La Chine proclame au monde les vertus de son économie de marché socialiste. Elle souhaite bénéficier des avantages et des bienfaits d’une économie de marché tout en exerçant le contrôle d’un communisme autoritaire, rigide et centralisé. Là réside l’éternelle énigme de cette gouvernance.
La Chine se débat pour savoir comment réduire les risques d’endettement des provinces et des sociétés immobilières lourdement endettées. La dernière société immobilière à être dans le collimateur du marché est le promoteur Vanke, basé à Shenzhen. Vanke est l’une des sociétés immobilières les plus saines de Chine, principalement en raison de ses investissements importants à Shenzhen et dans ses environs, même si cela revient à dire qu’elle est la plus saine des personnes atteintes d’un cancer. Shenzhen veut imposer une discipline de marché à Vanke, mais pas trop.
C’est là que tout se complique. Shenzhen a noté que plus de 30% de ses actifs publics et de ses revenus annuels provenaient de la participation de l’État dans Vanke. La relation incestueuse va au-delà d’une simple propriété passive. Shenzhen vend des terrains que Vanke achète à des prix élevés, financés en grande partie par des prêts accordés par des banques de Shenzhen.
Cette relation multiple nourrit les deux parties, mais les incite également à agir indépendamment des normes de discipline du marché. La ville a besoin de Vanke pour l’aider à satisfaire ses besoins voraces de revenus grâce à la vente de terrains et aux dividendes ; elle a donc besoin d’un promoteur bien financé et rentable et utilise ce pouvoir lorsque c’est nécessaire. Vanke fait preuve de moins de discipline et agit au nom de l’État, s’attendant à tout, depuis un financement supérieur à celui de ses concurrents jusqu’à un traitement de faveur, mais comprenant également qu’il doit agir comme un bras armé de l’État lorsqu’il est sollicité.
Cette relation symbiotique a attiré toute l’attention le 6 novembre lorsque les autorités de Shenzhen ont demandé aux banques locales d’acheter des obligations Vanke en signe de force et de solidarité avec le promoteur. Aujourd’hui, les promoteurs chinois ont besoin de beaucoup de choses, mais un endettement supplémentaire n’est pas en tête de liste. Avec un peu plus de 5000 unités vendues le mois dernier à Shenzhen, pour un parc immobilier total d’environ 6 millions d’unités, davantage de constructions et de dettes à accumuler ne servent qu’à la caisse de l’État, pas à celle de Vanke. On voit donc que l’État a le pouvoir de soutenir les entreprises en place, mais aussi que ses besoins diffèrent de ceux des institutions du marché.
Shenzhen a désespérément besoin des revenus fournis par Vanke, et Vanke a désespérément besoin de l’influence de l’État pour éviter l’effondrement. C’est l’éternel paradoxe d’une économie de marché socialiste.
Dans son livre magistral intitulé The Party: The Secret World of China’s Communist Rulers (ndt. Le Parti : Le monde secret des dirigeants communistes chinois), Richard McGregor décortique de nombreux scandales majeurs dans le monde chinois moderne des affaires pour montrer qu’ils résultent des tentatives opérées par les dirigeants pour satisfaire les exigences du Parti tout en gérant les entreprises. Les chefs d’entreprise agissent à la fois en tant que chef du Parti communiste chinois (PCC) et dirigeant de l’entreprise. Ils suivent donc les diktats du Parti tout en essayant d’équilibrer les demandes du marché, sachant que le Parti règne en maître. Ainsi, lorsqu’il s’agit de choisir qui suivre, c’est toujours le PCC qui l’emporte. D’où l’éternel paradoxe : les entreprises ne peuvent supporter la discipline du marché si le Parti les protège toujours.
Toutefois, le comportement du Parti-État dans cette affaire est logique. Les finances chinoises sont au bord du gouffre de l’insolvabilité, qu’il s’agisse des gouvernements locaux, des promoteurs immobiliers ou des entreprises d’État. Pékin vient d’annoncer que 27 provinces émettraient encore 1200 milliards de yuans d’obligations de refinancement pour simplement reconduire des dettes sur des supports à long terme, après avoir émis des montants similaires en septembre et en octobre. Le problème est simple pour le PCC, même s’il ne fait rien pour aider à la discipline du marché : si le Parti impose une discipline de marché, il crée une crise financière et des troubles sociaux lorsque les promoteurs immobiliers s’effondrent et que les gens perdent les maisons pour lesquelles ils ont effectué des paiements anticipés. Au moins, en les renflouant, il espère gagner du temps pour trouver une solution à un problème d’une telle ampleur. Le parti privilégie la stabilité et y parvient en créant un aléa moral.
Le problème fondamental est le paradoxe de ce qui constitue une économie de marché socialiste. Si le Parti règne en maître et refuse d’autoriser la discipline de marché, celle-ci n’existera jamais, malgré ses plaidoyers et ses protestations. La discipline de marché ne peut exister à l’ombre d’un État qui la refuse.
Le grand philosophe chrétien Saint Augustin a succinctement résumé les appels de la Chine à la discipline du marché lorsqu’il a prié : « Oh, Maître, rendez-moi chaste et bon, mais pas encore ». Si seulement les dettes financières étaient aussi faciles à pardonner par un Parti tout-puissant que les fautes du pécheur par le tout-puissant.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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