« Le peuple français est né soldat; sa muse s’est éveillée au bruit des armes; ces premiers chants ont été des chants militaires. »
Le chant est une partie intégrante de la tradition. Si l’on prête attention à la voix de nos ancêtres, on peut remonter aux valeurs universelles qui ont fondé notre civilisation. Les chants militaires sont les héritiers inattendus de cette tradition.
Leur patrimoine est toujours vivant, d’une part parce qu’il fait vivre un héritage culturel millénaire et d’autre part parce qu’il se crée et se recrée encore aujourd’hui. Son histoire nous raconte le choix de nos ancêtres entre l’espoir et la barbarie, la lumière et l’obscurité, et comment la poésie les a accompagné dans les situations les plus glorieuses mais aussi les plus difficiles.
Comme le phœnix qui renaît de ses cendres, la France revient à la vie par les traits de son imaginaire poético-héroïque et par son lien avec l’imaginaire divin. Cette idée si douce a la capacité de calmer les errances et d’éclairer les nuits les plus longues. Un message universel, présent parmi tous les peuples depuis la nuit des temps et que la France a su préserver jusqu’à aujourd’hui grâce à son patrimoine.
Dans cette série en 3 parties, nous nous intéresserons d’abord à la poésie présente aux premières notes de notre civilisation, ensuite aux valeurs fraternelles que portent ces chants et comment ils ont participé à la cohésion des hommes face à l’adversité, jusqu’à aujourd’hui.
Une histoire qui remonte à l’aube des temps
« Le peuple français est né soldat; sa muse s’est éveillée au bruit des armes; ces premiers chants ont été des chants militaires » peut-on lire dans l’Essai historique sur les chants militaires des Français de Georges Kastner publié en 1855. On y apprend que les plus anciennes formes poétiques connues étaient à la fois des chants historiques et des chants guerriers.
Dans l’antiquité, les soldats gaulois entonnaient des chants appelés « bardits » sur les champs de bataille. Le silence de la mort était trop étourdissant pour ne pas le briser en chantant, pour se donner du courage et éloigner la peur. Ces chants étaient l’œuvre des « bardes » dont la voix retentissait et enthousiasmait les troupes avant le combat.
Ces derniers pouvaient s’interposer entre deux armées afin d’éviter un affrontement. Ils « chantaient au son de la lyre les faits des vaillants hommes, mis en vers héroïques » en appelant à une résolution pacifique. Le chant et la poésie étaient, à l’aube de notre civilisation, le premier véhicule du savoir et du sacré.
Un érudit sacré qui perpétue la tradition
Dans l’antiquité, les sociétés indo-européennes étaient organisées en trois classes: la classe productrice (les marchands, les agriculteurs, les chasseurs, etc.), la classe guerrière (la défense du territoire, la maîtrise des armes et des techniques de combat) et la classe sacerdotale (responsable du sacré et du religieux). Les bardes faisaient partie de cette troisième catégorie aux côtés des druides et des devins. Ils étaient considérés comme des lettrés, respectés du peuple, à la fois historiens et musiciens… plutôt loin de l’image du barde Assurancetourix de la bande-dessinée Astérix de René Goscinny et Albert Uderzo.
On retrouve la trace des bardes chez les auteurs gréco-romains, qui les rapprochent des poètes de l’antiquité grecque, à la fois conteurs, chanteurs et prêtres. Ces poètes, appelés « aèdes », chantaient les exploits des dieux et des héros grecs en s’accompagnant également d’une lyre. Les bardes gaulois avaient une différence, ils guidaient les guerriers sur les champs de bataille. « Sur les champs de bataille, les chants des bardes étaient de la poésie martiale. Les bardes étaient tout à la fois poètes, musiciens et législateurs, et marchaient à la tête des armées » peut-on lire dans l’essai de Georges Kastner.
Dans la Guerre des Gaules, Jules César disait lui-même que « les Gaulois ne conservaient la mémoire des arts et des sciences qu’ils cultivaient, et, en général, celle de toutes leurs institutions, que par des poèmes chantés: il leur était défendu de rien écrire. Des traces du même usage se font remarquer chez les Francs ». Loin de l’image prosaïque donnée par l’époque moderne, les lois, les sciences et les arts de la société pré-médiévale empruntaient à la poésie « ses traits si doux et son divin langage, afin de s’emparer plus facilement du cœur et de l’imagination des hommes ».
