Une avocate internationale spécialisée dans la défense des droits de l’homme a dénoncé les efforts déployés par le régime chinois pour discréditer les informations relatives aux prélèvements d’organes forcés pratiqués par Pékin sur les prisonniers d’opinion.
Lorsque le magazine italien Panorama a publié le 24 août dernier un article intitulé « La Chine : quand l’État veut vos organes », l’ambassade de Chine d’Italie a publiquement accusé le magazine de plagiat et a appelé les autres médias italiens à « éliminer » ce types de reportages.
Panorama a riposté en publiant un autre article apportant de nouvelles preuves sur les pratiques macabres du régime chinois.
Saluant Panorama pour ne pas avoir reculé, l’avocate spécialisée en droit pénal international Eleanor Stephenson a qualifié la réponse de l’ambassade d’« abusive, inadéquate et trompeuse ».
Me Stephenson est inscrite au barreau d’Angleterre et du Pays de Galles. Elle travaille actuellement pour un tribunal pénal international à La Haye, aux Pays‑Bas. Elle est juriste auprès de la Coalition internationale pour mettre fin aux abus de transplantation d’organes en Chine (ETAC), le groupe de défense qui a initié en 2018 le Tribunal de la Chine. Ce tribunal populaire indépendant a réuni un jury composé d’avocats, de professionnels de la santé, de défenseurs des droits de l’homme et autres experts chargés d’enquêter sur les prélèvements forcés d’organes en Chine.
Le Tribunal de la Chine
Le Tribunal de la Chine, organisé à Londres, était présidé par le célèbre avocat des droits de l’homme Sir Geoffrey Nice KC. Autrefois, Sir Geoffrey Nice a été le principal procureur du procès pour crimes de guerre du dirigeant yougoslave Slobodan Milosevic.
Dans son jugement final, rendu en juin 2019, le jury a conclu que « des prélèvements forcés d’organes ont été commis pendant des années dans toute la Chine à une échelle importante. Les pratiquants de Falun Gong ont été une – et probablement la principale – source d’approvisionnement en organes. »
L’ambassade de Chine au Royaume‑Uni a réagi à l’article de Panorama le 28 août, et a qualifié le tribunal de procès spectacle, accusant Sir Nice d’être un « expert notoire dans les poursuites judiciaires abusives sur la scène internationale des droits de l’homme ».
Me Stephenson a souligné par courriel à Epoch Times le 22 septembre, que cette accusation portée par l’ambassade ne reposait sur rien de concret.
« Le Tribunal de la Chine constituait une instance populaire indépendante chargée d’examiner un large éventail de preuves relatives aux prélèvements forcés d’organes pendant 12 mois », a-t-elle écrit. « Ils ont interrogé plus de 50 témoins directs, des experts, des enquêteurs et des analystes pendant cinq jours d’audience publique entre décembre 2018 et avril 2019. Le Tribunal de la Chine a examiné des dépositions écrites, des rapports d’enquête et des documents universitaires. Il a reçu des conseils juridiques d’experts sur le droit international approprié, notamment sur les crimes internationaux fondamentaux (crimes contre l’humanité et génocide). »
Selon le jugement du Tribunal de la Chine, les crimes contre l’humanité commis par la Chine « ont été prouvés au‑delà de tout doute raisonnable ». Le Tribunal met en garde les « gouvernements et tous ceux qui interagissent de manière substantielle » avec la Chine, en leur rappelant qu’ils « coopèrent avec un État criminel ».
Invitation à participer au Tribunal de la Chine ignorée par Pékin
Depuis plus d’une décennie, le régime chinois nie avec véhémence toute pratique de prélèvements forcés d’organes. Cependant il refuse que des enquêteurs indépendants ait accès à son système de transplantation et à ses données.
Me Stephenson a noté que « le gouvernement chinois a été invité à participer au Tribunal de la Chine à cinq reprises. Aucune réponse à ces invitations ne lui est parvenue ».
