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Ivan Rioufol : « Macron mime la fermeté face à la Russie qui ne menace pas nos frontières, mais capitule face à la menace algérienne : une farce »

mars 6, 2025 12:12, Last Updated: mars 6, 2025 12:12
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ENTRETIEN – « La Russie est devenue, au moment où je vous parle et pour les années à venir, une menace pour la France et l’Europe », a affirmé Emmanuel Macron dans son allocution de 20h mercredi soir. Alors que l’Occident assiste à un basculement géopolitique marqué par un rapprochement entre les États-Unis et la Russie, le journaliste et essayiste Ivan Rioufol décrypte ce discours présidentiel, y voyant une « surestimation grotesque » de la menace que représenterait Moscou pour la France et une volonté d’occulter les « vraies menaces » : l’Algérie, le wokisme, l’islamisme, ou encore la violence dans les cités. 

Epoch Times : « La menace russe est là et nous touche », a martelé hier Emmanuel Macron dans son allocution. Quelle analyse faites-vous de son message ?

Ivan Rioufol : J’ai trouvé son allocution délirante. Une mise en scène de la peur, une fois de plus, visant à tétaniser l’opinion. C’est un procédé qu’Emmanuel Macron utilise abusivement depuis le début de ses mandats.

Il nous a vendu la peur du populisme, la peur du réchauffement climatique, la peur du Covid. Aujourd’hui, c’est la peur de Poutine et la peur de la guerre. Mais si l’on prend un instant pour examiner la réalité de la menace que représenterait la Russie, on constate à quel point Emmanuel Macron la surestime de manière grotesque, celle-là aussi.

À l’écouter, on pourrait croire que l’armée russe est sur le point de défiler sur les Champs-Élysées. Tout cela relève de la pure fabrication. Or, Macron reproche aux réseaux sociaux de diffuser des fake news… alors qu’il en colporte lui-même lorsqu’il affirme que la vraie menace vient de l’Est. Il devient ainsi la caricature de ce qu’il prétend combattre.

Ce discours est grave, car il occulte les véritables menaces qui pèsent sur la France. Celles-ci sont connues de tous : ce n’est pas la « menace russe », mais d’abord la menace algérienne : l’Algérie poursuit sur notre territoire la guerre d’Algérie. C’est aussi l’islam radical et conquérant, qui subvertit une partie des cités françaises. C’est le wokisme, qui sape les fondements mêmes de la civilisation occidentale

Mais je dirais que la menace la plus insidieuse vient encore des élites elles-mêmes, et Emmanuel Macron en est l’incarnation. Depuis cinquante ans, ces élites promeuvent la société ouverte, affaiblissant méthodiquement la nation française au nom d’idéologies qui s’effondrent sous nos yeux et qui cherchent à occulter les vraies menaces. Poutine devient ainsi le bouc émissaire de Macron, un épouvantail agité pour détourner l’attention de son propre bilan.

Vous rejoignez donc l’analyse d’Hervé Morin, ancien ministre de la Défense qui, sur BFM TV hier soir, a dénoncé « un discours inutilement et excessivement inquiétant », jugeant qu’il est faux selon lui de faire croire que la Russie menace les frontières de la France.  

L’ancien ministre de la Défense valide l’accusation de fake news que j’adresse à Emmanuel Macron. Même prétendre que la Roumanie ou la Pologne seraient les prochaines cibles des Russes relève de la pure folie. Moscou n’a même pas réussi à prendre Kiev. On peut d’ailleurs reconnaître aux Ukrainiens une résistance héroïque.

Encore une fois, ce discours n’a qu’un seul but : tétaniser l’opinion en instillant la peur. J’ai entendu Emmanuel Macron s’adresser aux Français avec une sorte de jouissance à l’idée de les savoir inquiets. Mais sont-ils vraiment préoccupés par la Russie ? Peut-être finiront-ils par l’être, à force de matraquage médiatique. Pourtant, leurs vraies angoisses sont ailleurs.

Les Français s’inquiètent de l’effondrement de la cohésion nationale. Ils redoutent la montée de la violence dans les cités, la puissance des cartels. Et face à ces menaces bien réelles, que fait Emmanuel Macron ? Il désarme. Il mime la fermeté contre Poutine, mais baisse les bras face à nos ennemis intérieurs. C’est une farce.

Si Emmanuel Macron a appelé au « courage » face à la Russie, toutefois, envers l’Algérie, notoirement belliqueuse envers la France, il est accusé de capituler sans mener bataille, excluant tout rapport de force. Après l’attentat de Mulhouse perpétré par un Algérien multirécidiviste sous OQTF, le président français est allé jusqu’à désavouer publiquement François Bayrou et Bruno Retailleau, qui voulaient remettre en cause les accords de 1968. Que cela vous a-t-il inspiré ?

C’est une contradiction totale. Pourquoi Emmanuel Macron tient-il tant à faire la guerre à la Russie, qui ne menace pas nos frontières, mais refuse de s’opposer à l’Algérie, qui, elle, œuvre ouvertement à prolonger la guerre d’Algérie ? Il y a là une posture incompréhensible, une soumission à un État agressif et belliciste.

