Trappiste, Gueuze… Les bières belges ont réussi à séduire des clients de l’autre côté de la Manche mais avec le Brexit les exporter est devenu plus compliqué et leur prix va s’en ressentir.
Rotsaert, un revendeur de plusieurs centaines de références de bières, a effectué son dernier envoi pour le Royaume-Uni le 29 décembre et espère reprendre ses livraisons au plus tard début février.
L’accord commercial post-Brexit a été conclu in extremis le 24 décembre, trop tard pour avoir eu le temps de se préparer aux nouvelles conditions d’exportation pour cette entreprise des environs de Bruges, comme pour ses transporteurs qui doivent remplir de nouvelles formalités de douanes.
Un numéro de TVA britannique
« Nous avons besoin d’un numéro de TVA britannique, la demande a été faite, on doit attendre », raconte Filip Rotsaert, qui dirige avec son frère l’entreprise familiale créée en 1934.
Après la Belgique, le Royaume-Uni est le deuxième marché de l’entreprise (5 à 10% des ventes à des clients individuels) qui exporte dans toute l’Europe.
Autre mauvaise surprise pour les clients britanniques, quand Rotsaert reprendra ses livraisons, le breuvage belge sera plus cher: 20% de TVA britannique auxquels s’ajoutera une taxe d’exportation de 17,5% quand la commande dépassera 150 euros.
Une caisse de 18 bouteilles de Deus, une bière haut de gamme, passera de 234 à 320 euros avec les nouvelles taxes, estime Filip Rotsaert, calculette à la main. Il ne se montre pas trop inquiet par l’absence de ventes pendant tout le mois de janvier. « Les Britanniques ont beaucoup stocké en novembre et décembre » en prévision des fêtes de fin d’année et du Brexit, assure-t-il.
Guère plus de craintes chez Beerselect, une brasserie de la région de Gand (nord de la Belgique) qui travaille pour des petits brasseurs, une centaine, qui lui confient leurs recettes. Parmi eux, une poignée de Britanniques avec des marques comme « Sicario » ou « British Pride ».
Engouement pour les bières artisanales
« Au Royaume-Uni, il y a un engouement pour les bières artisanales. La Belgique est connue pour son expertise. Même si le Brexit entraîne des changements, nos clients savent que nous sommes des professionnels », déclare Miel Bonduelle, fondateur de Beerselect, spécialisé dans les bières naturelles, sans produits chimiques. Une fabrication en plusieurs étapes dans d’énormes cuves de brassage qui peut prendre jusqu’à huit semaines, contre trois semaines pour une bière ordinaire.
« En général, les clients sont prêts à payer les taxes car ils veulent que leurs bières soient brassées ici. Ils sont aussi réticents à donner leur recette à un autre brasseur, ce serait comme mettre votre enfant dans un jardin d’enfants que vous ne connaîtriez pas », estime-t-il.
Ce sont nos voisins
« Nous n’avons pas tellement peur de les perdre », ajoute-t-il, tout en reconnaissant que de futurs clients potentiels puissent se poser des questions sur l’intérêt de brasser en Belgique, après le Brexit. « Nous verrons l’impact dans quelques mois mais une fois que nous serons habitués, la situation va s’améliorer », dit-il avec optimisme.
Une solution aux tracasseries du divorce avec Londres pourrait être, en particulier pour les PME, de rechercher de nouveaux marchés d’exportation. Mais, comme le souligne avec réalisme Matthias Diependaele, ministre des Finances du gouvernement flamand, « le Royaume-Uni est très proche de nous, ce sont nos voisins et cette situation n’a pas changé à cause du Brexit ».
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