Le nombre d’épidémies signalées dans la Corne de l’Afrique a atteint son niveau le plus élevé de ce siècle et les systèmes de santé de la plupart des sept pays de la région ont du mal à faire face à la situation, a mis en garde vendredi l’agence sanitaire mondiale de l’ONU.
« Nous assistons à une recrudescence des épidémies et au nombre le plus élevé d’enfants souffrant de malnutrition depuis des années, avec des millions de personnes touchées, le tout dans un contexte de détérioration des perspectives d’insécurité alimentaire », a déclaré depuis Nairobi, au Kenya, la responsable de l’OMS pour la crise sanitaire dans la Corne de l’Afrique, Liesbeth Aelbrecht, lors d’un point de presse régulier de l’ONU à Genève.
À l’heure actuelle, les sept pays (Djibouti, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan du Sud, et Soudan) sont aux prises avec des épidémies de rougeole, tandis que quatre d’entre eux sont touchés par des épidémies de choléra. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une augmentation urgente, coordonnée et rapide de l’aide humanitaire multisectorielle est nécessaire à partir d’avril et probablement jusqu’à la fin de l’année 2023 pour « prévenir l’insécurité alimentaire extrême et la malnutrition aiguë, et pour éviter de nouvelles pertes en vies humaines ».
Le cocktail « mortel » de la malnutrition et la rougeole
La plus grande partie de la région est confrontée à la pire sécheresse depuis au moins 40 ans, tandis que d’autres parties ont été touchées par des inondations, ce qui a entraîné une faim généralisée.
« La malnutrition et la maladie sont les deux faces d’une même pièce et ont un effet synergique », a rappelé Mme Aelbrecht.
Selon l’OMS, la combinaison de la malnutrition et de la rougeole peut être mortelle, un enfant mal nourri ayant beaucoup plus de chances de mourir de la rougeole. Dans la région, environ 11,9 millions d’enfants de moins de cinq ans risquent de souffrir de malnutrition aiguë en 2023.
Selon le dernier Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), 48 millions de personnes (IPC3+) sont confrontées à des niveaux de crise d’insécurité alimentaire. Ce qui signifie que des ménages « sautent des repas et sont susceptibles d’avoir épuisé leurs économies et leurs moyens de subsistance essentiels ».
Parmi ces 48 millions de personnes, 6 millions sont en situation d’insécurité alimentaire d’urgence (phase 4 de l’IPC) et 129.000 en situation de catastrophe (phase 5 de l’IPC). Dans ce dernier cas, « ces personnes sont menacées de famine et regardent la mort en face ».
Cette alerte de l’OMS intervient alors que les conflits, le climat et la crise alimentaire ont déplacé 18 millions de personnes dans la région. La plupart des nouveaux déplacés sont des éleveurs qui ont dû partir à la recherche de nourriture, d’eau, de pâturages pour leur bétail survivant et d’aide.
Près de 478.000 enfants souffrant d’émaciation sévère en Somalie
Sur le terrain, l’OMS soutient le traitement des enfants souffrant de malnutrition sévère et de complications médicales. Rien qu’en Somalie, on estime que 1,8 million d’enfants de moins de 5 ans ont besoin de services de traitement de la malnutrition, dont près de 478.000 enfants souffrant d’émaciation sévère.
« Les efforts humanitaires ont permis d’éviter la famine en Somalie et ailleurs, mais nous ne sommes pas encore sortis d’affaire », a insisté la responsable de l’OMS pour la crise sanitaire dans la Corne de l’Afrique.
Plus largement, les déplacements à grande échelle s’accompagnent souvent d’une détérioration de l’hygiène et de l’assainissement, des conditions qui, conjuguées à la pénurie aiguë d’eau, contribuent largement à accroître le risque de flambées épidémiques.
Outre la rougeole, le paludisme est endémique dans la région et constitue, par endroits, la principale cause de mortalité. Le paludisme a été particulièrement grave au Soudan, où plus de 330.000 cas et 262 décès ont été signalés au cours des six premières semaines de 2023.
Une fréquence des maladies liée aux événements climatiques extrêmes
Parmi les autres épidémies actuelles figurent la dengue (en Somalie et au Soudan, où une nouvelle épidémie a été déclarée dans l’État de Khartoum le 14 février), l’hépatite E (Soudan du Sud et Soudan) et la méningite (Éthiopie).
« La fréquence de ces maladies peut être directement liée aux événements climatiques extrêmes », a expliqué la responsable, relevant par exemple que 64% des cas suspects de méningite en Éthiopie ont été signalés dans les régions touchées par la sécheresse.
Or avec les prévisions d’une nouvelle saison des pluies inférieure à la moyenne en mars-mai, l’OMS avertit que la crise se poursuit.
L’agence sanitaire invite la communauté internationale « à faire une pause, prêter attention et apporter le soutien nécessaire pour éviter les décès dans toute la région ».
« Le changement climatique étant désormais une réalité, nous devons nous préparer à ce que de telles situations d’urgence se produisent de plus en plus fréquemment », a souligné Mme Aelbrecht, ajoutant que la réponse immédiate pour sauver des vies doit s’accompagner d’investissements dans des solutions à long terme.
Pour mener à bien ces opérations, des ressources sont nécessaires pour éviter les maladies et les décès à grande échelle. Pour 2023, l’OMS est en quête de 178 millions de dollars pour mener à bien des actions urgentes et vitales.
L’article publié avec l’aimable autorisation de l’ONU.
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