranoïaque. « Éduqués » (dans le sens le plus chinois et donc le plus terrifiant du terme) depuis la première invasion chinoise de 1951, les Tibétains, y compris dans le Tibet profond, à deux jours de cheval et de marche, vous repèrent, même de très loin, et vous interpellent, de plus en plus appauvris, à coups d’inlassables et parfois virulents « Hé, hé, money, money ! ».
Dans le vieux Lhassa, la capitale du Tibet définitivement devenue ville chinoise, et qui n’a plus aucun rapport avec la « Cité Interdite » d’Alexandra David-Neel, autour du Palais du Jokhang, la seule partie de la ville épargnée par la folie chinoise, tout est à vendre. En vous joignant aux Tibétains qui effectuent leur « Kora » quotidienne (circambulation autour d’un monument sacré) et en faisant fi des soldats chinois, vous pourrez même à la fois prier… et faire vos courses ! Moulins à prières actionnés par énergie solaire, faux bijoux en plastique imitation corail, turquoise ou ambre, et même, pourquoi pas, future épouse : Mise à prix 50 000 yuan, environ 7 600 Euros.
Oubliés, mantras, malas et moulins à prière : Le seul vrai Maître ici, c’est Saint-Yuan, l’unique monnaie chinoise. Sorti de la ville et de tous ses 4×4 climatisés avec autoradio CD conduits par les Chinois, osez vous faire inviter dans une tente de nomades.
A peine bue la première gorgée de thé brûlant au beurre de yak, ce n’est pas le dernier-né de la famille qu’on vous présentera fièrement. Mais d’une malle en fer, devant vos yeux éberlués, votre nouvel ami a déjà sorti une petite calculatrice de poche pour vous demander, en vous montrant une « vieille » lampe à huile, « very old and very cheap » (« très vieille et pas chère ») : « How much ? ». Quand aux monastères, toutes leurs entrées sont payantes et si vous voulez prendre une photo… vous devrez la payer aussi.
Big Brother au Pays des Neiges Éternelles
Lhassa, Palais du Potala, ancienne résidence de Sa Sainteté le 14° Dalaï-Lama. Tarif de l’entrée : 15 euros. Les touristes du monde entier, devancés par leurs guides, se pressent dans les couloirs sombres et étroits du monument sacré le plus visité du Tibet. Quelqu’un, derrière vous, ne manque jamais de vous bousculer, le regard méprisant, pour vous passer devant : Un chinois qui a vite fait de vous faire comprendre qu’il est ici chez lui et que l’envahisseur, c’est vous.
La visite continue. L’appareil photo reste en bandoulière : à 15 euros la taxe pour la moindre prise de vue, on réfléchit à deux fois. N’espérer même pas déclencher votre appareil en toute impunité : Au Potala comme ailleurs, toutes les salles sont truffées de caméras, de micros et la plupart des moines sont « fonctionnaires », payés par le gouvernement chinois pour vous suivre partout du regard et faire respecter les interdictions.
Et si vous voulez monter sur le toit du Potala pour admirer la vue sur Lhassa, ville chinoise sans âme et défigurée, aux avenues larges et buildings immenses façon Pékin ou Shangaï, gardez votre porte-monnaie ouvert : Ce sera 2 euros de plus. Tout en haut du monument, c’est par valises entières, au vu et au nez de tous les touristes que, deux par deux, les Chinois ramassent le butin. Une affaire qui tourne…
A Shigatsé, deuxième ville du Tibet, comme à Lhassa, beaucoup sont des policiers-espions déguisés en moines. Difficile de s’y retrouver. Encore plus dur : Essayer de se poster dans les angles morts de deux caméras pivotantes pour « voler » une photo « choc ». A Norbulinka, l’ancienne résidence d’été du Dalaï-Lama, les Chinois se frottent les mains quand l’ancienne baignoire ou le divan de Sa Sainteté débordent des offrandes que déposent là les Tibétains, en signe de dévotion pour leur chef spirituel.
Il faut dire que partout au Tibet, c’est le racket permanent, organisé par la « Mafia » gouvernementale chinoise. Micros cachés à l’appui, chaque parole est elle aussi surveillée : Le mot « Dalaï-Lama », par exemple, (« Tête de Serpent » pour les chinois, charmant surnom) est un « écart de langage » sévèrement réprimé au Tibet et puni par la prison. Comme toute photo ou image le représentant
150 euros la vie d’un tibétain
Neuf heures du matin, Tingri, sud du Tibet, 4 400 mètres d’altitude. Une demi-journée de jeep du premier camp de base de l’Everest, à 5 200 mètres. Moins de 3 degrés et le vent polaire de l’Himalaya qui vous transperce déjà le corps et l’âme. Tout de suite accueillis par une serveuse tibétaine « aux ordres », quelques soldats chinois entrent se réchauffer dans le restaurant « Guest House » le plus fréquenté de cette ville-dortoir, la plupart du temps pour y jouer aux cartes et miser de l’argent par liasses entières, en riant bruyamment.
