ENTRETIENS EPOCH TIMES

Christian Saint-Étienne : « Le Premier ministre n’a pas su rallier la nation autour d’un projet compréhensible »

janvier 16, 2025 18:28, Last Updated: janvier 17, 2025 0:28
By

ENTRETIEN – François Bayrou prononçait ce mardi 14 janvier son très attendu discours de politique générale à l ‘Assemblée nationale. Adoption des budgets de l’État et de la Sécurité sociale, réduction de la dette, « remise en chantier » de la réforme des retraites et lancement d’un « puissant mouvement de débureaucratisation », le locataire de Matignon a fixé les grandes orientations du pays pour les mois et les années à venir. Mais pour l’économiste et professeur au Conservatoire national des arts et métiers, Christian Saint-Étienne, le discours du Premier ministre était « flou » et « consensuel ». L’auteur de Le libéralisme stratège face au chaos du monde (Odile Jacob, septembre 2020) et Le conflit sino-américain pour la domination mondiale (Alpha, 2023) doute également de l’efficacité de la « méthode inédite et radicale » du centriste pour relancer la réforme des retraites.

Epoch Times : Comment avez-vous trouvé le discours de François Bayrou sur le plan économique ? Avez-vous été convaincu par ses mots sur les budgets à adopter ?

Christian Saint-Étienne : François Bayrou a été extrêmement flou, consensuel et n’a pas tracé de lignes directrices pour le pays.

Il a annoncé un « conclave » de trois mois pour tenter de régler la question de la réforme des retraites ainsi qu’une enquête pour comprendre le fonctionnement des 1000 agences, organes et opérateurs publics avec un fonds spécial de réformes qui serait financé par la vente d’actifs immobiliers. Mais s’il n’y a pas de mise en œuvre sérieuse, je crains qu’il ne s’agisse seulement de petites mesures.

Depuis trente ans, on nous promet des réformes et des « chocs de simplification » qui n’aboutissent pas. En réalité, le Premier ministre n’a pas su rallier la nation autour d’un projet compréhensible et d’une vision forte.

Il a évoqué les raisons de l’endettement de la France. Pour François Mitterrand, l’« alternance », pour Nicolas Sarkozy « la crise des subprimes » et pour Emmanuel Macron « une cascade de crises » c’est-à-dire les « gilets jaunes, le Covid puis la Guerre en Ukraine et l’inflation ». Qu’en pensez-vous ?

D’autres pays européens, qu’il s’agisse de l’Allemagne, des Pays-Bas ou de la Finlande, ont, eux aussi, subi une grande partie des mêmes crises et ne sont pas autant endettés que la France.

En France, nous soldons les crises par du déficit, alors que les autres pays prennent des mesures structurelles pour ne pas aggraver l’endettement public. Rejeter la faute sur les crises extérieures est une manière de se défausser pour le système.

Le Premier ministre a aussi pointé du doigt la bureaucratie qu’il a jugée « trop lourde ». « Est-il nécessaire que plus de 1000 agences, organes ou opérateurs exercent l’action publique ? », a-t-il déclaré. Il souhaite que le gouvernement s’engage dans « un puissant mouvement de débureaucratisation ». Peut-on parler de discours fort contre l’inflation normative ?

Ces annonces vont évidemment dans le bon sens, mais je ne crois pas que ce mouvement de débureaucratisation va voir le jour. En France, il y a 500.000 fonctionnaires de trop, et je n’ai vu ni François Bayrou ni personne prendre des mesures pour régler ce problème.

S’il avait vraiment voulu mettre en œuvre une grande politique de réduction des normes, il aurait annoncé un plan de restructuration des collectivités territoriales et de l’hôpital puisqu’on sait que 60 % des effectifs sont des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers. Malheureusement, ce n’est pas du tout ce qu’il a proposé.

Évoquant le sujet brûlant des retraites, François Bayrou a promis « une méthode inédite et quelque peu radicale » : une mission flash de la Cour des comptes et une réunion entre les partenaires sociaux. Cette méthode peut-elle être efficace ?

Il faut la tenter, mais il est peu probable que cela conduise à un résultat significatif dans la mesure où il a dit qu’il accepterait de nouvelles propositions en cas de budget neutre.

Compte tenu de l’état d’esprit des syndicats, il n’y aura pas d’aboutissement, sauf peut-être s’il y a une augmentation des impôts et des cotisations sociales, ce qui est la pente naturelle des partenaires sociaux. Mais dans un pays qui a le record du monde de la dépense publique et des prélèvements, cela ne fera qu’aggraver la situation.

Sur la fiscalité, François Bayrou a indiqué vouloir « prémunir les entreprises contre des augmentations exponentielles d’impôts et de charges ». Peut-on imaginer, à partir de ce propos que son budget sera un petit peu différent de celui de Michel Barnier ?

Il est encore trop tôt pour le dire. Nous n’avons pas encore tous les détails du budget. Cependant, c’est mal parti puisqu’il a déjà annoncé que l’effort d’ajustement sera plus faible que sous Michel Barnier.

Soutenez Epoch Times à partir de 1€

Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?

Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.

Voir sur epochtimes.fr
PARTAGER