Les bardes avaient pour spécialisation l’histoire et la généalogie (celle des rois et des héros), la poésie (mythologique et épique), la louange du ciel, mais aussi la satire et le blâme des corruptions de la société. Leur talent était réputé d’inspiration divine. Au Ve siècle, à la fin de l’Empire romain et au début du Moyen-Âge, ils perdirent leur fonction sacrée, remplacés par les prêtres et les cantiques. Ils resteront néanmoins des conteurs d’histoire et des musiciens jusqu’au début de la Renaissance.
La transmission orale au cœur des chants militaires médiévaux
Les valeurs de la culture chrétienne qui naissent avec le Moyen-Âge trouvent leur place dans l’imaginaire des premiers chants militaires. Elles mêlent à la poésie épique, la foi en un dieu bienveillant et l’existence d’un esprit saint. Les bardits sont remplacés par les cantiques (des chants donnés à Dieu) et par les chansons de geste qui embrassent le nouvel imaginaire poético-héroïque des dynasties françaises.
On retrouve ces cantiques dès le Haut Moyen-Âge et certains seront encore chantés plusieurs siècles plus tard par les soldats de Jeanne d’Arc allant délivrer Orléans. Les chansons de geste apparaissent quant à eux au sein l’armée et de la chevalerie, célébrant les hauts faits guerriers des héros et des rois. Ils sont les ancêtres de nos chants militaires.
Parmi les différents types de chants militaires, on retrouve les chants de marche et de bivouac — pour distraire de la fatigue; les chants de départ et les saluts du soir — pour se donner du courage; les chants de cérémonies — pour honorer les compagnons, ainsi que les chants spécifiques aux différents corps de l’armée. « Ces quelques exemples permettent de saisir l’ampleur et d’avoir un aperçu de la richesse d’un répertoire bien vivant en constante mutation, mais qui ne se laisse pas enfermer dans un cadre définitif » peut-on lire dans Le chant militaire français : un patrimoine vivant de Thierry Bouzard. Tous ces chants ont en commun une transmission à l’oral et l’entretien de la cohésion du groupe.
De Clovis et de sa bienveillante femme Clotilde au Ve siècle, au roi Saint Louis et à la courageuse Jeanne d’Arc, en passant par l’empereur Charlemagne et les chevaliers des Croisades, les chants militaires sont un témoignage des époques historiques. À partir du XIe siècle, l’un des sujets les plus importants sont les grandes expéditions de Charlemagne. Le royaume de France connaît alors un effondrement social et moral causé par les invasions barbares et l’impuissance des autorités à les repousser. Dans ce contexte, les accomplissements de la dynastie carolingienne quelques siècles plus tôt redonnent du courage et de l’espoir à une population menacée par le chaos.
Une des chansons les plus connues du XIe siècle est la Chanson de Roland, considérée comme la « Marseillaise de la chevalerie ». Elle fut chantée par les soldats et les chevaliers pendant 300 ans jusqu’à la fin du XIVe siècle. Dans cette épopée héroïque, Roland, neveu de Charlemagne, se sacrifie pour donner une victoire décisive qui sauva l’Europe d’une invasion sarrazine. Selon l’auteur Philippe De Villiers, la France naît avec la Chanson de Roland dans un acte littéraire : « Quand Roland, au moment de l’ultime agonie, se tourne vers Olivier, il le supplie : «Tu tourneras ma tête vers France la Douce.» C’est à cet instant, selon lui, que naît la France : « La France vit du sentiment qu’elle est un poème, c’est-à-dire un jardin de paradis. »
Comme le phœnix qui renaît de ses cendres, la France revient à la vie par les traits de sa poésie, par l’élan généreux de son sacrifice et son lien avec l’imaginaire divin. La France devient alors un idéal qui nourrit les fruits des plus grands accomplissements et des plus beaux rêves.
Des chants multiséculaires toujours vivants
« Si l’on prête l’oreille à la voix de ses ancêtres, on entend une clameur sourde et pourtant formidable » écrit Georges Kastner. Voici un échantillon de ces chants médiévaux, véritables capsules temporelles, avec les valeurs qu’ils véhiculent jusqu’à nous.
« Les Terres Saintes »: « Vrais chevaliers tombez toute parure, armez-vous, drapez-vous de votre foi » (cliquez sur le titre de la chanson pour l’écouter)
Cette chanson du XIIIe siècle fait référence aux Croisades menées par Saint Louis pour défendre l’Europe des invasions musulmanes et préserver l’héritage civilisationnel judéo‑chrétien. On retrouve des références au devoir moral du chevalier et à l’importance de la « sainte Famille », celle de nos proches et de la patrie: « Les remparts d’une sainte Famille, foyer, chaleur qui point ne vacillent. Les fortes enceintes des dynasties, offrant tutelle à tous ses amis ».
