Réarmer la France, un nouveau casse-tête budgétaire pour le gouvernement

Par Epoch Times avec AFP
6 mars 2025 15:06 Mis à jour: 6 mars 2025 15:40

Réarmer la France sans affaiblir davantage des finances publiques déjà exsangues : le laborieux budget 2025 à peine voté, le gouvernement se heurte à un nouveau casse-tête face à ce qu’Emmanuel Macron a décrit comme « la menace » de la Russie.

Dans une mise en garde télévisée contre les « dangers » de ce basculement géopolitique, le président de la République a laissé entendre mercredi qu’un nouvel effort budgétaire difficile attendait les Français, avec « des réformes, des choix, du courage ».

Pour lui, les Européens doivent porter leurs dépenses militaires à 3% ou 3,5% de leur richesse nationale, contre 2% actuellement en France.

C’est une trentaine de milliards d’euros supplémentaires par an, une gageure pour le gouvernement tant les finances publiques sont contraintes.

D’autant qu’il exclut d’alourdir le déficit public dans une France tancée par Bruxelles pour ses dérapages budgétaires et où les ministères sont priés de surveiller strictement leurs dépenses pour tenir l’objectif d’un déficit à 5,4% du produit intérieur brut (PIB) en 2025, contre environ 6% en 2024.

En comparaison, l’Allemagne prévoit de débloquer des centaines de milliards d’euros pour son réarmement, un virage majeur impulsé par le futur chancelier Friedrich Merz.

« L’indépendance nationale, c’est aussi maîtriser notre dette publique »

Pour le ministre de l’Économie Éric Lombard, « l’indépendance nationale, c’est aussi maîtriser notre dette publique ».

Or, « avant même d’envisager d’augmenter les dépenses militaires, on était quasiment devant une équation insoluble » pour y parvenir, souligne auprès de l’AFP François Ecalle, président du site spécialisé Fipeco.

Avec une hausse annuelle des crédits supérieure à 3 milliards d’euros, le budget de la défense est l’un des seuls à avoir échappé aux coupes opérées dans le budget 2025.

De 50,5 milliards d’euros cette année (hors retraites), il doit croître jusqu’à environ 67 milliards en 2030, selon le ministre des Armées Stéphane Lecornu, dans le cadre d’une loi de programmation militaire dotée de 413 milliards pour 2024-2030.

« Un “poids de forme” de l’armée française à un peu moins de 100 milliards d’euros de budget annuel permet de durcir notre modèle d’armée », a-t-il estimé dans Le Point.

800 milliards d’euros demandés par Bruxelles

La mobilisation des fonds européens, voulue à hauteur de 800 milliards d’euros par la Commission européenne, sujet au menu d’un sommet extraordinaire jeudi à Bruxelles, sera « probablement » insuffisante pour subvenir aux besoins français, a admis la porte-parole du gouvernement Sophie Primas.

La Commission, comme Berlin et Paris, veut aussi exclure les dépenses supplémentaires pour la défense du calcul des déficits excessifs.

Mais où trouver des marges de manœuvre alors qu’Emmanuel Macron écarte d’augmenter les impôts et le ministre Éric Lombard de tailler dans les dépenses sociales ? « Pour arriver à des montants aussi colossaux » d’économies, « on ne peut pas laisser de côté la dépense sociale – qui représente la moitié des dépenses publiques – ni la dépense locale », estime François Ecalle.

Le ministère de l’Économie entend aussi faciliter l’investissement privé dans l’industrie de la défense, en réunissant banques, assurances et fonds le 20 mars.

Attirer ces capitaux nécessite « un carnet de commandes (publiques) lisible » afin d’assurer une « montée en cadence des capacités de production », selon Julien Malizard, titulaire de la chaire Économie de défense à l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).

« Quand on dépense pour acheter des équipements français, (…) cela génère de l’activité économique », mais sans forcément « compenser les dépenses » engagées, relève-t-il.

Convaincre les Français

Alors que le ministre des Armées souhaite mobiliser l’épargne des Français « de manière volontaire » dans un élan patriotique, Bercy exclut à ce stade un produit ad hoc, tout comme l’utilisation des avoirs russes gelés défendue par des leaders de la macronie et la gauche.

Dans un paysage politique très morcelé depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, la tâche la plus difficile sera peut-être de convaincre les Français de se serrer davantage la ceinture, selon Julien Malizard.

« Au-delà du strict cadre économique, c’est l’acceptation sociale de certains choix », explique-t-il. Le Premier ministre François Bayrou ne veut « rien abandonner du modèle social » et la gauche refuse de nouveaux « sacrifices », tandis que des voix s’élèvent pour réformer l’État-providence.

En pleine concertation sur la réforme des retraites et alors que le ministre de l’Économie souhaite augmenter le taux d’emploi, Emmanuel Macron a demandé aux partenaires sociaux d’avancer des « solutions ».

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