Depuis l’annexion de la Crimée, Vladimir Poutine était sous le feu des projecteurs, et la cible de critiques virulentes de la part de l’Occident. Mais en quelques mois, la situation a changé ; après un mois de tractations, et alors que les troupes russes s’apprêtent à s’engager en Syrie, le chef de l’État russe adresse un message à son peuple et aux États. Rien n’est laissé au hasard, dans ce qui paraît être une lutte politique pour le pouvoir et le statut de la Russie.
Ce lundi, Vladimir Poutine gratifiait le conseil de sécurité de l’ONU d’un discours aux accents de victoire. De nombreux observateurs ont vu dans la montée du leadership du président russe au Moyen Orient un renversement de vapeur des forces géopolitiques en présence. Une montée qui inquiète, mais qui ne saurait surprendre au vu du contexte.
Les renforts de militaires russes qui ont récemment rejoint la Syrie, sont prêts à intervenir. De quoi rappeler que la Russie ne s’était plus engagée au Moyen Orient depuis sa campagne en Afghanistan en 1979. D’un point de vue politique, Vladimir Poutine a tout à perdre à la victoire des forces rebelles syriennes – et à la montée en puissance des Caucasiens parmi elles. Ils pourraient, en cas de victoire, contester le leadership russe au Nord du Caucase et causer des troubles aux frontières orientales de la Russie.
L’intérêt politique des pays dictent leur position dans le commerce comme dans la guerre. Que ce soit la France ou les États-Unis, ces positions sont rarement complètement altruistes (libérer un peuple, exporter la démocratie…), et s’accommodent d’intérêts privés. Mais contrairement aux intérêts stratégiques ou commerciaux, le discours prononcé par le président Russe ne semblait satisfaire qu’une seule ambition : le renforcement de son propre pouvoir dans le jeu des antagonismes.
Aussi, que faut-il comprendre quand le président russe parle d’échec de la démocratie à l’occidentale ? Il apparaît en fait que le président s’adressait en premier lieu au peuple russe. En montrant l’image d’un dirigeant triomphant à la tête du Conseil de sécurité de l’ONU, Vladimir Poutine n’a cherché à convaincre personne, ni à s’engager sur quoi que ce soit, il entretenait le mythe envers son propre peuple.
Voici les points clés de l’intervention du président russe.
Au sujet des prises de positions unilatérales
La critique du leadership américain et des positions de l’OTAN a été centrale dans le discours russe. Un discours généraliste, donc peu enclin aux positions concrètes ; mais le ton résonnait comme un règlement de compte depuis l’épisode de la Crimée, qui a beaucoup isolé le président russe.
Critiquant l’unilatéralisme américain, Vladimir Poutine a dit : « Nous savons tous qu’après la fin de la Guerre Froide, un seul centre de domination a émergé. Ceux qui étaient à son sommet pensaient que comme ils étaient si forts et exceptionnels et qu’ils savaient mieux que tout le monde, qu’ils n’avaient pas besoin demander son avis à l’ONU. »
« Certains de nos collègues continuent à raisonner en termes de blocs, comme c’était le cas du temps de la Guerre froide » a t-il aussi remarqué. Si vous vous demandez aussi pourquoi on entend encore parler de « Guerre froide » dès qu’il s’agit de la Russie, c’est qu’il s’agit là d’un des domaines préférés de la télévision russe. Il n’est pas rare, sur les chaînes contrôlées par le gouvernement (90% de la population russe les regarde), d’entendre dès l’heure du petit déjeuner quelles sont les stratégies militaires russes en cas d’attaque de l’Occident.
Et le soir, dans des talk-show de grande écoute, Dmitri Kiselev, présentateur et porte parole du Kremlin, de poser la question de savoir pourquoi les États-Unis veulent relancer la Guerre froide. Des heures durant, des spécialistes militaires russes expliquent la vision « sournoise » des occidentaux et les contre attaques orchestrées de main de maître par leur président. Qui se risque même, depuis quelques mois, à agiter sur les écrans de la mère patrie la menace d’une attaque nucléaire russe contre les États-Unis.
La question de la légitimité du pouvoir russe face à son peuple est donc centrale. À en croire ces propos, celle ci serait intrinsèquement liée à la défaite occidentale. Là encore, du pain béni pour les télévisions russes. Michail Leontjew, analyste de la 1e chaîne de télévision d’État russe, précisait dans un documentaire d’Arte que « la télévision n’a jamais été un temple dédié au débat et à la discussion. Sur les dizaines de millions de téléspectateurs cibles, seuls quelques uns seront capables de faire preuve d’un discernement et de sens critique » » Le jeu n’est pas de révéler la vérité, il s’agit de battre son adversaire politique » a ajouté le ‘journaliste’.
Un objectif proche d’être réalisé à la tribune des Nations Unies par Vladimir Poutine. » Premièrement, il s’agit de l’expansion de l’OTAN. Mais on se demande, pour quelle raison ? Le Bloc de Varsovie a cessé d’exister, l’Union Soviétique n’est plus, et néanmoins l’OTAN a non seulement survécu, mais continue son expansion. Au bout du compte, cette logique devait se conclure par une crise géopolitique – et elle a eu lieu en Ukraine » indiquait le président russe dans son discours.
Des leçons sur les droits de l’Homme
La situation difficile en Syrie et l’enlisement des positions occidentales ont permis à Vladimir Poutine de renforcer sa position dans la gestion du dossier. « Le principe de réalité finit toujours par prendre le dessus sur les émotions morales. La stratégie occidentale est en échec en Syrie depuis quatre ans » relève Hadrien Desuin, expert en relations internationales et diplomatie française.
« Les rôles s’inversent puisque jusqu’à présent ce sont les Occidentaux qui mettaient bruyamment la Russie devant le fait accompli » remarque encore l’analyste. Pas étonnant si dans son discours, le chef de l’État russe s’en prend même aux valeurs démocratiques : « L’exportation des soi-disant révolutions ‘démocratiques’ continue. Est-ce que vous comprenez ce que vous avez fait ? Au lieu du triomphe de la démocratie, nous voyons la violence et le désastre social, personne ne pense aux droits de l’Homme, y compris le droit à la vie».
Là encore, les droits de l’Homme dont parle le président Russe sont une notion politique de plus en plus travaillée par la propagande russe. Depuis deux ans, Vladimir Poutine affiche par tout les moyens le développement économique de la classe moyenne russe. Les droits humains deviennent naturellement la possibilité d’enrichissement que font miroiter les médias. Mais sur le terrain, les inégalités, n’ont jamais été aussi fortes.
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D’après l’INSEE, la « baisse des revenus a accentuée l’inégalité », et au cours de la dernière décennie, les revenus entre les 10% de la population les plus riches et les 10% de la population les plus pauvre a augmenté de 300%.
La paix sociale en Russie comme dans tout bon pays communiste est une variable qui s’ajuste selon les discours.
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