Industriels et gouvernement ont annoncé avoir trouvé un accord commun pour une série d’économies afin de combler un important dérapage des dépenses en médicaments qui aurait alourdi davantage le déficit de la sécurité sociale.
Le gouvernement a en effet reconnu un risque de 1,2 milliard d’euros de dépenses supplémentaires sur les médicaments par rapport aux prévisions pour 2024. Ces dépenses supplémentaires sont attribuées à un montant des remises sur les médicaments « nettement plus bas que prévu » par les industries pharmaceutiques. Une situation qui s’est réglée par une répartition du montant entre les deux parties.
Signe des tensions des autorités avec l’industrie, en septembre, les autorités sanitaires avaient sanctionné par une forte amende des laboratoires pharmaceutiques pour ne pas avoir maintenu de stocks suffisants, faisant face à des ruptures « alarmantes » de médicaments jugés essentiels.
La cession potentielle de Doliprane par Sanofi à un fonds d’investissement américain est « le symbole de l’échec total de la politique industrielle d’Emmanuel Macron », estimait pour sa part la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, mettant le doigt sur la crise existentielle que traverse l’industrie française au sens large, démantelée et vendue à l’étranger.
Dans ce contexte, le nouveau gouvernement Barnier essaye de rattraper un train lancé à pleine vitesse, que des grands moulinets de bras ne freinent pas et que seules des décisions tournées vers une politique protectionniste de réindustrialisation française peuvent sauver.
Une petite erreur d’1,2 milliard d’euros pour l’Assurance Maladie
En fin d’année, les laboratoires remettent à l’État la différence entre le prix officiel et le prix qui a été négocié sur la vente des médicaments. Mais cette année, la fièvre est montée d’un cran, avec un dérapage des dépenses d’1,2 milliard d’euros, attribué à une « erreur d’appréciation » sur la dynamique des dépenses, liée au vieillissement de la population et à la consommation de médicaments innovants, plus chers, a précisé Élisabeth Doineau, rapporteure du budget de la sécurité sociale au Sénat.
« Tout d’un coup tombe du ciel une erreur prévisionnelle majeure dans les comptes qui ont été présentés au Parlement et un dérapage des comptes du médicament? », s’est irrité le président du Leem, Thierry Hulot, qui représente les entreprises du médicament.
« Et donc, on va prendre dans l’urgence des mesures pour boucher un trou dont personne ne connaît la véracité! » s’exaspère-t-il. « On a failli prendre le mur, on a réussi à freiner juste à temps, il est temps de tout remettre à plat, et toutes les parties sont d’accord pour le faire », a-t-il tempéré après l’accord.
Chaque année la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) fixe une enveloppe pour les médicaments remboursables. Si les ventes dépassent ce plafond, un mécanisme nommé clause de sauvegarde s’applique et les laboratoires doivent reverser environ 70 % du trop-perçu à l’Assurance Maladie.
« Tout cela est à l’arbitrage », a déclaré Mme Doineau, qui plaide aussi pour « un PLFRSS (projet de loi de financement rectificative) en milieu d’année prochaine », car les données ne seront probablement consolidées qu’en début d’année 2025. « On va créer des taxes en plus et sur-réguler. C’est un scandale », s’agace tout de même M. Hulot.
Un accord entre le gouvernement avec l’industrie pharmaceutique
« En dépit des analyses contradictoires sur le niveau de risque soulevé, le principe d’un accord a été acté pour anticiper les conséquences qu’aurait un dépassement de 1,2 milliard d’euros sur les comptes des entreprises et de l’Assurance Maladie », peut-on lire dans un communiqué du Leem du 21 novembre.
L’accord entre le gouvernement et le Leem prévoit que les deux parties engagent une démarche contractuelle pour générer « 600 millions d’euros d’économies ».
Ces économies seront réalisées « essentiellement grâce à une démarche de bon usage et de promotion des bonnes pratiques en matière de médicament », précise le communiqué des ministères de la Santé, de l’Industrie et du Budget.
Les entreprises du médicament ont obtenu en outre le maintien de « l’engagement gouvernemental de limitation de la clause de sauvegarde à 1,6 milliard d’euros » pour 2025, mais, selon le gouvernement, « sous réserve de l’atteinte des objectifs d’efficience collectivement fixés ».
Les parties ont aussi convenu de « travailler ensemble à la mise en place d’outils de pilotage communs, à la valorisation de la production européenne et française et à la simplification de l’accès à l’innovation ».
La menace d’une rupture de stock des médicaments essentiels
Cet accrochage entre l’industrie pharmaceutique et les autorités françaises n’est pas nouveau. En septembre, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a été amenée à « prononcer des sanctions financières à l’encontre de 11 laboratoires pharmaceutiques, pour un montant total de près de 8 millions d’euros », a-t-elle déclaré dans un communiqué.
La loi a été durcie récemment alors que les pénuries de médicaments s’aggravent d’année en année. Elle prévoit depuis trois ans que les médicaments dits d’intérêt thérapeutique majeur (MITM) disposent d’un stock de sécurité de quatre mois minimum s’ils ont fait l’objet de ruptures ou risques de rupture réguliers au cours des deux années précédentes. Ce stock est de deux mois pour les autres MITM.
Ces médicaments sont ceux pour lesquels une interruption de traitement peut mettre en danger la vie du patient à court ou moyen terme. Quelque 748 médicaments sont désormais concernés par cette mesure, contre 422 en 2021.
« Si on se met à la place des patients, c’est même une situation angoissante de ne pas trouver le médicament que le médecin nous a prescrit », a-t-il poursuivi.
« Les manquements identifiés concernent par exemple les anti-hypertenseurs, des anti-cancéreux, des anti-microbiens, des médicaments en neurologie… », a continué Alexandre de la Volpilière. « Aucune classe n’est malheureusement épargnée par ce phénomène. »
Doliprane, « symbole de l’échec » de la stratégie d’Emmanuel Macron
La cession possible de Doliprane à un fond d’investissement américain résume l’état de santé d’une industrie du médicament abandonnée aux tourments de la mondialisation et des grands groupes.
« Le scandale de la stratégie industrielle du gouvernement, c’est qu’elle consiste à donner les pleins pouvoirs aux multinationales. Et là, en l’occurrence, on a une multinationale qui considère qu’elle peut faire la pluie et le beau temps », a affirmé Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, suite à la possible vente de Doliprane à un groupe américain.
Sanofi a bénéficié d’ « un milliard de crédits impôt recherche en 10 ans » tout en divisant « par deux les effectifs en France, notamment des emplois de chercheurs », a-t-elle affirmé, appelant à « conditionner les aides publiques aux entreprises ».
« Le scandale est là, et on a un gouvernement, un État, qui laisse les rênes à Sanofi […]. Peut-être aussi parce qu’il y a une proximité très grande avec la direction de Sanofi et le pouvoir », a-t-elle ajouté.
Le groupe pharmaceutique français a annoncé mi-octobre avoir choisi le fonds d’investissement américain CD&R pour lui céder potentiellement le contrôle de son entité de santé grand public, Opella, qui commercialise le médicament Doliprane, suscitant de vives inquiétudes sur les conséquences pour la souveraineté sanitaire française.
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