Le fils d’un journaliste chinois emprisonné appelle le régime de Pékin à libérer son père. Selon plusieurs observateurs, cette affaire illustre le durcissement du contrôle exercé par le Parti communiste chinois (PCC), dans un contexte de luttes politiques internes de plus en plus intenses.
Le célèbre journaliste Dong Yuyu a été condamné à sept ans de prison pour espionnage, a déclaré son fils, Dong Yifu, le 24 février depuis le National Press Club de Washington. D’après Dong Yifu, son père a été emprisonné pour son engagement de longue date en faveur de la réforme politique et du constitutionnalisme démocratique en Chine.
« C’est une question de liberté de la presse. C’est une question de droits de l’homme. Cela n’a pratiquement rien à voir avec la sécurité nationale ou l’espionnage », a-t-il affirmé.
Une condamnation à huis clos
Dong Yuyu, âgé de 63 ans, était directeur adjoint du département des commentaires au Guangming Daily, un média d’État. Il a été arrêté par la police à Pékin en février 2022 alors qu’il déjeunait avec un diplomate japonais. Ce dernier a lui aussi été détenu pendant plusieurs heures, suscitant une protestation officielle du gouvernement japonais.
Le 29 novembre 2024, après un procès à huis clos, un tribunal pékinois a condamné Dong Yuyu à sept ans de prison pour espionnage.
Le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas réagi à la demande de Dong Yifu visant à obtenir la libération de son père.
Depuis Washington, Dong Yifu a précisé que son père comptait faire appel. Il a également exhorté les autorités japonaises à démontrer que les rencontres de son père avec des diplomates japonais n’avaient aucun lien avec l’espionnage.
Un intellectuel modéré pris pour cible
Tout au long de sa carrière, Dong Yuyu a écrit des articles pour des médias chinois et étrangers, ainsi que pour des revues universitaires libérales comme Yanhuang Chunqiu, un magazine historique réputé pour son plaidoyer en faveur des réformes. Il a également collaboré à l’édition chinoise du New York Times, traitant de sujets allant de la réforme juridique aux questions sociales. En outre, il a coédité plusieurs ouvrages promouvant l’État de droit en Chine. Ses écrits défendaient des réformes modérées sans s’attaquer directement au dirigeant du PCC, Xi Jinping.
Henry Li, économiste et analyste des affaires chinoises basé aux États-Unis, a déclaré le 27 février au journal Epoch Times que Dong Yuyu occupait une position relativement élevée au sein du Guangming Daily. « Il était probablement un cadre de niveau sous-directeur de bureau », a-t-il précisé.
Pour Henry Li, l’incarcération de Dong Yuyu s’explique par le fait qu’il a enfreint certaines lignes rouges imposées par le PCC aux cadres et aux médias chinois. « Le régime restreint la presse et empêche les journalistes de dialoguer avec l’extérieur », a-t-il souligné.
« Cela constitue une violation des droits fondamentaux et du droit du public à l’information », a-t-il ajouté.
Un climat de suspicion généralisée
En Chine, il est courant que les journalistes échangent avec des diplomates et des représentants étrangers en poste dans le pays. Pourtant, selon Henry Li, « cela a suffi à éveiller la suspicion des services de sécurité nationale à l’égard de Dong Yuyu, mais personne ne s’attendait à ce que cela serve à le condamner ».
Zhao Lanjian, un journaliste d’investigation chinois en exil aux États-Unis, a déclaré le 1ᵉʳ mars à Epoch Times que, même en étant un cadre influent d’un média d’État, Dong Yuyu pouvait être accusé d’« avoir divulgué des secrets » ou d’« être influencé par l’Occident » s’il entretenait des discussions approfondies avec des universitaires ou des groupes de réflexion étrangers.
« Peut-être que certaines de ses déclarations lors de discussions internes aux médias chinois ont été jugées par le pouvoir comme une remise en cause de la ligne officielle du PCC », a-t-il avancé.
Zhao Lanjian rappelle qu’il y a encore quelques années, les journalistes et intellectuels chinois bénéficiaient d’une relative liberté dans leurs échanges avec le monde extérieur. « Mais aujourd’hui, ce genre d’interactions peut directement conduire à une accusation de mise en danger de la sécurité nationale », a-t-il déploré.
Selon lui, « la terreur d’État instaurée par le PCC a plongé les professionnels des sciences sociales, de l’histoire et du droit dans un climat de peur permanente, où ils ont l’impression de marcher sur des œufs chaque jour ».
Un nouvel épisode de la purge interne du PCC
L’affaire Dong Yuyu s’inscrit dans le cadre des purges politiques menées par le Parti communiste chinois, estime Zhao Lanjian.
Ces dernières années, la répression ne vise plus seulement les opposants, mais aussi les modérés, les réformateurs et les intellectuels au sein même de l’appareil du Parti qui entretiennent des liens avec l’étranger.
« Le système de propagande du PCC est lui-même traversé par des luttes internes, et les médias contrôlés par différentes factions appliquent les directives de manière plus ou moins stricte », observe Zhao.
Il rappelle que, récemment, le dirigeant chinois a entrepris une « rectification sévère » des organes de propagande du Parti. « Des rédacteurs, éditorialistes et même des cadres ayant un esprit plus indépendant ont été écartés les uns après les autres », note-t-il.
Une répression de plus en plus visible à l’international
Le gouvernement américain suit de près l’affaire Dong Yuyu. En novembre 2024, la Commission économique et de sécurité États-Unis-Chine a cité sa condamnation comme un exemple des restrictions croissantes imposées aux contacts avec l’étranger.
Le 21 février, le département d’État américain a publié un message sur X dénonçant la condamnation de Dong Yuyu comme une illustration de la « répression continue par le gouvernement chinois des droits de ses citoyens à la liberté d’expression et à la liberté de la presse ».
Washington a exigé la « libération immédiate et inconditionnelle » du journaliste.
Selon Zhao Lanjian, la communauté internationale ne sous-estime pas le rétrécissement de l’espace politique en Chine.
« Le département d’État américain, les think tanks et les organisations de défense de la liberté de la presse accordent une grande attention à ces affaires, car elles révèlent la gravité de la répression exercée par le PCC », explique-t-il. « Quant aux intellectuels chinois, ils sont plus que jamais terrorisés. »
La Chine, l’une des pires nations pour la liberté de la presse
L’ONG Reporters sans frontières (RSF), basée à Paris, a elle aussi appelé à la libération de Dong Yuyu en novembre dernier. Selon RSF, il fait partie des 123 journalistes et défenseurs de la liberté de la presse actuellement emprisonnés par le régime chinois.
La Chine se classe 172ᵉ sur 180 pays et territoires dans l’Indice mondial de la liberté de la presse 2024 établi par RSF.
« Pour réduire davantage les journalistes au silence, Pékin les accuse d’“espionnage”, de “subversion” ou d’“incitation aux troubles” — trois “crimes fourre-tout”, un terme utilisé par les juristes chinois pour désigner des infractions définies de manière si vague qu’elles peuvent être appliquées à presque n’importe quelle activité », souligne l’ONG dans son rapport.
Luo Ya et The Associated Press ont contribué à cet article.
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