Tensions avec le président et les macronistes, velléités des LR, fin de non-recevoir de la gauche : deux semaines après sa nomination à Matignon, les embûches continuent de s’accumuler pour Michel Barnier, conduisant certains élus à prédire que la formation du gouvernement est devenue une équation insoluble.
Les frictions sont encore montées d’un cran mercredi entre le Premier ministre et ses futurs partenaires de gouvernement, le centre et la droite, qui ne veulent pas entendre parler de hausse d’impôts.
La journée s’est de fait transformée en une série de rendez-vous manqués. Une première réunion entre Michel Barnier et le groupe des députés macronistes EPR (Ensemble pour la République) a été reportée, avant qu’une deuxième avec la droite ne soit à son tour annulée.
Unis pour l’occasion, Gabriel Attal, Gérald Darmanin et Elisabeth Borne exigent une « clarification » de la ligne politique du chef du gouvernement, notamment en matière fiscale, et sur la future équipe, accusant la droite d’être trop gourmande.
Mais le Premier ministre a préféré remettre à plus tard leur rencontre, affirmant avoir découvert une « situation budgétaire très grave » qui mérite « mieux que des petites phrases ».
Un bras de fer entre le Premier ministre et Emmanuel Macron
Emmanuel Macron, qui assure ne pas vouloir intervenir dans la composition du gouvernement, a reçu Michel Barnier mercredi. « Le président a fixé dès la nomination l’objectif d’aller vers l’union nationale et de respecter les équilibres », a rappelé un proche du chef de l’État.
D’après BFMTV, le Premier ministre a fourni à Emmanuel Macron une première liste de noms pour son gouvernement, mardi 17 septembre. Il y figurerait beaucoup de personnalités LR et peu issues du bloc central : Bruno Retailleau à l’Intérieur, Laurent Wauquiez à l’Économie, Annie Genevard à l’Agriculture ou encore Didier Migaud à la Justice. Les ministres démissionnaires Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin et Rachida Dati seraient également sur la liste. Au cours d’échanges tendus, la liste a été refusée par le président estimant que cela n’était pas un gouvernement d’unité nationale, rapporte la chaîne d’informations. « Emmanuel Macron dit qu’il va couper avec Matignon. Il est sorti par la porte mais il revient par la fenêtre. Il fait monter Gabriel Attal et Gérald Darmanin pour pourrir Michel Barnier. Ils ne tiennent pas leurs engagements pris il y a dix jours à peine », aurait fustigé une source LR.
Le Figaro évoque également un bras de fer entre Emmanuel Macron et le Premier ministre qui se serait heurté à la volonté du président d’imposer des ministres sortant. Gérald Darmanin se verrait notamment attribuer le Quai d’Orsay. D’après l’entourage du Premier ministre, ce dernier avait oeuvré pour bâtir un gouvernement équilibré en allant au bout d’un processus. Le quotidien national évoque également des discussions tendues avec dans ce contexte de dialogue impossible, la rumeur d’une démission de Michel Barnier.
L’appétit des LR, qui ont obtenu Matignon avec seulement 47 députés et revendiqueraient de gros postes comme Bercy ou Beauvau, agace dans le camp macroniste et à gauche. « Ils ont gagné au loto, et maintenant ils veulent gagner à l’Euromillions. C’est le hold-up du siècle », glisse un député du Nouveau Front populaire.
Michel Barnier « rentre dans le dur (de la composition du gouvernement) et il crée des espaces de frustrations très fortes », commente de son côté une ministre sortante.
Il « a une équation politique très très difficile » à résoudre, reconnait un visiteur de l’Elysée, qui voit cependant un « chemin sinueux » possible : jouer l’opinion contre les groupes parlementaires en étant « le constructif contre le désordre ». « Sa force c’est qu’il n’est ni arrogant ni agressif. »
« Il va être très populaire au début, c’est rassurant de ne plus avoir l’agitation » mais « s’il ne se passe rien, dans un deuxième temps ça lasse », abonde un conseiller de l’exécutif sortant.
Or le temps presse côté budget, dont le calendrier a été grandement retardé cette année par la dissolution et la nomination très tardive d’un Premier ministre.
Après Matignon mardi, le président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale Eric Coquerel (LFI) et le rapporteur général du budget Charles de Courson (Liot) se sont rendus mercredi à Bercy pour réclamer, en vain, les lettres-plafonds qui fixent les crédits par ministère. Ils devraient recevoir jeudi certains éléments budgétaires. En temps normal, ces documents sont disponibles durant l’été.
La mission de Michel Barnier sur le budget est « extrêmement difficile », reconnaît Charles de Courson qui a lui-même refusé un poste de ministre parce qu’il ne disposait ni d’une « majorité stable » ni de l’assurance de « faire des économies justes ».
Le Premier ministre serait-il prêt à « renoncer » ?
Le locataire de Matignon peine aussi à trouver des personnalités de gauche pour son gouvernement. « Il essuie refus sur refus », résume un député LR, comme le socialiste Philippe Brun qui n’a pas voulu devenir ministre du Budget.
Cette situation inextricable fait dire à certains élus que sa mission est devenue impossible. « Comme c’est parti, Barnier va finir par lâcher le morceau. Le mec peut faire un bras d’honneur », avance un parlementaire socialiste. « Qu’est-ce qu’il a à gagner dans cette histoire ? La situation est très tendue. » « Mais s’il lâche, ce serait une vraie crise de régime. Ca peut amener au plus lourd » comme la démission d’Emmanuel Macron, s’inquiète-t-il.
D’autres font courir la rumeur que le Premier ministre serait prêt à « renoncer » vu la difficulté qu’il a à « attirer des gens de la société civile, de la gauche républicaine, du MoDem », rapporte un député EPR. Un scénario qu’un conseiller juge « peu vraisemblable de la part d’un parti qui aspire à gouverner le pays ». Ce sont « des boules puantes de négociation », abonde un proche du chef de l’État.
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