Le Japon a affiché au printemps une croissance économique vigoureuse, accélérant le rythme après déjà cinq trimestres positifs, une série inédite en plus d’une décennie qui vient apporter un peu de répit à un Premier ministre affaibli.
Le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 1% d’avril à juin par rapport aux trois mois précédents, selon les données préliminaires publiées ce jour par le gouvernement, un chiffre bien supérieur aux attentes des analystes (+0,6%).
En rythme annualisé, c’est-à-dire si une telle hausse se poursuivait sur l’ensemble de l’année, la progression ressort à 4%.
Abonnée à une modeste croissance, la troisième puissance économique mondiale, qui vit sa plus longue période d’expansion depuis celle connue entre début 2005 et mi-2006, sous l’ère du Premier ministre Junichiro Koizum, confirme ainsi la tendance positive de belle manière.
Le Japon est désormais bien parti pour aligner un septième trimestre d’affilée, de juillet à septembre : ce serait le cas échéant du jamais vu depuis le tout début des années 2000.
L’économie japonaise se trouve-t-elle à un tournant ?
Dans le détail, les données diffusées ce lundi mettent en lumière un redressement de la demande intérieure, avec une consommation des ménages (quelque 60% du PIB) qui rebondit après plus d’un an dans le rouge, et de solides investissements des entreprises. À noter aussi, l’apport des dépenses publiques amenées à se renforcer à l’approche des Jeux olympiques de Tokyo-2020.
En revanche, les exportations ont marqué le pas, après la vigueur des mois précédents sur fond d’amélioration de la conjoncture internationale.
Ces statistiques arrivent à point nommé pour le chef de l’exécutif Shinzo Abe, dont la popularité est au plus bas. Pour tenter de restaurer la confiance, il a remanié début août son gouvernement et promis de remettre au premier plan les « abenomics », sa stratégie de relance mêlant largesses budgétaires, souplesse monétaire et réformes structurelles.
Initiée à son retour au pouvoir fin 2012, cette politique a échoué jusqu’ici à instaurer une croissance durablement forte et à vaincre la chute des prix : la banque centrale a même dû repousser à plusieurs reprises son objectif d’inflation de 2%, qui n’est pas espéré avant 2019/20.
Après deux décennies de stagnation, l’économie japonaise se trouve-t-elle à un tournant ? « La question clé est de savoir si la demande intérieure va continuer à progresser, mais pour cela des problèmes structurels doivent encore être résolus », selon une récente note de Toru Suehiro, économiste chez Mizuho Securities.
« Une amélioration cyclique de l’activité »
Dans les mois à venir, cette tendance pourrait se poursuivre grâce à « une amélioration de la rémunération totale des salariés constatée ces derniers temps », pronostique de son côté Junko Nishioka, de Sumitomo Mitsui Banking Corporation, agréablement surprise par les statistiques du printemps.
Mais elle rejoint son confrère sur le long terme. « Ce que nous avons observé jusqu’à présent relève d’une amélioration cyclique de l’activité, plutôt que des abenomics », estime-t-elle.
« Pour réellement doper le taux de croissance potentiel du Japon, il faut s’attaquer au déclin démographique du pays ». Or, malgré les promesses de M. Abe, peu de mesures ont été prises pour l’heure pour augmenter la natalité dans un pays où il est difficile de concilier maternité et emploi.
Dans le même sens, le Fonds monétaire international (FMI) a appelé dernièrement le gouvernement à saisir l’occasion de l’embellie actuelle « pour faire avancer un ensemble de réformes complet et coordonné ». « À cette fin, le travail à temps plein, la participation des femmes et des seniors au marché du travail et l’utilisation de la main-d’œuvre étrangère devraient être facilités », préconisait-il, entre autres mesures.
Des éléments extérieurs pourraient aussi venir jouer les trouble-fête, prévient Mme Nishioka : outre le discours protectionniste des États-Unis de Donald Trump et une imprévisible Corée du Nord, un possible ralentissement en Chine, où les autorités ont décidé de serrer la vis pour lutter contre l’endettement, « aurait des implications négatives pour les industriels japonais ».
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