Tout en mangeant des « momos » (sorte de gros raviolis fris) ou de la « tubka » (soupe tibétaine), on se croirait revenu en France sous l’occupation allemande. Sur les murs noirs de suie, une affiche décolorée au papier glacé, écrite en anglais, symbole à elle seule du mensonge et de la manipulation chinoise : « 1951-2001 : 50 ans de Libération Pacifique du Tibet ».
Après quelques verres de thé salé au beurre rance de yak, les confidences matinales sur ton feutré commencent. Konchok, guide tibétain qui a passé, comme beaucoup, plus d’un an dans les prisons chinoises, accepte enfin de me traduire une fois les soldats repartis.
La nuit dernière, au col du Choyu, une des plus hautes montagnes du monde, sept tibétains, qui essayaient de fuir par la frontière tibéto-népalaise, ont été assassinés par les soldats chinois, alertés par des sherpas népalais en quête d’un peu d’argent.
C’est que là-haut, à plus de 6 000 mètres d’altitude, certains népalais et chinois « travaillent » main dans la main : 1 000 yuans de récompense (moins de 150 euros) pour chaque tibétain dénoncé. Pire, certains ados tibétains, engagés dans l’armée chinoise pour y gagner une maigre solde, se retrouvent là, en plein Himalaya, à devoir tirer sur leurs frères de sang. On se souvient alors que dans chaque pays envahi naissent toujours des résistants et des « Collabos ».
Tout le monde ici semble fermer les yeux sur de telles atrocités car nul ne veut finir en prison et préfère oublier, le soir venu, en regardant des vidéos chinoises de Jacky Chan (surnommé « ké-ké » par les tibétains), ou d’improbables soaps genre « Côte-Ouest » version indienne.
A minuit, le groupe électrogène s’arrête faute d’essence. Plus de pétrole, plus de vidéo.
Dans les arrière-boutiques des gargotes locales ou des salons de coiffure transformés en bordel pour l’occasion, même les prostituées chinoises et les prostituées tibétaines (payées deux fois moins) vont se coucher. Les sons hurlant de kung-fu amplifiés par le vent et les montagnes immenses environnantes se taisent.
Le calme pourrait enfin revenir sur Tingri, étape obligée vers l’Everest.
C’est oublier que des dizaines de chiens errants vont hurler à la mort toute la nuit, relayés à l’aube par les moteurs des centaines de camions et de 4×4 qui assurent la jonction Lhassa, capitale du Tibet et Katmandou, capitale du Népal.
Au petit matin, dans le Tibet dévasté, ce ne sont que villes-fantômes, poussière et désolation. Entre 4 500 et plus de 5 000 mètres d’altitude, perchés sur les plus hautes montagnes du monde, seuls subsistent quelques villages de paysans tibétains, regards profonds et sourire toujours lumineux, entourés de monastères dynamités ou détruits à coups de bazookas par l’envahisseur.
Seule note de poésie dans ce tableau d’Apocalypse de Toit du Monde : Entre les pierres sans âge des ruines rongées par le froid et l’altitude, contre vents et marées, poussent, silencieux, des bouquets de jolies petites fleurs bleues, des myosotis, dont le nom anglais est : « Forget me not » (ne m’oubliez pas). Partout ailleurs, la misère. Partout, des centaines d’enfants livrés à eux-mêmes portant le petit dernier sur le dos, pieds nus, noirs de poussière, les yeux brûlés par le soleil, qui vous tirent le bras et vous implorent, espérant quelques yuans.
Marché financier d’un milliard et demi de chinois oblige, le sort du Tibet n’intéresse toujours pas, plus de 70 ans après, les grandes puissances mondiales. Qui, aujourd’hui, est ému par la cause tibétaine ? A moins d’un miracle – et il faut continuer de croire aux miracles – le Tibet sera bientôt entièrement rayé de la carte dans un silence assourdissant.
A force de stérilisations, avortements forcés et d’une colonisation chaque jour plus grande (les Chinois représentent plus de 70% de la population), les Tibétains sont depuis longtemps une minorité dans leur propre pays.
Aucun des Tibétains rencontrés au Tibet ne connaît le concept de « Tibet-Libre ». La plupart sont nés dans un pays déjà occupé par l’envahisseur Chinois. « Free-Tibet » restera peut-être, pour certains, en Occident, un idéal purement philosophique en décalage avec la réalité du terrain.
Dalaï-Lama, reviens vite, ils sont tous devenus fous.
N’attendons plus d’être vaincu pour changer.
