Avec leurs blazers à liserés rouges et leurs écussons sur la poitrine, les élèves de l’école élémentaire de La Chevalière, sur les hauteurs de Béziers (Hérault), avaient des airs d’Harry Potter en ce lundi de rentrée.
Désireuse depuis 2014 d’adopter « l’uniforme scolaire », la ville du maire Robert Ménard, ex-proche de Marine Le Pen, est la première en France métropolitaine à tester la « tenue unique », projet porté par le Premier ministre, Gabriel Attal, et le président de la République, Emmanuel Macron.
Complétée d’un pull gris, d’un polo blanc et d’un pantalon sombre, la tenue de La Chevalière a été choisie par les 147 élèves, et leurs familles, de la petite école publique d’un quartier plutôt coquet.
En tout, quatre écoles et plus de 700 élèves sont concernés par l’expérimentation dans la ville de 78.000 habitants, l’une des plus pauvres de France. « On a eu des demandes très classiques, qui rejoignent l’univers d’Harry Potter ou des mangas », a indiqué lors d’un point de presse dans la cour de l’école la députée divers droite et épouse du maire, Emmanuelle Ménard, qui s’attendait plutôt à un choix de tenues « jeans et T-shirt ».
Reculer les problèmes de « différenciation sociale », de « harcèlement »
Avant la sonnerie, les écoliers se réunissent sous le préau, blazer dissimulé par une grosse veste, qu’ils enlèveront en rentrant, un peu intimidés par les nombreuses caméras de télévision présentes. « Il y en a des fois, ils disait : ‘Oh, t’es moche, t’es pas habillée pareil’. Moi ça me faisait un peu mal. Au moins on aura la même jupe, le même polo, les mêmes blazers et tout », dit sous le préau de l’école Alexia, fière ans, fière d’étrenner ses habits neufs.
« Ils sont très beaux. Et puis, avec le badge, si on se perd dans la rue, on nous ramènera », ajoute Marie, sa copine de CE1. « Je ne vais pas bouder mon plaisir », s’est réjoui Robert Ménard. « Il ne s’agit pas de dire que cela va régler tous les problèmes. Simplement, on espère que sur un certain nombre de points, on va avancer ».
« Quand vous êtes riche ou pauvre, vous ne vous habillez pas exactement de la même façon. Ça se verra moins », assure le maire, souhaitant que cela fasse reculer les problèmes de « différenciation sociale », de « harcèlement » ou encore de communautarisme.
À Béziers, les écoliers concernés ont été invités pendant les vacances à retirer gratuitement leurs « kits de vêtements » dont le coût, 200 euros, est réparti à égalité entre la ville et le ministère de l’Éducation nationale.
92 établissements « se sont portés candidats » à l’expérimentation
À ce stade, 92 établissements en France « se sont portés candidats » à l’expérimentation, un peu moins que l’objectif gouvernemental de 100 établissements, a indiqué lundi matin la ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet. « Ce que nous voudrions voir, c’est si, oui ou non, le port de la tenue peut créer une sérénité dans la classe, peut apaiser le climat scolaire. On sait qu’on apprend bien quand le climat est apaisé », a-t-elle souligné.
Les effets sur « le climat scolaire » feront l’objet d’une « évaluation indépendante par des laboratoires de recherche » et « si c’est positif, il pourra y avoir une extension du dispositif », a indiqué à Béziers la rectrice de l’Académie de Montpellier, Sophie Béjean.
Côté syndicats, on ne partage pas l’enthousiasme des autorités. Pour Jean-François Guerrero, professeur des écoles et représentant Unsa-Éducation à Béziers, il s’agit d’une « mesure d’apparat ». « On regarde aussi les dépenses : 200 euros par élève, aucun enseignant ne cracherait dessus en termes de voyages, de projets pédagogiques », dit-il. Pour lui, les enseignants « ne comprennent pas que d’un coup on puisse avoir d’énormes budgets pour une mesure qui en fait ne va sans doute pas fonctionner tant que ça ». Selon Sophie Béjean, le coût, relativement modeste dans l’ensemble du budget, ne rognera pas d’autres projets pédagogiques sur l’académie de Montpellier.
La « tenue unique » est un serpent de mer dans les débats sur l’éducation en France, où l’uniforme n’a jamais été obligatoire dans les écoles publiques. Le président Macron, qui y est favorable, envisage de la généraliser en 2026 si les résultats de l’expérimentation sont concluants.
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