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Au Cambodge, un bidonville au milieu des tombes

juin 21, 2019 6:35, Last Updated: mai 2, 2023 20:24
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Dans un quartier populaire de Phnom Penh, Ma Nith prépare le dîner de sa famille à la belle étoile. Rien d’étonnant, sauf que sa cuisine de fortune est… au milieu des tombes d’un vieux cimetière.

Cette quadragénaire s’est installée il y a 16 ans à Smor San, qui signifie littéralement « cimetière » en khmer, à la suite d’un mariage arrangé. « Quand je suis arrivée ici, j’ai été choquée. Je ne m’attendais pas à vivre dans un tel endroit », explique-t-elle, tandis qu’un de ses quatre enfants grimpe sur une tombe. « Mais maintenant je m’y suis fait », assure-t-elle.

Le Cambodge, ruiné par le régime ultra-maoïste des Khmers rouges dans les années 1970, a connu une forte croissance économique ces dernières années (plus de 7% en 2018), dont les fruits sont surtout visibles à Phnom Penh, le pays restant l’un des plus pauvres et inégalitaires d’Asie du Sud-Est.

A Phnom Penh, la capitale où les prix des terrains flambent, les résidences de luxe et grands projets réalisés avec l’aide du puissant voisin chinois avoisinent des bidonvilles comme celui de Smor San. Quelque 130 familles vivent ici, outre celle de Ma Nith, dans des cabanes de fortune aux toits de tôle posées au milieu des tombes colorées. Certaines maisons ont même été construites au-dessus des tombes.

La plupart des habitants, ouvriers en bâtiments ou petits commerçants, vivent ici depuis les années 1990. Certains venaient d’une communauté installée au bord de la rivière Bassac qui coule dans Phnom Penh; d’autres ont été expulsés de leurs maisons voisines, détruites pour y construire un grand marché.

Vivre dans ce bidonville au milieu d’un cimetière est à leurs yeux le meilleur moyen de rester en centre-ville et de ne pas être relégués dans une lointaine banlieue, loin du grand marché. « Pour moi comme pour tout le monde, habiter ici est sûr », témoigne Am Sokha, un habitant des lieux.

Les cimetières sont étrangers à la culture cambodgienne, qui veut que les cendres des proches soient dispersées ou gardées dans des urnes. Seuls des Vietnamiens sont enterrés à Smor San. Et leurs descendants ne voient pas d’un très bon œil ces intrusions au cimetière.

Les Vietnamiens « disent que c’est le désordre parce qu’il y a beaucoup de gens qui habitent ici, donc ils déterrent leurs ancêtres pour les enterrer ailleurs », raconte Peanh Moeun, une habitante de 63 ans, assise sur une couchette en bois posée juste à côté d’une tombe.

Quand la sexagénaire a déménagé ici il y a près de vingt ans, faute de pouvoir rester plus longtemps chez des proches, il y avait 300 tombes ici, se souvient-elle. Aujourd’hui, il en reste une centaine, dit cette bouddhiste qui s’est habituée à vivre ici.

Am Sokha, un ancien sans-abri, assure n’avoir pas peur des fantômes, une croyance pourtant très ancrée en Asie du Sud-Est. « Les fantômes, nous les chassons », assure cet homme de 62 ans, qui avoue parfois manger les offrandes déposées par les familles des morts.

Les fantômes « sont comme nos voisins, ils ne nous font rien. »

D.C avec AFP

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