Certes, le « sentiment de culpabilité » lié à la colonisation pourrait servir de justification pour expliquer la raison poussant Macron à éviter toute confrontation avec l’Algérie. Mais une autre explication a été avancée suite une indiscrétion rapportée par Le Figaro : le président de la République craindrait d’alimenter la colère de la « diaspora algérienne ». Une justification proprement insupportable. Cela impliquerait que la France aurait renoncé à s’affirmer comme une nation une et indivisible, acceptant au contraire une logique de communautarisation, voire de partition.

Plus grave encore, cela signifierait que le pouvoir politique se plie aux revendications de certaines minorités, non seulement algériennes, mais plus largement musulmanes – et, dans certains cas, islamistes. Ce renoncement remet en cause les fondements de la souveraineté française.

Dans son allocution, Emmanuel Macron a mis en garde contre « un monde de dangers » face à un rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie. Depuis plusieurs jours, la rencontre Trump-Zelensky est sur toutes les lèvres. Quel regard avez-vous porté sur le clash entre les deux chefs d’État ?  

J’y ai d’abord vu une altercation entre deux professionnels du show-business : d’un côté, un ancien animateur de télévision, Donald Trump, de l’autre, un ex-acteur de comédie en Ukraine, Volodymyr Zelensky. Il m’a semblé que ces deux figures, rompues aux codes de l’audimat, tentaient d’exploiter les ressorts de leur ancienne profession en usant de procédés outranciers pour capter l’attention.

Certes, Donald Trump a infligé une humiliation à Zelensky, mais ce dernier n’a pas non plus brillé par son attitude. Tous deux ont joué la provocation, transformant leur différend en spectacle, étalant leur linge sale sur la place publique et cherchant à prendre l’opinion à témoin. D’ailleurs, je ne suis pas certain que Zelensky en soit sorti gagnant, malgré les soutiens affichés des dirigeants européens.

J’ai trouvé cette scène pénible, excessive, symptomatique de ce qu’est devenue la politique-spectacle lorsqu’elle est menée par des hommes formés à la course à l’audience. Mais ce phénomène, dont Guy Debord en a analysé les mécanismes, ne date pas d’hier.

S’agissant du traitement médiatique de cette altercation et plus largement de la guerre en Ukraine, Mathieu Bock-Côté a lui aussi établi lundi un parallèle entre le traitement médiatique du conflit et celui de la crise du Covid en 2020, soulignant un « moment d’unanimité médiatique » où toute remise en question des discours dominants expose au risque d’être qualifié de « factieux » ou « d’agent poutinien ». Y a-t-il à vos yeux également un verrouillage du discours médiatique comparable à celui de la crise sanitaire ?

À l’évidence, oui. Tous ceux qui tentent simplement de décrire le réel – à savoir que la Russie a gagné, que l’Ukraine a perdu et, à travers elle, que l’Union européenne a perdu – se voient aussitôt qualifiés de défaitistes, de munichois, de collaborationnistes ou encore de poutinistes. Le parallèle avec la crise du Covid est donc tout à fait juste : ceux qui, hier, remettaient en question le discours officiel sur le vaccin ou le confinement étaient traités de complotistes, de conspirationnistes.

À chaque fois, on observe la même incapacité à accepter un discours alternatif, la même intolérance face à la contradiction. Ces procédés trahissent d’ailleurs la fébrilité de ceux qui contrôlent encore la fabrication du récit officiel : ils redoutent, en réalité, d’être démentis par les faits.

C’est en ce sens que Donald Trump incarne ce qu’il appelle la « révolution du réel » : il force ses adversaires à répondre non plus par des dogmes idéologiques, mais par des faits. Et c’est ainsi qu’il gagne.

À l’inverse, ceux qui imposent une pensée unique révèlent leur véritable nature : non pas celle de démocrates soucieux du débat, mais celle de gardiens d’une orthodoxie intolérante. Ils voient du fascisme partout, sans réaliser qu’ils sont eux-mêmes les révélateurs d’une pensée fascistoïde, incapable de supporter la moindre contestation.

Dans le débat sur la guerre en Ukraine, en Occident, on peut observer que les partisans du gouvernement ukrainien tendent à omettre certains faits capitaux dans leur discours, de nature à remettre en cause leur récit, comme, par exemple, l’implication occidentale dans le renversement en 2014 de Viktor Ianoukovitch, président ukrainien plus favorable à la Russie. De son côté, le gouvernement russe semble lui aussi s’arranger avec l’histoire… Dans un entretien ce dimanche avec le média russe Krasnaya Zvezda, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, n’hésite pas à déclarer que « toutes les grandes tragédies du monde depuis 500 ans ont pris naissance en Europe ou résultent de politiques européennes », citant la colonisation, la Première Guerre Mondiale, Hitler, ou encore Napoléon. Exit l’invasion soviétique de la Pologne orientale et de la Finlande en 1939, des pays baltes en 1940, ou encore les financements soviétiques des Parti communistes, les goulags, les crimes communistes contre des millions de Russes et, plus largement, d’Européens… Doit-on y voir une forme d’amnésie sélective dans chaque camp ?