Le hasard n’existe pas. Les raisons de l’invasion du Tibet par la Chine sont le résultat de plusieurs facteurs qui s’additionnent.
Politiques et historiques, d’abord : Le Tibet, n’a-t-il pas, lui aussi, annexé dans le passé une partie de la Chine ?
Stratégique, ensuite : Qui s’approprie le Toit du Monde espère bien dominer le monde.
Économiques, enfin : Le mot « Tibet », en langage Han, signifie « Maison des Richesses de l’Ouest » (De « l’ouest » de la Chine). Confiscation de gigantesques réserves d’eau (cette ressource du 21° siècle), déforestation massive, exploitation à grande échelle des ressources pétrolières avec la construction d’un pipe-line de 4 200 km reliant la Chine au Tibet (cautionné en partie par BP France), des ressources minières (or, lithium et uranium), le Tibet est en passe de devenir la poubelle à déchets nucléaires de la Chine, polluant en même temps quelques-uns des plus grands fleuves de la planète, qui prennent leur source en Himalaya (Indus, Gange, Brahmapoutre, Yang Tsé Kyang), menaçant ainsi tout ou partie de l’Asie.
Mais au delà des causes tangibles de cette invasion et de cette gigantesque catastrophe écologique passée sous silence, il en est une autre (moins connue sans doute) tant symbolique qu’humaine et spirituelle : La fermeture trop longue du Tibet sur le reste du monde. En effet, qui se ferme prétend se protéger. Mais qui se protège s’enferme et se sépare.
Et qui se sépare est, à terme, condamné à souffrir et à mourir. Le peuple tibétain en fait plus que jamais encore l’intolérable et insupportable expérience, lui qui, fort d’un passé qui se perd dans la mémoire du temps, ne s’est ouvert officiellement au monde qu’au début des années 80 pour préserver, coûte que coûte, son patrimoine et ses traditions multimillénaires.
Les Chinois n’ont pas pris la peine de frapper doucement à cette porte close : Ils l’ont fracassée et mis en marche un génocide de plus.
Il aura fallu l’invasion chinoise du Tibet pour que le bouddhisme tibétain sorte enfin de ses frontières.
Et, comme le dit le Dalaï Lama : « Si les chinois n’avaient pas envahi le Tibet, nous n’aurions pas pu développer la Compassion. » De l’utilité d’aimer son « ennemi » pour développer l’Amour ?
N’attendons plus d’être vaincus pour changer : Si nous n’allons pas de nous-mêmes vers le changement, individuellement et collectivement, tôt ou tard, le changement ira à nous, brutal, implacable.
Heureusement, le Tibet c’est aussi :
✔ Oser lancer un défi à cheval aux nomades des hauts plateaux et s’arrêter enfin, transi, haletant et heureux dans un village à 4 800 mètres d’altitude pour boire du « Tchang » (bière fermentée). S’entendre dire, tout haut : « C’est moi, je reviens à la maison… »
✔ Dormir à la belle étoile à 5 200 mètres d’altitude, manger de la « tsampa » (farine et eau) au diner et une cuisse de mouton crue en guise de petit-déjeuner, tout en buvant une gorgée brûlante de thé rance pour essayer de faire passer le tout.
✔ Profiter d’une insomnie pour confirmer les hypothèses des astronomes : Notre galaxie, la Voie Lactée, a vraiment une forme de spirale !
✔ Offrir son thermos tout neuf et son stick lèvres coefficient 20 à une jeune paysanne partant pour la journée récolter des bouses de yak séchées pour le feu de la maison familiale.
✔ Partager sa tablette de chocolat noir 70% de cacao avec les orphelins des rues à 3 heures du matin.
✔ Danser le « Kazatchok » avec des bottes de nomades sur la place principale de Lhassa devant la foule hilare.
✔ Chanter « Les moulins de mon cœur », de Michel Legrand, avec des Chinois et des Tibétains (pour une fois réunis) à l’occasion de la fête de la pleine lune, dans le dernier resto branché du vieux Lhassa.
✔ Le cerveau mal oxygéné, imaginer l’ascension prochaine d’un sommet himalayen tout en relisant « Tintin au Tibet », page 39, et verser une larme d’émotion à l’exclamation du Capitaine Haddock : « Et dire qu’il y a des gens qui font ça par plaisir… ».
« Il vaut mieux allumer une Bougie que maudire l’obscurité ». Proverbe chinois
Photos et Textes : © 2015 François-Xavier PRÉVOT , Photographe Marseille – Croquis de Voyages du Tibet : Kaori PRÉVOT SAKUMA – Reproduction interdite –
Article original ici.
Retrouvez plus de photos de l’auteur : Là où la Terre discute avec le Ciel et sur YouTube.
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