Malgré un succès commercial incontesté, une récente étude souligne le manque de goût des tomates de la grande distribution, et appelle à une meilleure information envers les consommateurs.
Mi-août, l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) a une nouvelle fois épinglé la grande distribution. S’intéressant régulièrement à la qualité des fruits et légumes mis en rayon dans les grandes surfaces, l’association a porté entre autres son regard sur les tomates françaises, en organisant 50 dégustations à l’aveugle dans 28 départements, regroupant 850 consommateurs.
Plusieurs enseignements ont été tirés de cette étude (voir graphique). En premier lieu, seulement un tiers des consommateurs se sont dits satisfaits de la qualité des tomates. 38% n’ont trouvé le goût ni bon, ni mauvais, et 30% l’ont déclaré mauvais, voire insipide. Ensuite, l’étude a déterminé que payer plus cher ses tomates n’apporte aucune garantie supplémentaire sur la qualité, et pour finir, les différentes variétés n’auraient aucune incidence sur les saveurs.
Un marché d’1,3 milliard d’euros par an
Sur les étals des supermarchés, la tomate trône en reine après la pomme de terre, et ce même hors-saison ; elle représente entre 6 et 10% du chiffre d’affaires du rayon primeur et son commerce rapporte chaque année près d’1,3 milliard d’euros.
Les premières tomates sélectionnées dans les années 50 ont été choisies sur certains critères, tels que le rendement, la résistance aux maladies, aux nuisibles, leur conservation et leur résistance. En 1980, la grande distribution adopte une nouvelle tomate, qui répond encore mieux aux impératifs. La « long-life » est née. Inconvénient : le goût n’y était plus. « Des sélectionneurs israéliens ont mis sur le marché une variété – Daniela – pouvant se conserver 3 semaines après récolte, grâce à une mutation sur le gène Rin. Mais cette mutation a un défaut très net : le fruit est plus ferme et mûrit moins vite », indique Laurent Bergé, producteur à Nantes et président de l’appellation protégée AOP Tomates et Concombres de France.
« La tomate ne supporte pas les températures inférieures à 12 degrés, or toute la logistique alimentaire en France se fait en-dessous de 8 degrés ».
D’autres facteurs ont également contribué à la perte de saveur. Les tomates récoltées en Espagne ou au Maroc le sont à des stades de maturité très peu avancés, pour leur permettre de voyager et de se conserver plus longtemps. Ensuite, les chambres froides tuent le développement des parfums et entrave le processus de maturité. « La tomate ne supporte pas les températures inférieures à 12 degrés, or toute la logistique alimentaire en France se fait en dessous de 8 degrés ! », soutient Laurent Bergé.
Il serait néanmoins injuste de porter tout le blâme sur les distributeurs, car ces derniers répondent aussi à une demande du public : pouvoir consommer fréquemment un fruit peu cher et à n’importe quelle saison. De plus, d’après les commerciaux, les « tomates molles » ont moins de chance de remporter l’adhésion que des tomates fermes et sans défaut. Pour finir, la plupart des consommateurs ne faisant leurs courses qu’une fois par semaine, une durée de conservation plus longue de ces fruits est souhaitée.
Le goût d’autrefois
Pour qui goûte dans une tomate fraîchement cueillie d’un potager, la différence ne laisse que peu de doutes. D’après les professionnels, on repère une « bonne tomate » simplement au regard et au toucher. « Celle-ci doit être irrégulière, avoir une texture moins bien conservée, se révéler assez souple au toucher et présenter des aspérités, donc des défauts… », observe Hervé Huitric, producteur de tomates anciennes en Loire-Atlantique. À rebours des tomates de la grande distribution, qui sont généralement uniformes, lisses et toutes identiques.
À la fin des années 80, les plaintes des consommateurs ont atteint les oreilles des producteurs et le marché a connu un tournant avec la cultivation de tomates en grappe. Plus odorantes, cultivées hors-sol en Bretagne ou Pays de la Loire, elles constituent dès lors plus de la moitié de la production française. Cependant, hormis leur grappe odorante, celles-ci peinent à convaincre et sont rattrapées par les mêmes impératifs que les « long-life ». Le critère gustatif plébiscité par le consommateur n’y est toujours pas.
L’histoire ne fait alors que se répéter. Dans les années 2000, le marché s’emballe à nouveau avec l’apparition des « tomates anciennes ». Surfant sur le « retrouvons le goût d’autrefois », la grande distribution propose de nouvelles variétés : Cœur de bœuf, Noire de Crimée, tomate ananas, tomate cerise… Le succès est quasi immédiat. Or, là encore, l’habit ne fait pas le moine. « Ce que l’on appelle « cœur de bœuf » sont à 90% des produits insipides, creux, à la peau épaisse et de consistance farineuse », dénonce Alain Cohen, grossiste à Rungis. « La véritable cœur de bœuf est savoureuse, molle quand elle est mûre et ne se conserve pas plus de trois jours ».
Prendre des mesures
« Le problème rencontré, c’est que l’on a imité ces anciennes variétés. Après les avoir croisées, on a créé des tomates modernes, avec des caractéristiques modernes, et depuis on n’y comprend plus rien », s’indigne encore Daniel Villon, producteur dans une Amap près de Toulon, qui dénonce une « véritable contrefaçon ».
Ayant entendu les inquiétudes de maraîchers et des consommateurs déçus par la grande distribution, la Direction Générale de la Consommation, Concurrence et Répression des Fraudes (DGCCRF) s’en mêle en mai 2015, reconnaît le tour de passe-passe et demande aux différents acteurs du secteur de travailler sur un code des usages pour intégrer des variétés hybrides. « Nous renforcerons nos contrôles. On peut facilement distinguer une tomate Coeur de Bœuf qui n’en est pas une, et si l’on en trouve, il y aura un procès verbal, car ce n’est pas normal », expliquait alors Marie Taillard, chargée de communication à la DGCCRF.
À en croire la CLCV, cependant, cet avis n’a pas été entendu. En conclusion de son rapport, l’association souhaite que « les modalités d’étiquetage issues de la nouvelle segmentation de la tomate que nous avons réclamées, permettent rapidement de lever toute ambiguïté et de mieux informer et orienter les consommateurs lors de leurs achats ». L’association suggère plusieurs pistes pour améliorer ce décevant constat, telles que le choix de variétés plus gustatives par les producteurs, l’optimisation des dates et des techniques de cueillette, ou encore une meilleure formation des chefs de rayons sur les pratiques de stockage et de mise en rayon.
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