TRADITIONS CHINOISES

Au bord de l’eau (Shui-hu-zhuan)

mars 23, 2016 10:00, Last Updated: mars 23, 2016 9:49
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Les quatre grands classiques de la littérature chinoise sont L’Histoire des trois royaumes, Voyage vers l’Ouest, Rêve dans le Pavillon rouge et Au bord de l’eau. Ce sont les romans les plus anciens. Ils constituent l’apogée de la littérature chinoise et sont à la racine de nombreux récits non seulement en Chine, mais aussi au Japon, en Corée et au Vietnam.

Dès ses débuts, le récit Au bord de l’eau a passionné le peuple. Des siècles durant, on n’a cessé de parler des 108 personnages, les héros du roman. Il y a de cela 400 ans, à l’époque de la dynastie Qing (1644-1911), un critique littéraire alors célèbre, Jin Shengtan, affirmait qu’Au bord de l’eau était le livre le plus intéressant du monde et qu’il fallait absolument le lire.

Au bord de l’eau est apparu pour la première fois il y a plus de 1 000 ans à l’époque de la dynastie Song du Nord (960-1126). Le royaume était alors marqué par le chaos et la corruption était largement répandue au sein du pouvoir, alors que la population était, elle, plongée dans la misère. De ce fait il y avait souvent des révoltes. Dans la région du Shandong vivait un homme du nom de Song Jiang. Song Jiang était le chef d’un groupe composé de 36 personnes, en majorité des paysans, qui a commencé à se révolter dans le Shandong.

Un roman, 108 personnages et 108 héros

Ces héros tuaient les riches et aidaient les pauvres. Leurs actions faisaient trembler les dirigeants et provoquaient la joie de la population. Le groupe d’insurgés échappait toujours de justesse aux attaques de l’armée régulière du gouvernement et avait une forte influence sur la population.

Finalement, le Mont Liang, alors sous le contrôle des héros, fut conquis par les autorités. Les révoltés, alors au nombre de 108, s’appelaient eux-mêmes les « 108 généraux d’armée ».

Dans le roman, l’auteur raconte la vie de ces 108 individus bien personnalisés et hors du commun. Certains brillant par leur intelligence, d’autres par leur courage, certains maîtres tacticiens tuant aussi les méchants et aidant les bonnes personnes. Pour préserver la justice, certains étaient prêts à sacrifier leur vie, d’autres faisaient preuve de tolérance et étaient fidèles.

« Wu Song tue le tigre ». (wikimedia)

Dans l’antiquité, tous ces personnages étaient aimés comme des héros par le peuple chinois. Un dicton, repris maintes fois au cours du livre, ne dit-il pas que « dans l’univers, entre les quatre mers, tous les hommes sont frères » ?

L’écriture du roman Au bord de l’eau est claire et simple, alerte et captivante. Tant le style de l’auteur que le langage des héros communiquent un dense parfum de vie.

Dans la partie « Wu Song tue le tigre », l’auteur raconte une scène s’intégrant dans le récit général. Wu Song n’a pas écouté les conseils du serveur de la taverne et a bu plus que de raison puis est monté seul à la montagne. Arrivé devant un temple, il voit un avertissement à propos du tigre mais n’apprend son existence qu’une fois arrivé au sommet. Il hésite un peu mais continue à monter. En seulement deux phrases, l’auteur campe l’atmosphère et les sentiments du héros, « Wu Song est pris de vertige et voit que le soleil se couche doucement. Wu Song balance son corps d’un côté, de l’autre, et se dirige vers les arbres ».

En deux phrases sont décrits le temps des mouvements du tigre et en même temps l’endroit de ses attaques. Elles rendent compte à la fois de l’atmosphère terrifiante et des sentiments de Wu Song. Elles donnent aux lecteurs la sensation que le tigre peut apparaître à tout moment. Quand le tigre apparaît pour de bon, l’auteur rend compte avec lyrisme des feulements et des sauts rapides de l’animal qui font trembler la colline. Le tigre attaque Wu Song mais perd aussitôt sa force et Wu Song fait coucher le tigre à terre. Le tigre ne pourra pas échapper et sera tué par Wu Song. On voit ainsi l’émergence de l’image héroïque de Wu Song, quatorzième des 108 insurgés.

Un roman attribué à Shi Nai’an

L’auteur du roman Au bord de l’eau s’appelait Shi Nai’an. Il vécut pendant la dernière période de la dynastie Ming (1368-1644) et la première période de la dynastie Qing. À cette époque régnait le chaos et les guerres étaient fréquentes. Shi Nai’an grandit dans une famille trop pauvre pour pouvoir aller à l’école. Shi était intelligent et aimait lire. Il empruntait les livres des voisins et de temps en temps allait à l’école et écoutait les cours. À 13 ans, il répondait facilement aux questions que posaient les gens.

Lu Zhishen, Le Bonze-Tatoué, un des 108 héros. (wikimedia)

Une fois après la mort d’un voisin âgé, un texte devait être écrit pour la cérémonie funèbre mais ce jour-là, le lettré du village était absent. Quelqu’un proposa de laisser le petit Shi Nai’an s’essayer à rédiger le texte. Shi Nai’an accepta et l’écrivit aussitôt. Quand le lettré fut de retour, il trouva le texte de Shi un peu infantile mais dévoilant un talent évident, il l’approuva et proposa à Shi de lui donner des leçons gratuites.

Shi Nai’an étudiait bien et lisait toutes sortes des livres. À l’époque, il portait un grand intérêt à un livre qui racontait les révoltes des paysans. Il pratiquait aussi l’art du Wushu avec ses petits camarades. Shi Nai’an allait aussi dans des maisons de thé et écoutait les histoires des conteurs. Il respectait beaucoup les héros qui défendaient la justice et écrivit finalement Au bord de l’eau en prenant pour base les histoires qui circulaient parmi le peuple.

Au bord de l’eau marque une étape importante de l’histoire de la littérature chinoise et de l’écriture de romans.

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