L’herbe devient toujours plus verte au printemps et, dans une année d’élection présidentielle, les promesses de fleurs se multiplient. L’argent public d’une France déjà surendettée coule donc à flots pour construire la « compétitivité » future du pays ; la montée de sève est si forte et si soudaine depuis quelques mois que les opérateurs de l’État eux-mêmes – ministères concernés, BPI (banque publique d’investissement) entre autres – avouent ne plus savoir comment déployer efficacement les nouveaux milliards d’euros qui leur tombent dessus pour « construire la France de 2030. »
Les leçons du Covid-19 et de la guerre en Ukraine, la louable intention de regagner l’indépendance stratégique conduisent à un changement brutal d’échelle dans les actions de financement public, au point que le secteur de l’innovation ne peut suivre la cadence et est aujourd’hui comme un veau qu’on gaverait à la maïzena en espérant le faire grandir plus vite .
Cette approche d’investissements massifs dans l’innovation, auprès d’acteurs majoritairement non préparés, n’a pas qu’une visée électorale. Elle a marqué toute la présidence Macron et n’a été que renforcée par les douloureuses leçons du Covid-19 et, ce début d’année, de la guerre en Ukraine.
La multiplication des dépenses – alors que le déficit public plonge – sont aussi bien un message lancé à l’étranger (celui du volontarisme retrouvé) qu’aux citoyens français (celui d’un pays tourné vers l’avenir.) Il n’est plus question que de « disruption » et d’innovations de rupture. Les grands cabinets de conseil, dont Mc Kinsey, le BCG et bien d’autres, sont là comme chefs d’orchestre : ils conduisent des analyses approfondies de la compétition internationale, des secteurs dits d’avenir, poussent le gouvernement dans une direction ou une autre sur la seule base de calculs de rentabilité future.
Tout dans la stratégie du gouvernement est conceptualisé pour la compétitivité, avec un cadre de pensée qui – jusqu’à la fin du mois de février – ne prenait en compte qu’une situation d’échanges mondialisés de plus en plus intenses et de plus en plus agressifs.
En médecine, on ne parle alors que des futures générations de nano-bio-thérapies, d’ingéniérie génétique, de jumeaux numériques, de télé-chirurgie robotisée. Ce monde futur rêvé éclipse la question plus pragmatique et moins brillante du socle de l’organisation de la santé, des moyens de la rendre plus humaine, plus efficace et plus soutenable.
Dans le domaine de l’industrie aussi, l’objectif est de créer les « champions technologiques de demain », sans que le modèle mondialiste qui a fait partir l’appareil productif français à l’étranger soit remis en cause. Ceci serait trop simple : l’excitation mentale de penser à des armées de drones livreurs de colis et d’exosquelettes aidant les travaux des ouvriers de demain prime sur l’ennui qu’aurait des réformes de fond pour rendre plus agile et moins coûteuse la très lourde administration française.
Dans ces conditions, l’État utilise l’argent public pour subventionner ce qui devrait relever des investissements des industriels, mais ne touchera rien de son propre fonctionnement. Et, plutôt que d’aider au déploiement des connaissances déjà acquises aujourd’hui – et que bien peu utilisent – il continuera de donner un coup d’accélérateur dans la fuite en avant, en rêvant aux « révolutions » de 2030.
Cette vision – la recherche de compétitivité – est pourtant frappée d’une forme de myopie puisqu’elle postule que le bonheur des peuples ne peut venir que de la victoire dans une compétition internationale pour la technologie. Un exemple comme celui de la guerre en Ukraine démontre pourtant que ces technologies ne font pas tout ; les pays qui souffriront le moins de cette guerre ne sont pas ceux qui maîtrisent les réseaux 5G ni ceux qui développent des applications de réseaux sociaux, mais ceux capables de produire du blé, de l’huile et d’avoir accès à des sources diversifiées d’énergie.
Il est aussi oublié que cette course mondiale à la technologie ira nécessairement avec des tensions internationales croissantes pour l’accès aux matières premières qu’elle exige, métaux et terres rares en particulier. Déjà la lutte a commencé pour tout ce qui entre dans la composition des puces électroniques. Avec le chemin d’investissements pris par la France, et plus largement par le monde dit développé, bientôt peut-être n’y aura-il plus de guerres pour le pétrole, mais des guerres pour l’acier, pour le cobalt, pour le nickel. Et ce alors même que la moindre tension internationale met en danger les équilibres alimentaires de la moitié du monde. Malgré cela, de larges surfaces agricoles servent encore à produire des « bio »carburants qui remplissent le réservoir d’engins de transport de biens de consommation à l’importance secondaire.
Les nouvelles technologies et les innovations qui illustreront les plaquettes à venir de l’auto-satisfaction gouvernementale ne valent en fin de compte probablement pas autant que le fait de pouvoir se nourrir sainement grâce à une agriculture responsable, de disposer des médicaments essentiels et d’infrastructures de soin bien organisées, et de tenter de vivre des vies riches de sens plutôt que de courir après des innovations qui ne sont que rarement des progrès pour l’humanité.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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