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Une plongée dans les mines de charbon sous-marines

mai 15, 2018 16:06, Last Updated: mai 15, 2018 16:06
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Sorti en salle en mars 2018, Battleship Island, film du coréen Ryoo Seung-wan, rappelle la terrible épopée de milliers de Coréens et de Chinois contraints pendant la Seconde Guerre mondiale de travailler dans la mine de charbon sous-marine située dans la minuscule île japonaise de Hashima.

À quelques encablures de Nagasaki, cette portion de terre aussi appelée Gunkanjima, ne mesure que 480 mètres de long sur 16 mètres de large. Découvert en 1810, son excellent minerai a été exploité pendant un peu plus d’un siècle, de 1870 à 1974, par la société Mitsubishi.

Grâce à ses puits (deux puis quatre) qui s’enfoncent à 600-700 mètres sous l’océan et dans lesquels plusieurs milliers de mineurs s’activent, la production s’élève à 150 000 tonnes par an au tournant du XIXe siècle et à un peu plus de 400 000 en 1941.

Une île-prison qui attire les touristes

Les conditions de travail y sont très dures et très dangereuses : car après une première descente « aux enfers » dans les profondeurs de la mer, vient celle de longs plans inclinés en chariots, puis l’abattage du charbon dans des galeries au sein desquelles les hommes ne peuvent que travailler allonger. Grisouteuse – le gaz, dit « grisou », y étant très présent –, la mine de Hashima est également menacée en permanence par de possibles inondations.

Sur l’île d’Hashima dans les années 1950. (Compte Facebook Battleshipisland)

Véritable prison, Gunkanjima, dont il est quasiment impossible de s’enfuir, a longtemps été un îlot surpeuplé. À la fin des années 1950, sa population – les mineurs, leurs familles, les instituteurs, les commerçants… – était de plus de 5 000 habitants. Sur ce minuscule bout de territoire, des immeubles, des écoles, un cinéma, un hôpital, des installations sportives, et même un cimetière, organisaient la vie totalement autarcique de cette communauté singulière.

Depuis 2015, l’île désormais à l’abandon a été classée au Patrimoine mondial par l’Unesco… et se visite ; une distinction qui a scandalisé les Coréens dont les parents y ont été soumis au travail forcé. Les visites organisées partent du port de Nagasaki.

À Whitehaven, entre espoir et crainte

Au Royaume-Uni, à Whitehaven et à Workington, deux mines situées en Cumbria occidentale et fermées en 1986, ainsi qu’à la Mostyn Colliery, localisée au Pays de Galles et fermée en 1996, le charbon s’extrayait à plusieurs centaines de mètres sous la mer depuis au moins le XVIIe siècle dans des conditions très périlleuses.

L’eau de mer ne s’est-elle pas ainsi engouffrée dans les galeries de l’un des puits des mines à Workington, le 28 juillet 1837 ? Ce jour-là, 24 mineurs ainsi que de nombreux chevaux travaillant au fond, ont péri.

Depuis une trentaine d’années, il est question d’exploiter le charbon très profondément enfoui sous la mer près de Whitehaven. Ce projet prévoit une production de plus de 3 millions de tonnes par an. Les méthodes envisagées pour cette deep coal mine sont vivement critiquées par les militants écologistes locaux qui redoutent les retombées sur l’environnement, et plus particulièrement en matière de changement climatique.

Pourtant, dans cette région où la première mine sous-marine date de 1729 et dont il demeure encore des traces sur les falaises, comme dans toutes celles où le travail de la houille a marqué les communautés locales, voir à nouveau le charbon sortir du sous-sol, avec quelques emplois à la clef, n’est pas pour déplaire.

Des techniques controversées

En Nouvelle-Écosse, au Canada, dans le très riche bassin houiller de Sydney, dont 160 km2 sont situés sous la mer, entre Cap Breton et Terre Neuve, le charbon a été exploité pendant plus de deux siècles. L’aérage y a toujours été difficile à assurer, plus particulièrement dans les galeries qui s’enfoncent à près de 5 km sous l’eau. Avec ses très importantes réserves de minerai, Sydney fait également l’objet de projets qui envisagent l’exploitation par gazéification sous l’océan.

Cette technique avait été proposée afin de tirer profit de la veine située sous le village de Lucenay-les-Aix, dans la Nièvre, non loin de l’ancien site d’extraction de La Machine. Elle a été définitivement abandonnée en 2009 en raison de son coût élevé et de ses nuisances supposées, autant de sujets actuellement en discussion au Canada.

(France Info, juin 2014)

Matériau artistique

Au sud de Concepcion, au Chili, l’ex-ville minière de Lola, l’une des plus pauvres du pays depuis la fermeture de la mine en 1997 après 140 ans d’exploitation, conserve, elle, fidèlement le souvenir du passé.

D’ex-mineurs font désormais visiter leurs anciens lieux de travail à plus de 900 mètres sous la mer. Si Chiflón del diablo était l’une des seules mines au monde à être ventilées naturellement, elle n’en était pas moins extrêmement risquée pour tous ceux qui y travaillaient ; les exploitants faisaient faire le soutènement des galeries, dans lesquelles l’eau salée s’infiltrait, avec du bois d’eucalyptus, plus résistant mais beaucoup plus coûteux.

Couverture du recueil de nouvelles Sub Terra de Baldomero Lillo.

Cette mine a servi de décor pour le film Sub Terra sorti en 2003 et tiré du recueil de nouvelles publié en 1904 par le Zola chilien, Baldomero Lillo, lui-même ancienne gueule noire.

Une exploitation qui divise

En Chine, Beizoa, la seule mine de charbon sous-marine du pays a fermé en octobre 2017. En trente années, elle a produit 8 millions de tonnes de minerai. Dans cette région du Shandong, près de la ville de Longkou, quelque 1600 mineurs se sont ainsi retrouvés sans travail en raison d’une extraction à 350 mètres de profondeur jugée trop coûteuse, en dépit de l’importance des dix-huit kilomètres carrés de réserves répertoriées.

Si l’exploitation classique du charbon sous-marin a été abandonnée dans les quelques pays où elle était mise en œuvre, il est évident que d’importantes réserves de houille existent encore sous les océans.

Les difficultés techniques ayant rendu son exploitation de moins en moins rentable, différents projets ont donc été élaborés afin de permettre l’extraction du minerai avec une main-d’œuvre réduite… C’était sans compter avec la montée du mécontentement des populations locales et sur la réactivité des écologistes.

Diana Cooper-Richet, Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines – Université Paris-Saclay

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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