« Malgré des preuves irréfutables de prélèvements d’organes forcés sur les pratiquants de Falun Gong et sur d’autres membres appartenant à des groupes persécutés, la Chine ne veut pas ou ne peut pas fournir de preuves pour réfuter les déductions évidentes de prélèvements d’organes forcés généralisés et systématiques effectués en Chine… On peut supposer que si le gouvernement chinois disposait de preuves relatives aux prélèvements d’organes forcés et susceptibles de dissiper les inquiétudes suscitées, il les aurait fournies lors d’une des nombreuses occasions qui se sont présentées. »
Elle a ajouté : « Les protestations d’innocence sans éléments de preuve peuvent elles‑mêmes être incriminantes. »
L’ambassade de Chine a insisté sur le fait que « les droits de l’homme des personnes de tous les groupes ethniques du Xinjiang sont pleinement protégés et qu’il n’y a pas de ‘génocide’ ou de ‘crimes’ contre l’humanité. »
Le Tribunal Ouïghour
La Cour pénale internationale est la première cour internationale permanente au monde. En tant que tribunal international, elle est chargée de poursuivre ceux qui se sont rendus coupables de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre ou d’agressions. Cependant, la Chine n’a pas signé le traité des Nations unies régissant la Cour pénale internationale, et les procureurs de la Cour n’ont donc aucune compétence en Chine.
C’est pourquoi des tribunaux indépendants tels que le Tribunal de la Chine jouent un rôle important dans les enquêtes sur les violations des droits de l’homme commises par le régime chinois.
Me Stephenson a évoqué l’existence d’un autre tribunal de ce type, le Tribunal Ouïghour, qui est « une instance populaire indépendante créée en septembre 2020 pour enquêter sur les ‘atrocités en cours et un possible génocide’ contre les populations ouïghoures, kazakhes et autres populations musulmanes turques ». Les conclusions présentées par le Tribunal Ouïghour font écho à celles du Tribunal de la Chine. Le Tribunal Ouïghour a entendu 70 témoins au cours de deux séries d’audiences tenues à Londres aux mois de juin et septembre 2021, et a rendu son jugement le 9 décembre 2021.
Dans son jugement (pdf), le Tribunal Ouïgour a déclaré le Parti communiste chinois (PCC) coupable de torture, de crimes contre l’humanité et de génocide à l’encontre des Ouïgours du Xinjiang.
Me Stephenson a déclaré : « Il existe des preuves claires et irréfutables de prélèvements forcés d’organes en cours dans toute la Chine, y compris dans la région du Xinjiang. La réponse du gouvernement chinois n’est rien d’autre qu’une échappatoire. »
« Au lieu de s’engager dans l’hyperbole et dans la rhétorique de la réponse habituelle, la communauté internationale renouvelle sa demande répétée et très raisonnable pour que le PCC puisse faire preuve d’un esprit constructif en fournissant un accès transparent et non censuré aux données relatives aux activités de transplantation et de don d’organes en Chine. Les autorités chinoises devraient autoriser des inspections internationales indépendantes, comme c’est le cas pour d’autres pays. »
Le Parlement européen condamne les prélèvements forcés d’organes
Le 5 mai 2022, le Parlement européen a adopté une résolution sur les rapports (pdf) relatifs à la poursuite des prélèvements d’organes en Chine, condamnant le prélèvement forcé d’organes sur les pratiquants de Falun Gong et exprimant ses préoccupations concernant les Ouïghours.
Plusieurs membres du Parlement européen, dont Hilde Vautmans (Belgique), Seán Kelly (Irlande), Miriam Lexmann (Slovaquie) et Fabio Massimo Castaldo (Italie), ont pris la parole pour condamner la pratique du prélèvement forcé d’organes mise en œuvre par le PCC et demander au régime de faire toute la transparence sur son système de don et de transplantation d’organes.
La Finlandaise Jutta Urpilainen occupe le poste de Commissaire européen aux partenariats internationaux depuis 2019. Dans son discours, Mme Urpilainen a déclaré : « Nous saisirons toutes les occasions, y compris au plus haut niveau politique, pour faire part de nos graves préoccupations concernant la situation des droits de l’homme en Chine. Il est d’autant plus important de le faire que de multiples rapports continuent de fournir des preuves très crédibles de prélèvements forcés d’organes en Chine ».
« L’UE condamne avec la plus grande fermeté la pratique criminelle, inhumaine et contraire à l’éthique du prélèvement forcé d’organes. »
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