Le site chinois de commerce électronique Temu a retiré en France et au Royaume-Uni une campagne de promotion après une polémique sur l’utilisation des données des clients, a indiqué samedi la société. Les experts alertent sur l’utilisation des données récoltées par Temu, un analyste américain déclarant que « ce logiciel constitue une menace de sécurité urgente pour les intérêts nationaux américains ».
Cette offre consistait en France à « acheter et utiliser à vie plusieurs données personnelles de ses clients en échange d’argent et de bons d’achat », a indiqué samedi le quotidien français Le Parisien. Cette campagne, « lancée en Angleterre depuis plus d’une semaine, proposait depuis quelques jours en France de bénéficier d’une cagnotte de minimum 100 euros en téléchargeant l’application et en cliquant sur un lien de parrainage. Sauf qu’au passage, le bénéficiaire acceptait de vendre à vie une partie de ses données personnelles », écrit le journal. L’offre spécifiait en effet qu’en échange de l’argent reçu, les utilisateurs acceptaient que la marketplace utilise et publie leurs « photo, nom, voix, opinions, déclarations, informations biographiques et/ou la ville natale à des fins promotionnelles ou publicitaires dans tous les médias du monde entier, connus ou développés ultérieurement, à perpétuité, sans autre examen, notification, paiement ou contrepartie ».
Le groupe chinois, affirmant que « le programme a connu un grand succès en France, avec de nombreux clients satisfaits », a dit avoir décidé de le « supprimer temporairement » en raison de « malentendus sur l’étendue de (son) utilisation des informations client », dans un message adressé samedi à l’AFP, confirmant une information du Parisien. Et ce, « bien que nous n’utilisions que les noms d’utilisateurs et les photos de profil », affirme un porte-parole dans ce message. Le service de presse a indiqué que le programme était également « supprimé temporairement » au Royaume-Uni dans le but de « l’optimiser en fonction des retours des clients ».
Revendre ses données personnelles, c’est risqué !
« Si ces informations tombent dans le darknet, elles peuvent servir à des opérations de phishing » analyse Tom Balbic, le directeur marketing de NordVPN. « Plus vous avez d’informations sur quelqu’un et plus l’arnaque est crédible. Enfin, si le gouvernement chinois veut récupérer ces données pour étudier les opinions et les comportements économiques des Français, il en aura le droit. Avec Temu, on est dans le flou total puisque l’on ne sait pas où les données personnelles peuvent aller ! » Le moins grave reste le profilage commercial, vous recevrez massivement des spams, des appels ou des courriers indésirables.
« Temu perd 30 dollars par commande »
Lancée en 2022, l’application Temu a connu une croissance exceptionnelle, avec ses prix très bas pour des articles allant de l’habillement aux cosmétiques, en passant par les bijoux. Elle séduit facilement les personnes à faible revenu, jouant sur la possibilité d’« acheter comme un milliardaire », selon son slogan.
« Temu perd 30 dollars par commande. Ses dépenses publicitaires et ses frais d’expédition (1 à 2 semaines depuis la Chine, expédiés vers les États-Unis) sont astronomiques. On se demande comment cette entreprise pourrait un jour être rentable. » Et le rapport de Grizzly Research précise que c’est sur les données récupérées (plus ou moins légalement) que ce type d’application a le plus à gagner.
Selon l’expert du numérique Damien Pascal : « L’application aurait un accès pratiquement illimité à toutes les données stockées sur les smartphones des utilisateurs. Comme j’ai pu l’expliquer sur l’antenne de BFM TV ou dans le journal Le Point, les données peuvent, ensuite, être exploitées à de multiples fins [espionnage, marketing agressif, etc.]. »
Déjà aux États-Unis et en Grande-Bretagne
En avril 2023, l’application de commerce électronique d’origine chinoise [siège social aux USA], TEMU [concurrent de Wish, AliExpress et d’Amazon], a fait son entrée au Canada, puis en France et a rapidement gagné en popularité. Une société qui a déversé des millions de dollars en publicités sur le sol Américain.
Ainsi, l’analyste financier Siegfried Eggert, patron de la société américaine Grizzly Research, a publié un rapport affirmant que Temu était l’une des applications populaires « les plus dangereuses », affirmant qu’elle contenait des programmes « agressifs » conçus pour récolter des données. « Temu collecte des données sur les utilisateurs, notamment des messages mais aussi des données bancaires, affirme Grizzly Research. Mais M. Eggert va plus loin et accuse le propriétaire de Temu, le géant chinois du commerce électronique PDD, d’avoir « intentionnellement » caché un logiciel espion dans l’application. « Ce logiciel constitue une menace de sécurité urgente pour les intérêts nationaux américains », prévient-il. « Nous pensons que Temu est l’application la plus dangereuse largement diffusée », indique encore le rapport.
En Grande-Bretagne, des personnalités politiques demandent que Temu fasse l’objet d’une enquête « urgente ». « Le gouvernement et les régulateurs doivent établir les risques que courent les consommateurs britanniques si leurs données sont collectées et partagées avec le régime du Parti communiste chinois en vertu de sa loi sur le renseignement national », mettait en garde un député britannique.
Du côté de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)
Interrogée par l’AFP, la Cnil a indiqué samedi ne pas avoir reçu « à ce jour » de plaintes visant l’application Temu. Elle rappelle que « le RGPD (Règlement général sur la protection des données, ndlr) et la loi Informatique et Libertés reconnaissent aux personnes des droits sur leurs données (droit d’accès, de rectification et d’opposition notamment), auquel les personnes ne peuvent renoncer, y compris contre de l’argent ».
« La “vente” de données supposerait que les personnes renoncent à ces droits », ajoute le gendarme de la vie privée en matière numérique. La Cnil indique par ailleurs que « les applications mobiles sont au cœur (de son) plan stratégique 2022–2024 » et qu’elle prévoit de publier « une recommandation afin de clarifier les obligations des acteurs (éditeurs d’applications, systèmes d’exploitation, etc.) ».
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