Avec ces valeurs, disparaît la peur de la tête des enfants : « Nos enfants exaltent de joie, front de l’amour et chantant sans peur, de nos âmes ils vont défendre, la Jérusalem de leur cœur ». La « Jérusalem de leur cœur » fait référence à la ville de Jérusalem, lieu sacré des religions juive et chrétienne, et par extension à la « Jérusalem céleste », lieu saint et divin existant dans les cieux.
« Au Revoir Camarade » : « Le chemin des étoiles où nous nous retrouverons demain »
« Au Revoir Camarade » est une ronde d’adieu prenant la forme d’une chanson médiévale : « Au revoir camarade, que le Seigneur te protège, sur la route où veillera ton ange. Que la Vierge te montre le chemin des étoiles, où nous nous retrouverons demain. »
Si elle reprend les codes d’une chanson médiévale, elle a été composée au XXe siècle par les scouts. Chantée en ronde, chaque scout salue ses autres camarades, les autres chantant en cœur ce chant pour lui. Poétique et symbolique, ce chant est si doux qu’il dissipe la tristesse de l’adieu et le remplace par l’espoir de se revoir le lendemain.
« Rappelle-Toi Jeanne »: « France ô ma France, il faut élever jusqu’aux Cieux »
« Rappelle-Toi Jeanne » est tiré d’un poème religieux mis en musique sur la Marche des Soldats de la Bataille de Bannockburn. Lors de cette bataille en 1314, l’armée écossaise remporte une écrasante victoire contre les Anglais. Cette marche a été jouée lorsque Jeanne d’Arc est entrée victorieuse dans la ville d’Orléans en 1429. Cette victoire fit basculer la guerre de Cent ans contre les Anglais en faveur de la France et permit le retour de Charles VII à la tête du royaume français, par son baptême à Reims.
Cette marche nous rappelle une époque où les valeurs de la France étaient intrinsèquement liées à sa foi dans le divin et à la défense de la patrie : « France ô ma France, il faut élever jusqu’aux cieux ta patrie si tu veux retrouver la vie, et que ton nom soit glorieux ».
« Ballade de Naguère » : « Rappelez-vous les temps des conquêtes »
Si cette ancienne chanson médiévale n’a pas d’origine historique précise, on peut la dater au Moyen-Âge. Les paroles mentionnent les valeurs qui forgèrent, jadis, l’idéal du chevalier : « Rappelez-vous les temps des conquêtes, du sang qu’on versait sans faiblir, on préférait mourir à la quête, plutôt que tromper ou faillir ».
Elle rappelle qu’une flamme brûle toujours à la fin du jour comme un écho des anciennes batailles. Cette flamme rappelle le temps où la loyauté et les serments duraient toute une vie et qu’un feu fraternel unissait les hommes. Ils étaient alors plus « qu’une poignée de cendres grises », plus que de simples mortels, ils avaient en eux plus qu’ils ne pouvaient croire.
Pour conclure cette première partie
Cette poésie, née dans les conditions humaines les plus dures et les plus glorieuses, s’est transmise comme un murmure jusqu’à aujourd’hui. Un message des anciens temps qui nourrit la flamme des nouveaux jours. Si cette musique millénaire devient de moins en moins audible aujourd’hui, elle est essentielle à la construction des esprits par les valeurs spirituelles et fraternelles qu’elle véhicule.
C’est le chemin laissé par la tradition, un message universel présent dans tous les peuples et que la France a su le mieux préserver dans ses arts et sa culture. Cette poésie, cette musique, cette idée si douce de l’humanité, peuvent guider et calmer toutes les errances, faire fuir les peurs et donner l’espoir d’un lendemain heureux lorsque termine le jour.
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La culture et l’histoire françaises sont notre bien commun, elles font partie de l’âme française, c’est‑à‑dire de l’âme de chacun de ses citoyens. Elles nous inspirent et nous rappellent d’être loyal, courageux et honnête, et de garder espoir dans les périodes les plus sombres de notre histoire. Elles montrent la grandeur et le destin de notre pays incarnés par un homme ou par une femme, comme il pourrait l’être par chacun.
Avec « Défendre la France », Epoch Times veut rappeler aux Français les valeurs et la riche histoire de notre nation. Si les Français cherchent à mieux comprendre la profondeur de leur histoire, son lien millénaire avec ce qui nous dépasse, ils trouveront alors une alternative profonde à la confusion du moment.
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