Nous sommes dans la banalité des propagandes de guerre, où chacun réécrit l’histoire à son avantage, espérant en sortir vainqueur et imposer son récit comme vérité officielle. Si l’on gratte sous la surface, on trouve des horreurs des deux côtés. C’est pourquoi il est essentiel de garder une distance critique et de ne pas se laisser emporter par les discours de propagande, d’où qu’ils viennent.

Si la macronie et une partie de la gauche sont vent debout contre l’accord de paix proposé par Trump, la polémique divise également la droite française, entre une aile qui soutient le président américain et une autre qui s’y oppose, accusant la première de « déclinisme ». Que répondez-vous à cette critique ?

Je connais bien ce procédé, car j’ai moi-même été qualifié de « décliniste » trente ans plus tôt pour avoir osé décrire les ravages d’une société ouverte. C’est l’argument du pauvre. Aujourd’hui, ceux qui constatent que le roi est nu – que l’Europe est désarmée, que ceux qui se pavanaient à marée haute se retrouvent brutalement à découvert – sont traités de défaitistes, voire de munichois.

Pourtant, ce n’est pas du défaitisme, c’est du réalisme. C’est ce même réalisme qui, depuis toujours, guide ma démarche journalistique. Il m’oblige à voir les choses telles qu’elles sont : d’un côté, le déclin évident de la France ; de l’autre, la défaite d’une Europe qui n’a pas les moyens de ses ambitions. Une Europe qui a commis l’imprudence inouïe de se lancer dans des guerres tout en déléguant sa force militaire aux États-Unis. Or, les États-Unis se retirant brusquement, elle se retrouve vulnérable, exposée à ses propres illusions.

Partagez-vous l’opinion selon laquelle certains commentateurs sur les plateaux de télévision prendraient à la légère le risque d’une troisième guerre mondiale ?

En vérité, le risque de troisième guerre mondiale est pris au sérieux, puisqu’il est brandi par le président de la République lui-même, qui affirme que l’Europe fait face à une menace existentielle de la part de la Russie. Son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, laisse entendre qu’une invasion du continent serait imminente : « La ligne de front ne cesse de se rapprocher de nous », a-t-il clamé sur France inter lundi. Le ministre de l’Économie Eric Lombard, quant à lui, parle même d’entrer dans une « économie de guerre ».

Un parallèle s’impose de nouveau avec la crise du Covid : souvenez-vous, le président avait martelé à six reprises que « nous sommes en guerre », instillant la terreur pour mieux imposer une politique hygiéniste autoritaire. Ici, il y a une véritable instrumentalisation de la peur autour d’un risque de troisième guerre mondiale afin de faire accepter l’idée d’une Europe supranationale que les Français rejettent pourtant régulièrement depuis 2005. Emmanuel Macron s’obstine à la faire advenir et à l’imposer.

Invité sur BFM TV dimanche, Eric Zemmour a lui aussi accusé Macron de « profiter de la crise diplomatique entre Trump et Zelensky pour accélérer son agenda fédéraliste européen », revenant sur l’idée du président français de rendre la dissuasion nucléaire européenne. « Ce serait un acte de haute trahison », a-t-il martelé, comme Jordan Bardella. Dans son allocution, Emmanuel Macron a assuré que la décision de recourir à l’arme nucléaire « restera entre les mains du président de la République ». Néanmoins, que vous inspire cette proposition de partager le bouton nucléaire avec des pays européens ?

La question du partage de la dissuasion nucléaire a été heureusement écartée, et il aurait effectivement relevé de la haute trahison que la France délègue à une instance supranationale la décision ultime d’appuyer sur le bouton rouge en cas de crise nucléaire. Sans cela, nous serions déjà engagés dans une logique de guerre mondiale.

Mais derrière cette guerre que l’on refuse obstinément de clore, se dessinent des manœuvres politiciennes insupportables. Les européistes, qui ont perdu cette bataille en cherchant à consolider une défense commune, refusent d’admettre leur échec. Plutôt que d’en tirer les conséquences, ils persistent dans la surenchère, malgré l’évidence de leur impuissance, au seul bénéfice de leur projet supranational.

On retrouve ici le même mépris pour les citoyens ordinaires que celui affiché à l’égard des Gilets jaunes, des opposants aux mesures sanitaires ou encore de ceux qui contestent cette guerre inutile. Une guerre qui, selon moi, n’a rien à voir avec l’Europe : il s’agit avant tout d’un conflit territorial qui ne la menace en rien. C’est une sorte de guerre civile entre un même peuple slave.

Encore une fois, je rejette cette idée selon laquelle cette guerre représenterait une menace existentielle pour l’Europe. Je rejette aussi l’assimilation absurde de Poutine à Hitler, tout comme celle de Zelensky à Churchill. Ces parallèles historiques sont grotesques : ils ne visent qu’à flatter l’ego de ceux qui veulent se donner l’illusion d’être des résistants, alors qu’ils n’ont ni la stature ni l’envergure de ceux qu’ils prétendent imiter.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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